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A

1524.

Mour au cœur me poind,
Quand bien aimé je fuis:

Mais aimer je ne puis,

Quand on ne m'aime point. (1)
Chacun foit adverti

De faire comme moy,
Car d'aymer fans parti,
C'est un trop grand efmoy.

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(1) Quand on ne m'aime point.] Jean de Meun l'a

voit déjà dit en fon Roman,

Certes moult doit estre blafme

Homme qui aime & n'est aime.

Et Malherbe l'a répeté depuis en ces termes:

Mais je fuis genereux, & tiens cette maxime:
Qu'il ne faut point aimer, quand on n'est point aime.

(2) Voilà comme les Dames veulent des amans,

plus

Car tout vrai poursuivant,

La loyauté fuivant,

Ajourd'huy eft deceu:

Et le plus decevant
Pour loyal eft receu. (1)

CHANSON XXIV.

1525.

Long temps y ha que je vis en espoir,
Et que Rigueur ha deffus moy pouvoir.

Mais

plus on les trompe, plus on cherche à leur faire goûter de plaifir. Elles s'embaraffent peu fi ces dehors font finceres, ils font le même effet qu'en amour veritable, & font plus agréables que ces amours doucereux, qui ne remuënt point affez le

cœur.

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(1) C'est ce que dit, & avec raifon, cet agréable Rondeau du Recueil de 1527. fol. 31.

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De trop aimer tout homme n'eft pas faige,
Les femmes font de fi noble couraige,
Que fi quelqu'un eft d'elles au vif pris,
Jamais n'en font ni extime ni prix,
Mais comme oifeau le detiennemt en caige..

Je commençai, quant je forty de paige
A les hanter, fans que nul advantaige
M'en fait venu, lors qu'eftois fort furpris
De trop aimer.

Plus j'en ay vu d'affectez en langaige,

Qui n'aimoient riens fors de bouche & vifaige,
Très-bien parlans eomme fins & appris,

Venir a chef de leur cas entrepris

Que de tranfis portans douleur & raige
De trop aimer.

Mais fi jamais je rencontre allegeance,
Je lui dirai, Madame, venez voir,
Rigueur me bat, faites m'en la vengeance.

Si je ne puis allegeance efmouvoir,
Je le ferai au Dieu d'Amour fçavoir,
En lui difant: ô mondaine plaifance,
Si d'autre bien ne me voulez pourvoir,
A tout le moins ne m'oftez esperance. (1)

CHANSON XXV.

Ο

1527.

Uand vous voudrez faire une amte,
Prenez-la de belle grandeur:

En fon efprit non endormie,

En

(1) Il a raifon: en toutes chofes l'efpoir eft la confolation des malheureux: mais il a encore un avantage, c'eft un des indices de l'amour.

Amans, tant que vous aimerez,
Vous craindrez, vous espererez,
Malgré toute votre prudence,
Lorfque l'on peut être un feul jour,
Ou fans crainte, ou fans efperance,

On fe peut dire fans amour. ( Made. de La Suze)

C'eft ce que dit une perfonne qui a aimé plus d'une fois & de plus d'une maniere. Et cette efpece de Madrigal de Madame la Comteffe de la Suze peut fervir de Commentaire à la Chanfon de Clement Marot. Il aimoit donc encore quand il l'a faite, puifqu'il efperoit, ou du moins qu'il vouloit efperer.

En fon tetin bonne rondeur:

Douceur

En cœur,
Langage
Bien fage,

Danfant, chantant par bons accords,
Et ferme de cueur & de corps.

Si vous la prenez trop jeunette,
Vous en aurez peu d'entretien: (1)
Pour durer, prenez-la brunette,
En bon point d'affeuré maintien.
Tel bien

Vaut bien
Qu'on faffe
La chaffe

Du plaifant gibier amoureux:
Qui prend telle proye est heureux.

CHANSON XXVI.

EN

N entrant en un jardin
Je trouvay Guillot Martin
Avecques s'amye Heleine,
Qui vouloit pour fon butin
Son beau petit Picotin (2)

Non

(1) Le Poëte cherche à fe confoler par-là de fa premiere maitreffe qui étoit jeunette, & avoit peut-être peu d'entretien: mais il avoit trouvé bien autre chofe en Madame d'Alençon, pendant les amours de laquelle cette Chanfon paroît avoir été faite.

(2) Petit picotin.] Ce doit être la mesure ordinaire des amans qui veulent faire vie qui dure. Car quand on fe fest de la grande mefure, on ne va pas loin

Non pas d'orge ne d'aveine.

Adonc Guillot luy a dit,
Vous aurez bien ce credit,
Quand je ferai en alaine:
Mais n'en prenez qu'un petit,
Car par trop grand appetit
Vient fouvent la pance pleine.

CHANSON XXVII.

D

1525.

'Amours me va tout au rebours,
Jà ne faut que de cela mente,

J'ay refus en lieu de fecours:
M'amye rit, & je lamente.
C'eft la caufe pourquoi je chante,
D'Amours me va tout au rebours,
Tout au rebours me va d'amours.

CHANSON XXVIII.

I'

1525.

'Ay grand defir
D'avoir plaifir

D'amour mondaine:

Mais c'est grand' peine,

Car

Rabelais fe fert auffi de cette expreffion liv. 3. ch.18. Coquillart parle d'une femme qui prenoit tous les jours de fon mary le picotin à grand' mefure. Mais C'étoit une femme de haut appetit.

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