Page images
PDF
EPUB

au bord de la route, et enfin une pierre du Musée cantonal, dont l'inscription est effacée. De cette façon, nous connaîtrions onze des pierres milliaires qui étaient autrefois sur la route de Nyon à Genève.

Bien qu'il n'y eut pas de grande voie romaine sur la rive méridionale du lac, il n'en existait pas moins, probablement, des établissements romains de ce côté. C'est ce que témoignent plusieurs restes d'antiquités, et en particulier deux inscriptions qui ont été retrouvées dernièrement à Bons, au pied des Voirons, non loin de Thonon, et qui viennent d'être transportées à Genève.

La première, qui est d'une conservation remarquable et de la meilleure époque, est ainsi conçue :

T. RICCIOTFIL VOL
FRONONIIIVIRA ER
ETTRICCIOFRONON
PATRIE TQ RICCIO
FIDO FRATRI
HEREDEX ESTAM '

:

Tito Riccio Titi filio Voltinia
Frontoni Duumviro Ærarii

Et T. Riccio Frontoni

Patri et Quinto Riccio

Fido Fratri

Heredes ex Testamento

c'est-à-dire A Titus Riccius, fils de Titus (de la tribu Voltinia), Fronton, duumvir du trésor et à Titus Riccius Fronton leur père, et à Quintus Riccius leur frère fidèle.

<«< Leurs héritiers d'après le testament. »

1 Cette inscription avait été découverte il y a plus de 60 ans au château de Chignans, près de Thonon, puis transportée au village de Bons, où elle a été retrouvée dans un fenil.

C'est une pierre funéraire en l'honneur de trois membres de la même famille (Riccius Fronton), placée par les héritiers conformément au testament.

Cette inscription est intéressante par le fait qu'elle complète une inscription mutilée que l'on voit encore dans le mur de la cathédrale de St-Pierre, du côté de l'Évêché, et qui se trouve citée par Mommsen, No 89, en ces termes :

ICCIO T. FIL

OL FRONTONI

VIR AERARI

EX TESTAMEN

Le nom de Riccius, qui n'était qu'une conjecture, devient ainsi une certitude, de même que le rétablissement d'un V avant OL à la seconde ligne, ce qui signifie que Riccius Fronlon appartenait à la tribu Voltinia.

L'autre pierre est un fragment d'inscription trouvé en démolissant la voûte de l'église de Bons. Il ne contient que les mots suivants :

BINIAN VS

C. CVRA

c'est-à-dire probablement Sabinianus faciendum curavit. C'est la fin d'une inscription d'un monument élevé par un personnage inconnu nommé Sabinianus.

Aug. TURRETTINI.

MARGUERITE DE FRANCE

DUCHESSE DE SAVOIE

SES RAPPORTS AVEC GENÈVE

(1563-1567)

Le duc de Savoie, Charles III, dit le Bon, qui mourut en 1553, ne laissa guère qu'un titre à son fils Emmanuel-Philibert, puisque ses États, des deux côtés des Alpes, avaient été pris par des troupes de François Ier et de Charles-Quint.

Le nouveau duc avait secondé l'Empereur avec éclat dans les guerres d'Allemagne ; plus tard, il montra le même zèle et la même valeur au service de Philippe II, et il gagna en 1557, contre les Français, la bataille de Saint-Quentin. Aussi profitat-il largement du traité de Câteau-Cambrésis (1559). En effet, c'est alors que la plupart de ses États lui furent rendus et qu'il obtint la main de Marguerite duchesse de Berry, sœur du roi de France Henri II.

Cette princesse, avait alors 36 ans, puisqu'elle était née en 1523. Tous les historiens s'accordent à la représenter comme une personne accomplie. Belle, affable, versée dans la connaissance des langues latine et grecque, protectrice des savants, généreuse envers les malheureux; de plus, au milieu d'une cour où les mœurs étaient dépravées, elle avait su se faire et se conserver une réputation sans tache.

