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forme d'une croisette d'argent à l'un des cantons du chef de l'écu. Aucune trace d'un arrêté des Conseils de Schwytz ordonnant cette adjonction n'a été retrouvée, on en ignore donc la date précise; en outre, le côté où doit se trouver cette croisette n'a pas non plus été fixé dans l'origine, on la voit tantôt au canton dextre tantôt au canton senestre du chef; ce n'est que dans le siècle dernier que l'usage, contrairement à la règle héraldique, l'a placée au canton senestre, tandis bannière la porte près de la hampe.

que

la

Les anciens sceaux de Schwytz ne représentent pas les armes du pays, mais le patron du bourg, St.-Martin, partageant son manteau. La couleur nationale est le rouge.

Les armes d' Uri sont d'or à une tête de taureau, ou plutôt d'aurochs, de sable, bouclée et lampassée de gueules. Les sceaux et les bannières ont toujours été semblables, seulement, comme nous l'avons déjà dit, la tradition prétend que les couleurs ont changé, qu'autrefois le champ était rouge et la tête d'aurochs blanche; ce serait par concession impériale que les libres habitants d'Uri, relevant immédiatement de l'empire, en auraient reçu les couleurs. Sur tous les monuments la tête de taureau est vue de face, excepté sur un fort ancien sceau triangulaire où elle est posée en profil.

La signification de ces armoiries a été l'objet de plusieurs interprétations. On les fait venir d'un ancien peuple qui se serait appelé Taurisci, ou du nom d'Uri, qui est le même mot qu'Aurochs, Urochs, ou Urus, ce qui rendrait les armes d'Uri parlantes. Nous ne repoussons aucune de ces explications; mais celle qui nous semble le mieux convenir, c'est que nous avons ici l'emblème de la conquête opérée par les colons cimbres, scandinaves ou alémanniques, sur le pays habité par des bêtes sauvages dont l'aurochs est le représentant le plus caractéristique. La boucle que l'animal porte dans son muffle passe pour être de concession papale: elle indique l'asservissement de la

nature sauvage par la civilisation que les colons y ont apportée. La langue de gueules qui sort de la bouche de l'aurochs est presque toujours omise, c'est une faute; les anciens sceaux et drapeaux se gardent bien de la laisser de côté.

L'ancienne bannière d'Unterwalden était rouge et blanche, comme nous l'avons dit ; c'est encore maintenant celle d'Obwalden. On y a ajouté la pièce principale des armoiries, laquelle se retrouve sur les sceaux, une clef. Une légende prétend que celle-ci est un présent du pape Anastase qui aurait donné aux Unterwaldois ses propres armes, en récompense de ce qu'ils auraient repoussé les armées d'Alaric, roi des Goths. Nous n'avons pas besoin d'insister sur le peu de probabilité de ce fait, pour adopter une origine beaucoup plus logique. Le Canton est sous l'invocation de St. Pierre ; l'Église de Stanz, ancienne capitale de tout le pays, est consacrée à cet apôtre, on a donc mis sur le sceau et ensuite sur les armoiries, son emblème, c'est-à-dire la clef. Quand le Canton se divisa en deux portions, Obwalden conserva la bannière rouge et blanche et le vieux sceau portant une clef ; souvent il prit pour écusson le champ coupé gueules et argent de sa bannière, sans aucune charge; plusieurs monuments le portent ainsi. La clef est quelquefois représentée ayant son paneton tourné à senestre, on la voit ainsi sur le portail de l'hôtel de ville de Sarnen; sur les sceaux il est tourné à dextre, c'est ce qui a déterminé sa position sur les vitraux du palais fédéral.

Depuis que la dévotion à Nicolas de Flüe s'est popularisée dans le Canton, on a aussi peint sur les drapeaux l'image de cet homme de bien, mais elle n'a pas figuré sur les armes.

Nidwalden a pris la bannière toute rouge des anciens colons et l'a chargée des deux clefs de St. Pierre transformées en une clef à double paneton et cela comme brisure des anciennes armes conservées par Obwalden; il a fait figurer cette bannière sur son écusson et a pris pour sceau l'image de St. Pierre. Chaque

demi-canton a donc son blason particulier et c'est une faute que de réunir les deux armoiries en une, comme cela se voit même sur les bords du lac des Quatre-Cantons où l'on place souvent la double clef de Nidwalden sur le champ coupé d'Obwalden. Les armes du canton doivent se blasonner ainsi :

Parti au 1, coupé gueules et argent à la clef de l'un à l'autre posée en pal, le paneton tourné à dextre, qui est d'Obwalden; au 2, de gueules à la clef d'argent en pal à double paneton qui est de Nidwalden.

Une tradition qui existe dans les Petits Cantons, mais qui n'est confirmée par aucun document, parle d'anciennes armoiries qui auraient été pour Schwytz une vache, pour Unterwalden un veau, Uri portant toujours le taureau. Il est plus probable que cette tradition repose sur quelque légende ou chanson dans laquelle on se sera servi de ces emblèmes pour exprimer les rapports intimes qui existent entre les trois États fondateurs de la Confédération.

