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Avec Regart, & noftre bon Capris,
Qui d'inftrument l'art ha fi bien appris.
Finalement d'autres quinze fois fept,
Dont la plus part lettres & armes fcet.
Te jurant Dieu, que pas je ne fçavoye
Que fi grand fruit produilift la Savoye.
Que Dieu vous hauffe en Fortune profpere,
Mes chers enfans, buvez à vostre pere:
Et fi Amour au dard bien affiné,
Tire Parvaus vers vous du Dauphiné,
Je pry Bouchet qui cognoit fa value,
Que de ma part humblement le faluë.

En telle troupe, & fi plaifante vie,
A ton advis porterons-nous envie
A ceux qu'on void fi hautement jucher,
Pour mieux après lourdement trebucher ?
Doué en biens, tel fut Crefus tenu,
Qui tout à coup un Job eft devenu.
Noftre voler, qui haut ne bas ne tend,
De l'entredeux feroit tousjours content:
Car ceftui-là, qui haut, ne bas ne vole,
Va feurement, & jamais ne s'affolle.
Au demeurant: Quel arreft ha Fortune?
Sinon l'arreft du vent ou de la lune?
Tien-toy certain qu'en l'homme tout perit,
Fors feulement les biens de l'esperit.

Ne voy-tu pas, encore qu'on me voye
Privé des biens & eftats que j'avoye,
Des vieux amys du pays, de leur chere,
De cefte Royne, & maiftreffe tant chere,
Qui m'a nourri (& fi fans rien me rendre
On m'a tollu tout ce qui fe peut prendre)
Ce neantmoins par mont & par campagne
Le mien efprit me fuit & m'accompagne?
Malgré fafcheux j'en jouy, & en ufe:
Abandonné jamais ne m'a la Muse:

Au

Aucun n'a fceu avoir puiffance là.
Le Roy portoit mon bon droit en cela.
Et tant qu'ouy, & nenny fe dira, (1)
Par l'univers le monde me lira.

Toy donq auffi, qui as fçavoir & veine
De la liqueur d'Helicon toute pleine,
Efcry & fay que mort, la fauffe lyce,
Rien que le corps de toy
n'enfeveliffe.

EPITRE LXII.

4 M. Peliffon President de Savoye. (2)

1534.

Xcufe, las, Prefident très-infigne

ExLeferit de cil qui du fait eft indigne:

Indigne eft bien quand il veult approucher
L'honneur de cil qu'homme ne deuft toucher.
Seroit-ce point pour ton honneur blasmer,
Et le blafmant, du tout le déprimer?
Certes nenny. Car tout homme vivant
Ne peut aller ton honneur dénigrant.
C'eft toy qui es le chef & capitaine
De tous efprits (la chose est bien certaine)

Un

(1) On voit par cet endroit que Marot connoiffoit la douce facilité de fa poëfie; & il a raifon dans fa prophetic. Puifqu'il a refifté à une épreuve de deux cents ans, il eft à croire que fa réputation ira encore loing,

(2) Tiré de l'édition des œuvres de Marot in 16. à Lyon chez Jean de Tournes en 1549. & dans celle de Paris in 16. chez la veuve de François Regnault 1551. On fent bien que cette piece eft de Marot, quoiqu'elle porte des marques de fon affliction.

Un Ciceron quant à l'art d'éloquence,
Pour d'un chafcun prendre benivolence;
Un Salomon en jugemens parfaits,

Plein de divins, & de tous humains faits,
Un vray Crefus en biens & opulence,
Humble d'autant, & rempli de clemence:
Un où le Roy s'eft du tout repofé,
Pour le pays qu'en main luy a pose,
Regir du tout, aufli le gouverner,
Droit exercer, & le tout dominer.
Brief, fi j'avois des langues plus de cent,'
Et d'Apollo le fçavoir tant decent,
Je ne pourrois encor bien fatisfaire
A declarer l'honneur qu'on te deuft faire.
Doncques de moy qui fuis infirme & bas,
Comment pourras appaifer les debats?
Comment feront mes efperits délivres,
Pour en ton nom publier quelque livres ?
Car mes efcrits n'ont merité fans faulte
De parvenir à perfonne fi haulte.