1

Elle a été louée, chantée en diverses langues. Bien des poëtes lui dédièrent leurs vers. C'était la dixième des muses, la quatrième des grâces, la Pallas de la France, etc., etc. Brantôme dans ses Vies des Dames illustres 1 dit « qu'elle avoit le cœur grand et haut. Puis, après avoir signalé sa charité, surtout envers les pauvres français, il ajoute : « Bref, c'était la bonté du monde. Au reste, comme j'ay dit charitable, magnifique, libérale, sage et vertueuse; si accostable et douce que rien plus, principalement à ceux de sa nation. »

Le mariage d'Emmanuel-Philibert et de Marguerite fut célébré à Paris le 9 juillet 1559, peu de jours avant la mort de Henri II.

Le duc ne recouvra pas immédiatement toutes les possessions et tous les droits de ses ancêtres, et le pays de Vaud conquis par les Bernois lui échappa pour toujours.

D'ailleurs, suivant Guichenon 2, « comme ce prince étoit extrêmement pieux, deux choses le travaillèrent le plus à son advénement : l'une, le changement qui étoit arrivé à Genève, sous le duc Charles le Bon; et l'autre, la nouvelle religion.......... Son Altesse résolut donc de chercher les moyens de ramener Genève en son obéissance et de faire retourner ses sujets dos vallées d'Angrogne et de Luzerne au giron de l'Eglise.

Sous ce dernier rapport, on peut dire qu'Emmanuel-Philibert n'épargna pas les persécutions; mais il fut bien forcé de tolérer enfin, chez ses hérétiques sujets des vallées du Piémont, la religion réformée.

Pour ce qui regarde Genève, s'il n'attaqua jamais ouvertement notre république, on eut souvent lieu d'y craindre quelque violence et, en maintes circonstances, il chercha à lui tendre des piéges, qu'elle sut heureusement éviter. C'est ainsi par exemple, qu'en 1559 et 1560 l'ancien instituteur du duc,

'Euvres du seigneur de Brantôme, t. II, p. 463. Paris 1787. 8 vol. in-8. › Histoire généalogique de la royale maison de Savoie, p. 680.

Louis Alardet, échoua dans sa tentative, malgré beaucoup de finesse, devant la fermeté de nos magistrats. Cet épisode nous a été raconté par M. Gaberel '.

2

Parmi d'autres tentatives du même genre, j'en choisis deux sur lesquelles je me propose d'attirer l'attention. Une seule a été brièvement mentionnée par M. Picot et tous nos autres historiens les ont passées sous silence, à l'exception de J.-A. Gautier qui, dans son histoire manuscrite, les rapporte avec beaucoup de détails. Au reste, elles n'ont peut-être pas d'autre intérêt que celui d'avoir été sinon imaginées, du moins soutenues par la duchesse Marguerite. Cette princesse se trouvait dans une position singulière. Elle était animée d'un certain penchant pour la doctrine réformée, mais aussi elle devait naturellement désirer que la domination de son mari s'étendît et se consolidât. Elle pensait que si une ville, foyer du protestantisme, se soumettait aux ducs de Savoie, ce ne pouvait être qu'avec la condition expresse que la religion ne serait pas sacrifiée et elle espérait, par cela même, donner plus de sûretés aux protestants des vallées vaudoises.

Le dimanche 4 juillet 1563, le Petit Conseil fut assemblé extraordinairement sur un avis donné aux syndics par Calvin. Celui-ci, étant aussitôt appelé, déclara que la veille, un officier de Madame la duchesse de Savoie, lui dit être porteur de deux lettres adressées à M. Dorsanne, lieutenant général en Berry, qu'il croyait trouver encore à Genève et qui en était parti. L'officier avait montré ces lettres à Calvin, en le priant d'en faire connaître le contenu à Messeigneurs.

La première, datée de Turin le dernier juin 1563, était signée par la duchesse, qui annonçait à M. Dorsanne qu'elle

[ocr errors]

Bibliothèque universelle, décembre 1858. Une escalade diplomatique.
Histoire de Genève, t. II, p. 136.

Histoire de Genève (Manuscrit des Archives), t. V et VI.

« PreviousContinue »