Ce qu'eft Nature à cacher coustumiere? Ainfi ferez pour à tous agréer, Et pour le Roy mefmement recréer Au foing qu'il a de guerre jà tyffuë, (1) Dont Dieu lui doint victorieufe yffuë. Et pour le prix, qui mieux faire fçaura, De verd lierre une couronne aura, Et un dixain de Mufe Marotine, Qui chantera fa louange condigne.
Adieu aux Dames de Court, au mois d'Octobre 1537.
Dieu la Court, adieu les Dames, (2)
Adieu les filles, & les femmes,
Adieu vous dy pour quelque temps. Adieu vos plaifans pafletemps, Adieu le bal, adieu la dance, Adieu mefure, adieu cadance, Tabourins, haubois, violons, Puis qu'à la guerre nous allons. Adieu donc les belles, adieu, Adieu Cupido voftre Dieu, Adieu fes fleches & flambeaux, Adieu vos ferviteurs tant beaux,
(1) Elle recommença en 1535. par le Piemont & par l'Italie & fut terminée en 1538. par le Traité
(2) Marot fait ici paroître une grande légereté & un agréable badinage dans les caracteres qu'il fait des Dames de fon temps.
Tant pollis, & tant damerets: O comment vous les traicterez Ceux qui vous fervent à cefte heure! Or adieu quiconque demeure, Adieu laquais & le valet, Adieu la torche & le mulet, Adieu Monfieur qui fe retire Navré de l'amoureux martire, Qui la nuit fans dormir sera, Mais en fes amours pensera. Adieu le bon jour du matin, Et le blanc & le dur Tetin De la belle qui n'est pas preste: Adieu un autre, qui s'enqueste S'il eft jour, ou non, là dedans : Adieu les fignes evidens,
Que l'un eft trop mieux retenu, Que l'autre n'eft le bien venu: Adieu, qui n'eft aimé de nulle, Et ne fert que tenir la mule: Adieu feftes, adieu banquets, Adieu devifes, & caquets, Où plus y a de beau langage, Que de ferviette d'ouvrage: Et moins de vraie affection, Que de diffimulation.
Adieu les regards gracieux Meffagers des cueurs foucieux: Adieu les profondes pensées Satisfaictes, ou offenfées:
Adieu les armonieux fons
De rondeaux, dixains, & chanfons: Adieu piteux departement,
Adieu regrets, adieu tourment,
Adieu la lettre, adieu le
Adieu la Court, & l'équipage:
Adieu l'amitié fi loyalle,
Qu'on la pourroit dire Royalle, Eftant gardé en ferme foy, Par ferme cueur digne de Roy: Mais adieu peu d'amour femblable, Et beaucoup plus de variable: Adieu celle qui fe contente De qui l'honnefteté presente Et les vertus, dont elle herite, Recompenfent bien fon merite: Adieu les deux proches parentes, Pleines de graces apparentes, Dont l'une a ce qu'elle pretend, Et l'autre non ce qu'elle attend. Adieu les cueurs unis ensemble. A qui l'on fait tort, ce me femble, Qu'on ne donne fin amiable A leur fermeté fi louable. Adieu celle qui tend au point A voir un, qui n'y pense point, Et qui refus ne feroit mye D'eftre fa femme en lieu d'amie. Adieu à qui gueres ne chaut
D'armer fon tainct contre le chaut,
Car elle fait très-bien l'ufage De changer fouvent fon vifage: Adieu amiable autant qu'elle, Celle que maiftreffe j'appelle. Adieu l'efperance ennuyeuse, Où vit la belle & gracieuse, Qui par fes fecrettes douleurs En a prins les palles couleurs. Adieu l'autre nouvelle pafle, De qui la fanté gift au mafle: Adieu la trifte, que la mort Cent fois le jour point & remort.
Adieu m'amie la derniere, En vertus & beauté premiere: Je vous pri me rendre à present Le cueur, dont je vous fis prefent, Pour en la guerre, où il faut eftre, En faire fervice à mon maistre.
Or quand de vous se souviendra, L'aiguillon d'honneur l'efpoindra, Aux armes, & vertueux fait. Et s'il en fortoit quelque effect Digne d'une louange entiere, Vous en feriez feule heritiere. De voftre cueur donc vous fouvienne: Car fi Dieu veut que je revienne, Je le rendrai en ce beau lieu. Or je fais fin à mon Adieu.
Ou premiere Epiftre du Coq à l'Afne. A Lyon Famet de Sanfay en Poitou. (1)
TE t'envoye un grand million De faluts, mon amy Lyon: (2)
(1) Cette Lettre & la fuivante font originales. Marot n'a pas eu de modele à imiter; & ceux qui l'ont voulu copier dans ce genre d'écrire n'ont fait que blanchir, & font à peine connus. Il n'y a gueres de piece extraordinaire, ni plus fpirituelle pour les choles qu'elle contient, quoique fans fuite & fans ordres & c'eft ce qui en fait le merite. Voyez Joachim du Bellay dans fes Illustrations de la Langue Françoise chap. 4. du livre 2.
(2) Il fait allufion aux Ecus d'or anciens, dont F 2
S'ils eftoyent d'or, ils vaudroyent mieux, Car les François ont parmi eux Tousjours des nations estranges. (i) Mais quoy nous ne pouvons eftre Anges C'eft pour venir à l'equivoque: (2) Pource qu'une femme fe mocque, Quand fon Amy fon cas luy compte, Or pour mieux te faire le compte, A Romme font les grans pardons. (3) Il faut bien que nous nous gardons De dire qu'on les appetiffe: (4) Excepté que gens de Juftice Ont le temps après les Chanoynes, Je ne vy jamais tant de Moines, (5)
Qui quelques uns marquez d'un coté d'une Annonciation, ou Salutation Angelique, étoient nommez les faluts d'or.
(1) C'est le caractere des François, même de les aimer, fort oppofez en cela aux autres peuples, qui ne peuvent fans jaloufie voir aucun étranger parmi eux. De maniere qu'en fait de graces & de bienfaits, l'Etranger d'un merite egal l'emportera toujours en France fur le naturel François. C'est ce qu'il y a de beau dans notre caractere.
(2) Voyez la Remarque fur l'Epitre 7. où il eft parlé des vers équivoquez.
(3) Il y a long-tems que tous ces autres François en veulent à la Cour de Romes & cependant à la moindre occafion, ils font trop heureux d'y avoir recours. Cretin a dit de fon temps:
A Rome on peut mener tel chant & von ↳ Que près d'Eglife & loing de Dieu eft-bn.
Et cependant il auroit baisé plus que la mulle du Pape, fi le Saint Pere lui avoit envoyé quelque bon & copieux benefice.
(4) De peur d'être traité de Lutherien. C'étoit l'accufation à la mode.
(5) Il en vouloit terriblement aux Moines: en-ve
« PreviousContinue » |