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» d'entretien: Mademoiselle, lui dit-il, en la voyant » approcher de son lit, je vais mourir, et une seule chose >> trouble mes derniers momens ; je vais laisser une » femme et des enfans dont je suis l'unique soutien et » qui vont tomber dans la misère ; permettez-moi de les » recommander à votre pitié si vous daignez leur pro» mettre votre protection, je mourrai content. Cette » bonne maîtresse lui promit, si Dieu disposait de lui, » de ne point abandonner sa famille, et sa promesse n'a » point été illusoire. A peine avait-elle fait rendre les » derniers devoirs à ce malheureux père de famille,

qu'après avoir vendu sa voiture et ses chevaux, elle >> prit chez elle sa veuve et ses sept enfans, tous sept en » has age. Fidèle à ses engagemens, elle procure à >> chacun d'eux une éducation convenable à leur âge et » aux dispositions qu'ils annoncent. Il est bon d'observer » que c'est à l'âge de quatre-vingt-dix ans que cette de» moiselle fit le sacrifice d'une commodité qui était deve»nue pour elle une sorte de besoin. »

Malgré quelques défauts, cet ouvrage contient des anecdotes intéressantes, des morceaux agréables, des situations qui attachent, des traits de grandeur d'ame de vertu, de patriotisme qu'on lit avec plaisir. Il est à regretter que le style de M. Jumel ne soit pas assez soigné. En relisant la Galerie des Jeunes personnes, il ne pourra m'accuser d'injustice et partagera sans doute mon opinion.

Les mêmes qualités se retrouvent encore dans la Galerie des Enfans, autre production de M. Jumel. Ce professeur a pensé que de tous les ouvrages composés pour l'instruction des enfans, il n'en était point de plus utiles que ceux qui leur retraçaient les belles actions des grands hommes. Si Quintilien avait comparé les enfans à des vases où la liqueur n'entrait que' goutte à goutte, l'abbé d'Olivet a dit qu'il fallait peu de lecture à cet âge, mais une lecture bien choisie, et qui fût continuellement répétée. C'est ce qu'a fait M. Jumel, et l'on doit convenir que cette Galerie offre des morceaux bien propres à produire cet effet.

Je passe maintenant aux Deux Educations, ou le Pou

voir de l'exemple. Il suffit pour faire l'éloge de ce petit roman de dire qu'il est de Mme de Renneville. Cette dame est connue depuis long-tems par des durages agréables et parfaitement bien écrits; quelle pube aujourd'hui, et qui fait le sujet de notre analyse, ne peut qu'ajouter à sa réputation. C'est un excellent livre qu'on s'empressera de faire lire aux jeunes personnes auxquelles il est spécialement destiné. Le cadre chois par Mme de Renneville est simple et interesant. Il s'agit seulement de deux cousines, dont l'une aime la toilette, le grand monde, les plaisirs bruyans et la lecture des romans; l'autre, beaucoup plus simple dans ses goûts, ne trouve du plaisir que dans l'étude et les soins du ménage. Cette dernière, qui habite la province, entretient une correspondance suivie avec sa cousine qui réside à Paris, où elle se livre à tous les plaisirs qu'on trouve dans la capitale. Les petites nouvelles que l'auteur a répandues dans le cours de son ouvrage sont toutes fort agréables et y ajoutent un intérêt particulier; les extraits qui terminent le volume sont faits avec goût et ne peuvent que donner aux jeunes personnes le désir de s'instruire davantage. Enfin il est à désirer que les auteurs qui composent des livres pour l'instruction et l'amusement de la jeunesse, nous en donnent toujours d'aussi bons que celui de Mme de Renneville; je puis les assurer qu'ils n'auront jamais à se plaindre de la critique. Une courte citation justifiera mon jugement, elle est tirée de la première lettre.

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Si l'air que je respire contribue à ma santé, la vue » journalière de l'union la plus respectable et la plus par>> faite ne fait pas un moins bon effet pour ma satisfac»tion intérieure; le père, la mère, la fille semblent » n'avoir qu'une ame, tant ils sont unis cependant >> M. Elios a un caractère très prononcé; il est fier et » violent quelquefois; mais par un art inconcevable, » son petit mouton, comme il appelle sa femme, règne >> en souveraine. Isaure, c'est le nom de mon amie, sait » plier à-propos; sa douceur calme l'impétuosité de son » époux, et sa gaîté le ramène; honteux de sa vivacité, on le voit revenir comme un enfant timide et deman

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» der grace en accordant lui-même ce qui l'avait si fort » irrité. Ces nuages si fréquens entre deux époux, et » qui souvent avec eux portent la tempête, ne reprodui» sent ici que des scènes plaisantes, où l'on voit briller » dans tout leur jour l'aimable caractère d'Isaure et la » tendresse de son mari.

» Peut-être obtiendrai-je de l'emmener avec moi pour » quelque tems; faveur bien grande, car jamais Mélanie » n'a quitté sa mère. Vous verrez, Madame, cette figure » angélique qu'un mot flatteur couvre du plus beau co»loris; vous entendrez une adolescente hasarder d'une » voix basse et timide des réflexions sensées que la sagesse » même avouerait. La franchise de Mélanie vous plaira ; » son respect pour les personnes de mérite vous la fera » aimer; vous verrez enfin l'heureux mélange des grâces » de la jeunesse et des vertus de l'âge mur. »>

Je ne puis mieux terminer cette revue que par le petit cours de morale intitulé, l'Enfance éclairée, ou les Vertus et les Vices, dont l'exécution offrait beaucoup de difficultés. L'auteur a tenté de présenter des idées purement métaphysiques d'une manière simple, claire et précise, les rendre compréhensibles à l'enfant le moins réfléchi, mêler de l'intérêt, du charme même à la leçon la plus grave et la plus importante, afin qu'écoutée avec plaisir elle se gravât profondément dans la mémoire de ses jeunes lecteurs, et préparât leur ame neuve encore à la haine du vice et à l'amour de la vertu. Tel a été le but de Mme D***, et il faut convenir qu'elle l'a parfaitement atteint.

