Page images
PDF
EPUB

Que nouveau pleur, quel maintien foucieux
Faict on encor? vien, mon Dieu gracieux,
Hafte toy, Sire.

J'entens, que mort mon amy veut qccike,
Sa force fond ainfi qu'au feu la cyne,
Dont tout bon cueur barbe, & cheveux de fcire,
Faifant regrets,

Semblent Troyens de nuict furprins des Grez, Semblent Romains voyans (que leurs grés) Cefar occis par traifires indifcrets. Ha Dieu mon pere,

S'il eft ainsi qu'à ta Loy j'obtempere,
De Monfeigneur les angoilles tempere,
En me faifant, ainfi qu'en toi j'efpere,
A cefte fois.

Or a mon Dieu d'enhaut ouy ma voix,
Et mys à fin l'espoir, qu'en lui j'avois.
Sus fuyvez moy, au Temple je m'en voys.
Luy rendre graces.

Oftez ce noir, oftez moy ces prefaces
Chantans des morts, oftez ces triftes faces:
Il n'eft pas temps que ce grand ducil tu faces,
Pays heureux.

Le ciel n'a pas efté fi rigoureux
De s'enrichir pour povre, & langoureux
Te veoir ça bas, ton trefor valeureux
Il te redonne.

Vy doncques France encor fouz la couronne,
Qui le chef meur, & prudent environne,
Tandis la fleur de jeuneffe fleuronne,
Pour faire fruit.

Soit l'Ocean calme, fans vent, fans bruit Sechée aux champs foit toute herbe, qui nuit, Comme le jour foit luifante la nuict, Tout dueil fe taife.

Ne pleurons plus, fi ce n'eft de grand' sife,

M 4

Puis

Puis qu'envers nous l'ire de Dieu s'appaife
Tant nous aymant, que de mortel' mefajfe
Tire le Roy.

Efcrivez tous, Poëtes, ceft effroy

Et le haut bien, dont Dieu nous fait ottroy: Vous n'y faudrez, & ainfi je le croy.

Ha povre

Mufes!

S'il fut peri, vous eftiez bien camuses. Donques, enfans, defcrivez les confuses, Voyant celui, où elles font infufes, Efvanouir.

[ocr errors]

Puis toft après, faictes les resjouyr, Quand on leur fait les nouvelles ouyr De la fanté, dont Dieu le fait jouyr, Tant defirée.

Faites Pallas pafle, & fort deffirée, Mars tout marri, fa perfonne empirée, En appellant d'Atropos trop irée Comme d'abus:

Puis tout à coup chantez, comment Phebus Lui mefmes va par les preaux herbus Herbes cueillir, fleurs, & boutons barbus, Fueille, & racine:

Pour faire au Roy l'heureuse medecine, Prinfe deffous tant benevole figne, (1) Que nous verrons fon chef blanc, comme un cigne,

A l'advenir.

Cela chanté, vous faudra fouvenir, De faire Mars tout joyeux devenir, Et à Pallas la couleur revenir,

Non

(1) Il y a encore des Medecins qui obfervent les fignes, conjonctions & oppofitions des planettes, le Cours & décours de la lune, pour purger les malades. C'étoit une chofe affez ufitée dans ces temps-là

Non plus marrie.

Faites, que tout pleure fort, & puis rie, Ainfi que moy voftre dame cherie: Certes fouvent de grande facherie Grand plaifir vient.

Ainfi ferez, & mieux s'il en fouvient: Mais à la fin de voftre œuvre accomplie, Avecques moy conclurre vous convient, Que jamais Dieu ceux, qui l'aiment, n'oublie

D'

VI.

Sur la Maladie de s'Amie. (1)

1528.

Teu, qui voulus le plus haut Ciel laiffer, Et ta hauteffe en la terre abbaiffer, Là où fanté donnas à maints, & maintes,

Vueil

(1) Voyez la Preface à l'année 1528. fur l'occafion qui produit ce Cantique, fait au fujet de la maladie, ou plutôt de l'indifpofition de Madame Marguerite fœur du Roy & Reine de Navarre. Parce que cette piece eft une des plus belles & des plus ingenieufes de Clement Marot, on a prétendu l'attribuer à Mellin de Saint-Gelais, parmi les nouvelles œuvres duquel on l'a inferée dans l'édition de fes poëfies de 1719. Mais il fuffit qu'elle fe trouve dans les recueils & même en toutes les éditions de Clement Marot, pour croire qu'elle eft de lui. En verité quoique Mellin de St. Gelais foit agréable, quoiqu'il foit plein d'efprit & de faillies, il n'a rien fait de cette gentilleffe. Ainfi j'ay raifon de foutenir, contre tous les favants, que ce chant eft de Clement Marot, & non de St. Gelais.

Vueilles ouyr de toutes mes complaintes
Une fans plus, vueilles donner fanté
A celle là, par qui fuis tourmenté.

Ta faincte voix en l'Evangile crie,
Que tout vivant pour fes ennemys prie:
Guerys donc celle, ô medecin parfait,
Qui m'elt contraire, & malade me fait.
Helas Seigneur, il femble, tant eft belle,
Que plaisirs prins à la compofer telle,
Ne fouffre pas advenir ceft outrage,
Que maladie efface ton ouvrage.

Son embonpoint commence à fe paffer,
Ja ce beau teint commence à s'effacer, (1)
Et ces beaux yeux clers & refplendiffans,
Qui m'ont navre, deviennent languiffans.
Il est bien vrai, que cefte grand' beauté
A deffervy pour fa grand' cruauté
Punition. Mais, Sire, à l'advenir,
Elle pourra plus douce devenir.

Pardonne lui, & fais, que maladie
N'ait point l'honneur de la faire enlaydie.
Affez à temps viendra vieilleffe pafle,
Qui de fe faire a charge principale,

Et cependant, fi tu la maintiens faine,
Ceux, qui verront fa beaute fouveraine,
Beniront toy, & ta fille nature,
D'avoir formé fi belle creature.

Et de ma part ferai un beau Cantique,
Qui chantera le miracle autentique,
Que faict auras, admirable à chafcun.

D'en

(1) Fa ce beau teint commence à s'effacer.] C'eft ainfi que met l'Edition de Saint-Gelais; ce qui nous a paru beaucoup mieux que dans les éditions de Marot, où ce vers eft ainfi Jà ce beau traict fe prent effacer.

D'en guerir deux en n'en gueriffant qu'un,
Non que pour moi je leve au Ciel la face,
Ne que pour moi priere je te face.
Car je te doy fuplier pour fon bien,

Et je la doi requerir pour

VII.

le mien.

Chant de May. (1)

1526.

ON ce beau mois delicieux.
Arbres, fleurs, & agriculture,

E

Qui durant l'yver foucieux,
Avez efté en fepulture,
Sortez, pour fervir de pafture

Aux troupeaux de plus grand pasteur;
Chafcun de vous en fa nature
Louez le nom du Createur.

Les fervans d'amour furieux Parlent de l'amour vaine, & dure, Où vous vrais amans curieux Parlez de l'amour fans laydure:

Allez

(1) On a vû à l'année 1526. de la préface que ce qui engagea Marot à moralifer, fur le dégoût qu'il prit pour l'amour, après s'être vû vilainement aban donné par Diane de Poitiers: mais le Dieu d'amours toujours attentif à foulager ceux qui fouffrent pour lui, le récompenfa depuis de fes peines, par Pincli nation de Madame Marguerite. Cela valoit bien Diane de Poitiers, comme il fceut bien lui dire dans l'Epigramme 130.

« PreviousContinue »