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XI.

Chant nuptial du Roy d'Efcoffe, & de Madame Magdeleine, premiere Fille de France. (1)

C

1. Janvier 1537.

Eluy matin, que l'habit nuptial

Le Roy d'Ecoffe ornoit fa beauté blonde, Pour efpoufer du Sceptre Lilia

La fille aifnée, où tant de grace abonde,
Vous euffiez veu des peuples un grand monde,
Qui de fa chambre au fortir l'attendoient,
Et çà, & là, mille autres à la ronde,

Qui

(1) Sur le bruit qui courut que l'Empereur alloit en 1536. engloutir la France, Jacques V. Roi d'Ecoffe le fouvenant des anciennes alliances de fa nation avec nos Rois, embarqua feize mille hommes pour venir au fecours de François I. fans en être prié. Le vent le rejetta trois fois fur les côtes de fon pays, il aborda enfin avec quelques vaiffeaux à Diepe, d'où il prit la pofte pour aller trouver le Roy, mais il le rencontra fur la route de Lyon à Paris. En reconnoiffance d'un fecours donné de fi bonne grace, le Roi ne lui put refufer Madame Magdelaine fa fille aînée, quoique ce Prince fût déja fiancé à ung fille du Duc de Vendôme. Les nôces en furent célébrées à Paris le premier jour de l'an 1537. mais la nouvelle Reine mourut d'une fievre hétique dans l'année même, fans laiffer de pofterité. Et Jacques étant veuf époufa Marie fille de Claude Duc de Guife, & veuve de Louis Duc de Longueville. C'est de ce deuxiême mariage qu'eft fortie l'infortunée Marie Stuart; & c'eft le premier mariage que chante ici Clement Marot.

Qui à la file avec eux fe rendoient.

Tandis les mains des Nobles gracieufes
De pied en cap richement l'ont veftu:
Son corps luyfoit de pierres precieuses,
Moins toutesfois, que fon cueur de vertu:
De Mufc d'eflite avec ambre batu
Perfumé ont fon veftement propice:
Puis luy ont ceint fon fort glaive poinctu,
Dont il fçait faire & la guerre, & justice.

Ainfi en point de fa chambre départ
Pour s'en aler rencontrer Magdaleine:
De beauté d'homme avoit plus grande part,
Que le Troyen, qui fut efpris d'Helaine:
Si qu'au fortir la beauté fouveraine
Les regardans resjouift tout ainfi
Que le foleil, quand à l'aube feraine
Sort d'Orient pour se monstrer icy.

Vien, Prince, vien: la fille au Roy de
France

Veut eftre tienne, & ton amour poursuit:
Pour toi s'eft mife en Royalle ordonnance,
Au Temple va, grand' nobleffe la fuit:
Maint dyamant fur la tefte reluit

De la Brunette: & ainfi attournée

Son tainct pour vrai femble une clere nuict, Quand elle eft bien d'eftoilles couronnée.

Brunette elle eft: mais pourtant elle est belle, Et te peut fuivre en tous lieux, où iras, En chalte amour. Danger fier, & rebelle N'y a que veoir. D'elle tu jouyras: Mais s'il te plaift, demain, tu nous diras Lequel des deux t'a le plus gref efté,

Ou

Ou la longueur du jour, que defiras,
Ou de la nuict la grande breveté.

La Fille donc du plus grand Roy du monde Elle eft à toi: l'Eternel tout puiffant Avant le ciel, avant la terre, & l'onde, Te deftina d'elle eftre jouyffant, Affin que d'elle & de toi foit yflant Immortel neud d'amitié indicible Entre le fceptre Efcoffois fleuriffant, Et le François par autres invincible.

Fille de Roy, mes propos addreffer A toi je veux: efcoute moi donc ores: Je t'adverti, qu'il te convient laiffer Freres & fœurs, pere & pays encores, Pour fuivre cil, que celluy Dieu qu'adores, Par fa parolle a joint avecques toi, Te commandant, que l'aimes, & l'honores: Tu le fçais bien, mais je le ramentoy.

Or fuy le donc jà te font preparez Cent mille honneurs là, où faut que tu voy fes:

D'Efcoffe font tous ennuys feparez,
Trompes, clerons y meinent douces noyfes
Mesmes là bas les Nymphes Efcoffoifes
Avec grand' joye attendent ton venir,
Et vont difant, qu'elles feront Françoifes
Pour le grand bien, qui leur doit advenir.

Va doncques: Non, ne nous vueilles priver
Encor fi toft de ta noble prefence:
Attens un peu, laiffe paffer l'hyver,
Car affez toft fentirons ton abfence.
Vent contre vent fe bat par infolence,

N 3

Prin

Printemps viendra, qui les fera ranger:
Lors paflèras la mer fans violence,
Et ne craindrons que tu fois en danger.

Et fi verras des Dieux de mainte forme,
Comme Fgeon monté fur la baleine.
Doris y eft, Protheus s'y transforme,
Triton fa trompe y fonne à forte alaine:
Au fons de l'eau font ores fur l'areine:
Mais fi attens le printemps, ou l'efté,
Tous fortiront hors de la Mer feraine
Pour faluer ta haute Majefté.

Sur le beau temps ainfi tu partiras,
Et en ton lieu regrets demoureront:
Adieu dirons, Adieu tu nous diras,
Dont tes deux yeux fur l'heure pleureront:
Mais en chemin ces larmes fecheront
Au nouveau feu d'amour bien eftablie:
Nos cueurs pourtant point ne s'en fafcheront
Pourveu que point le tien ne nous oublie.

Si prions Dieu, noble Royne d'Efcoffe, Qu'au temps nouveau vienne un nouveau dan

ger,

C'eft qu'il te faille icy demourer groffe,
Pour fi à coup de nous ne t'eftranger.
A ce propos bien te dois alleger,
Car pour parens, qu'icy tu abandonnes
Enfans auras, Enfans (pour abreger)
Que porteront & fceptres & Couronnes.

XII.

Chant de joye. Au retour d'Espagne, de MesSeigneurs les deux Enfans de France, composé la nuit qu'on en fceut les nouvelles, & le lendemain prefenté au Roy à fon lever. (1)

1530.

Ls font venus les enfans defirez,

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Loyaux François, il eft temps qu'on s'appaise,

Pourquoy encor pleurez & foufpirez?

Je l'entens bien, c'eft de joye, & grand aife:
Car prifonniers (comme eux) eftiez auffi.
O Dieu tout bon, quel miracle eft cecy?
Le Roy voyons, & le peuple de France
En liberté & tout par une Enfance

:

Qui

(1) Ils furent rendus en conféquence du traité de Cambray fait en 1529. & échangez fur la frontiere le 1. Juin 1530, avec douze cens mille écus, que porta Anne de Montmorency Maréchal de France, grand-Maître de la Maifon du Roy, & depuis Connétable. Ils étoient conduits par Madame Eleonor d'Autriche, foeur de Charles-quint, fiancée à François I. dès le 13. fevrier 1526. & qui venoit pour être mariée avec le Roy, ce qui fe fit peu de jours après à l'Abbaye de Verin près le mont de Marfan, où François I. s'étoit avancé pour les recevoir. Cette Princeffe agée de 30. ans, & plus laide que belle, ne poffeda jamais le coeur de François I. mais à fin d'être confiderée, elle s'attira les refpects d'Anne de Montmorency, qui lors gouvernoit le Roy & le Royaume.

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