A l'aide des moralistes les plus justement célèbres elle a recueilli avec soin les meilleures définitions sur les vertus et les vices, en retranchant ou ajoutant ce qui lui paru nécessaire.

Ce petit livre est divisé en cinq chapitres qui traitent des devoirs envers Dieu, envers les supérieurs, envers les inférieurs, envers nos égaux et envers nous-mêmes. Ces chapitres sont divisés en articles qui contiennent plus ou moins d'anecdotes ou de contes moraux. Chaque définition métaphysique est suivie d'un trait puisé dans T'histoire sainte ou dans l'histoire profane. On sentira

aisément que Mme D*** s'est sur-tout appliquée à ce que cette portion agréable de l'ouvrage servît de développement et pour ainsi dire de passeport aux vérités sévères qu'il renferme. Si je ne craignais d'allarmer la modestie de l'auteur, je pourrais ôter le voile sous lequel il s'est enveloppé; qu'il me suffise de dire qu'on a de lui plusieurs productions estimables, et une sur-tout, un recueil de poésie qui, après avoir joui d'un grand succès lorsqu'il fut publié, vient de reparaître avec de nombreuses corrections ou additions, et avec plusieurs élégies charmantes. A ces traits l'on reconnaîtra sans peine Mme Dufresnoy. J. B. B. BOQUEFORT.

par

Observations sur un voyage dans les quatre principales iles d'Afrique, fait par ordre du Gouvernement BORY SAINT-VINCENT, officier d'état-major, naturaliste en chef dans l'expédition de découvertes commandée par le capitaine Baudin (*).

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UN ouvrage publié au commencement de l'an XIII traite un peu de l'Isle-de-France et s'étend davantage sur celle de la Réunion. Les titres pompeux que prend l'écrivain, la mission dont il se dit chargé, pourraient donner un certain crédit à ses opinions et induire en erreur plusieurs personnes, si on ne reprenait ce que ce voyage contient de faux.

La première observation que je ferai portera sur le titre. Le voyage n'a point été fait par ordre du gouvernement. M. Bory n'avait d'autre ordre que de suivre l'expédition, sur laquelle personne n'était reconnu comme naturaliste en chef. Si ce titre avait été donné à quelqu'un, c'eût été à M. Michaux. En voyant l'auteur prendre cette qualité, on croirait que toutes les parties de l'histoire naturelle sont traitées dans cet ouvrage de la manière la plus avanta

(*) Ces observations qui nous avaient été envoyées de l'Isle de France, il y a plus de six ans, ne nous sont parvenues que le mois dernier. Comme elles contiennent des faits dont il est toujours bon d'avoir connaissance, nous nous sommes décidés à les insérer, malgré leur ancienneté et celle de l'ouvrage qu'elles ont pour objet. (Note des Rédacteurs.)

geuse, mais cela n'est point. Les corvettes étaient encore à une lieue de Ténériffe lorsque notre voyageur appela M. Michaux et quelques autres personnes pour leur montrer, disait-il, des tapis de Lichen Raccella. M. Michaux observa que c'étaient des Cacalies, des Euphorbes, hautes de deux à trois pieds, que l'éloignement lui faisait prendre pour des plantes rampantes. M. Bory ayant examiné avec une longue-vue, assura qu'il voyait les échancrures des feuilles des Lichen. Cependant quand il fut à terre, il alla visiter les plages qu'il avait examinées de loin, et n'y trouva que des Cacalies, des Euphorbes, et quelques Chaumes secs. M. Bory ne cite point ce fait qui est à son désavantage, mais il s'empresse d'en citer un qui n'a existé, en disant : M. Riedlay me conduisit dans un autre vallon en me promettant un bel Acrostique qui se changea en une Doradille (t. 1, p. 45). On ne sera point surpris de voir M. Bory traiter de la sorte M. Riedlay, quand on lira dans son voyage que Linné a mal à propos confondu sous le nom de Marine une espèce de Nayade avec deux autres especes très-différentes, qui ne viennent pas plus qu'elle au bord de la mer (t. 1, p. 222). M. Bory pouvait relever sur un autre ton ce qu'il dit être une erreur de Linné.

pas

M. Bory a été très-reconnaissant en donnant à des plantes les noms de MM. Broussonnet, Stubert et Aubert du Petit-Thouars, car il doit probablement à ce dernier tout ce qu'il a inséré de bon dans son voyage sur cette science. Si le voyageur eût été mieux instruit, s'il avait bien examiné les cahiers de M. du Petit-Thouars, il eût vu que ce botaniste décrit quinze à dix-huit espèces de Vacoua, qui se trouvent à l'Isle-de-France; il eût vu que cet arbre n'était point, nouveau, que plusieurs naturalistes l'ont décrit, et que Rumphius, dans sa Flore d'Amboine, en reconnaît douze espèces, au nombre desquelles se trouve le Pandanus sylvestris. M. Bory a cru que c'était un mérite de désigner des plantes nouvelles et de les nommer, il a voulu se l'attribuer (t. 2, p. 260 ).

M. Bory ayant pris le titre de naturaliste en chef, doit, par conséquent, traiter de toutes les parties de l'histoire naturelle; mais il n'est pas plus heureux dans les autres sciences que dans la botanique, sur-tout quand il raconte que les poissons volans changent la direction de leur vol, qu'ils s'abaissent ou s'élèvent parallèlement aux vagues agitées, qu'ils volent d'une manière plus parfaite qu'on

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