Après avoir étudié les trois cantons primitifs, nous en trouvons trois autres dont les armoiries azur et argent ont la plus grande analogie entre elles; ce sont Lucerne, Zurich et Zug. La situation des trois chefs-lieux au bord de leurs lacs ayant aussi une grande similitude, c'est là qu'il faut chercher la signification de leurs armes, où le bleu représente l'eau et le blanc la terre. La partition de l'écu de Zurich tranché argent et azur est l'image du lac qui court du Sud-Est au Nord-Ouest. Pour Lucerne l'écu est parti azur et argent, ce qui n'est pas conforme à la situation respective de la ville et du lac, mais en revanche s'accorde bien avec l'ancienne bannière de Lucerne coupée (et non partie) argent et azur. Quant à Zug, d'argent à la fasce d'azur, la signification est la même, comme le prouve l'écusson de l'ancienne commune souveraine d'Egeri située dans le même canton et aussi sur le bord d'un lac; cet écusson est le même que celui de Zug, avec cette différence

que la fasce est chargée d'un bateau, c'est donc bien une étendue d'eau qu'elle doit représenter.

Sur les sceaux de Zurich sont gravées les images des trois saints, Félix, Regula et Exuperantius, ou seulement des deux premiers, portant leurs têtes coupées dans leurs mains; sur ceux de Lucerne on voit le martyre de St. Leodegar ou Léger, patron de la ville; ceux de Zug portent la fasce.

Les armes des Cantons, peintes ou sculptées, sont ordinairement ornées de supports, et cela surtout si l'écusson est très-simple. Les supports introduits plus tard que les armes offrent rarement une particularité digne d'être remarquée et ne sont nullement obligatoires, presque toujours ce sont des lions; nous ne les mentionnerons que quand ils offriront quelque intérêt. Ceux de Zurich, qui sont des lions, accompagnent presque toujours l'écu, et les Zuricois les prennent volontiers pour emblèmes; depuis la bataille de Dättwyl ils portent des palmes en signe de courage victorieux.

Les supports de Lucerne méritent une mention particulière. Anciennement l'écu était tenu par un moine comme signe des droits de souveraineté exercés sur la ville et le chapitre par l'abbé du couvent de Murbach dans la haute Alsace. Quand l'abbé Berthold de Falkenstein céda ses droits à l'empereur Rodolphe de Habsbourg, le moine fut remplacé par des lions, lesquels disparurent, lorsqu'en 1577 on découvrit, en abattant un chêne à Reiden, dans le canton de Lucerne, des ossements gigantesques de mammifères. Les paléontologistes de l'époque attribuèrent ces ossements à une peuplade de géants, qui auraient été les habitants primitifs de la contrée et on adopta pour tenants de l'écu de la ville, des géants ou sauvages.

Les armoiries de Glaris représentent l'image de St. Fridolin, premier missionnaire du christianisme dans la vallée. Venu d'Irlande avec Gall et Colomban, il prêcha l'Évangile en beau

coup de localités, voyageant continuellement et fondant partout des églises et des monastères. Il reçut à cause de sa grande activité le surnom du Pèlerin. Les seigneurs de Glaris, après l'avoir maltraité et chassé lorsqu'il était venu évangéliser leur contrée, se repentirent et luiléguèrent leurs droits de souverains, qu'il donna lui-même à l'abbaye de Säckingen, une de ses fondations. En mémoire de cette légende, Glaris porte en champ de gueules, couleur des conquérants scandinaves, la figure du saint vêtu en pèlerin avec son bâton blanc et la Bible à la main. On a quelquefois transformé le bâton en crosse: c'est une erreur, jamais Fridolin n'a revêtu la dignité d'évêque, il ne doit donc pas en porter les insignes. On ne doit pas non plus mettre sur le collet du pèlerin les coquilles traditionnelles qui n'étaient portées que par ceux qui revenaient de la Terre-Sainte. L'image de Fridolin se voit sur les sceaux et sur les bannières ; les couleurs nationales sont le rouge, avec une raie ou écharpe noire et blanche.

Après Glaris vient Berne, dont chacun connaît le bel et caractéristique écusson. La légende donne pour origine à ces armoiries l'ours tué par Berthold V de Zaehringen, sur l'emplacement même où il fit élever la ville. N'a-t-il pas plutôt pris pour emblème le plus puissant des animaux carnassiers de notre contrée, pour exprimer ainsi qu'il entendait que sa ville se rendit redoutable à toute la petite noblesse des environs? L'histoire a donné raison au choix de Berthold; ils sont nombreux, ceux qui, nobles ou vilains, ont senti qu'il était dangereux de tomber sous la patte de l'ours de Berne! Dans l'origine, l'ours de sable était passant dans un champ d'argent, et les couleurs le noir et le blanc (Pl. II, fig. 1): A la bataille de la Schosshalde, en 1288, la bannière blanche fut rougie du sang du banneret Walo de Greyerz; en commémoration de ce fait, le champ fut de gueules et l'ours passant dans une bande d'argent posée sur ce champ. En même temps la république adopta

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