Quoiqu'il en foit, la douceur des neuf Mufes
Qui en toy font divinement infuses,

M'ont donné cueur, efvitant pour un poinct Prolixité, dire ce qui me poinct.

Las! cher Seigneur, depuis trois mois ençà, De France ay prins mon chemin par deçà Pour voltiger & veoir nouveaux pays? Mais à la fin mes fens tout esbahis Si ont été, & mefmes quand ma plume De fon plein vol a perdu la couftume, Je penfois bien trouver le cas femblable Comme à Paris, mais mon cas eftoit fable, Ainfi que voy, car icy la pratique ̧ M'a bien monftré qu'elle eftoit fort ethique, Et ferois mis quali en defefpoir,

Si ce n'eftoit que j'ay un ferme efpoir

Que

Que Medecin fera en cet endroit,
Quand un boiteux tu feras aller droit
Par recipez, en me difant ainfi
Pourveu tu es; ne te bouges d'icy.

Si te fuppli, cher Seigneur, qu'il te plaife D'ouir mes dits, les lifant à ton aife: Et me pourveoir de trois mots feulement, Qui me pourront donner allégement. En ce faifant ma plume s'enflera, Et mon voler du tout s'augmentera, Pour du vouloir auffi de la puiffance Faire devoir & deue obeiffance,

Tant en quatrains, dixains, Rondeaux, Ballades

A cil qui rend la fanté aux malades.
Te fuppliant de recevoir en gré
L'efcrit de cil qui n'a cy nul degré,
Et qui tousjours demourra defpourveu,
Si de par toy en cela n'eft

pourveu.

EP ITR E LXIII.

Epitre du biau fys de Pazy. Par autre (1) que par Marot.

Adame je vous raime tan,
Mais ne le dite

MA

pa pourtan,

Les

(1) Ces deux Epitres, d'un genre très-fingulier ne font pas de Clement Marot. Peut-être font-elles de fon fils Michel, ou de quelqu'un de fes difciples. Elles n'ont de la bizarrerie, que parce qu'elles critiquent un langage bizarre, qui s'étoit introduit à la Cour, où, comme par-tout ailleurs, il y a de fots parleurs; & fouvent le plus fot veut fe donner

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Les mufailles on derozeille,
Celui que fit les gran merveille
Nou doin bien to couché ensemble,
Car je vous rayme, ce me femble,
Si for que ne vou lore dize,
Et vou lay bien voulu efcrize,
Afin de paflé de plu loing.
Penfé que j'avoy bien beroing
De deveni fi amouzeu.

O que je fefoy bien heuzeu,
Ha madame la renchefie,
Se n'eft que vostre fachefie,
Non pa pour vou le reprochez,
May i to que je veu touchez
Voftre joly tetin molet,
Vou m'appellé peti folet,
Et me diran, laiffé cela,
Vou n'avé rien caché yla,
Dieu, vou devené mou privé,
Où penfé vou estre arrivé?
Et me faite laide grimaffe,
Et tout ainfi qu'une limaffe,
Qui fes deu cornuchon retife,
Je me recuily, fan mo dife,

Tou

le plus d'autorité. La fimplicité apparente, jointe à la fingularité du difcours, ne laiffe pas de réjouir ceux qui ont la clef de ce langage, fi aifé à trouver. La difficulté ne confifte que dans un changement de lettres: c'eft la lettre R. qui eft mife ordinairement pour S., ou cette derniere qu'on met au lieu de la lettre R. Le refte n'eft que dans l'ortographe, que le peuple & les femmes qui n'ont pas été inftruites, écrivent encore aujourd'huy de même. J'ai trouvé la prémiere de ces Epitres dans le manufcrit 496. de M. Baluze, aujourd'huy dans la Bibliotheque du Roy, où elle eft jointe à des poëfies de Clement Marot & de plufieurs autres poëtes de fon temps.

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