E PIT RE. IX. Pour le Capitaine Raifin, audict Seigneur de la Rocque. (1) E N mon vivant je ne te fis fçavoir Chofe de moi, dont tu deuffes avoir Ennuy ou dueil: mais pour l'heure prefente, Très-cher Seigneur, il faut que ton cueur fente Par amitié, & par cefte efcripture Un peu d'ennuy de ma male adventure. Je ne veux pas aufli que tu leur celes: Tu diras vrai, car maux me font venus Maint (1) Ce Capitaine Raifin eft le même Marot qui dans l'Epitre précedente s'eft nommé le Capitaine Bourgeon. Il n'eft pas le feul qui foit devenu la dupe de la Déeffe d'Amours. Il a pour compagnons des Princes & des Rois, qui n'en ont pas été quittes à fi bon marché que lui. Comme il n'y avoit pas long-tems que la maladie étoit connue en France, on n'avoit pas encore découvert les remedes les plus prompts & les plus efficaces, que le grand ufage du mal a fait rechercher depuis. Maint bon courtaut y fut mis hors d'alaine, Car leur ardeur eft afpre le poffible: Fort mal garny de lances & efcus: La (1) Faucons.] C'étoit le terme dont on fe fervoit alors, & dont on s'eft encore fervi depuis pour défigner les femelles dont la fanté eft encore plus équivoque que la conduite. On le voit par une Chanfon faite du temps de la Ligue contre le Duc de Mayenne de la maifon de Guife, Prince affez maleficie par les plaifirs auxquels il fe livroit. La Voici. Que chafeun prefte l'oreille, Et vous orr 2 tantoft merveille De l'effet du Catholicon: La drogue eft fi fouveraine, Qu'elle a gueri Monfieur du Maine De la morfure d'un faux C.. Voyez les Remarques fur la fatyre Menipée Tom. 2. pag. 26. édition de 1711. La Terre neufve, & la grand' Tartarie, Par plufieurs jours m'a fi très-bien frotté Tant feulement de lances de fougere, Me faifant boire en chambre bien ferrée Dont fouvent fais ma grand' foif eftancher. Ma vie fut jadis predeftinée. En fin d'efcrit, bien dire le te vueil, Caufe (1) Surie] Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'eft point ici le nom d'une Province; c'eft un pays limitrophe à toute l'humanité, où l'on va fort aiféinent, mais d'où l'on revient avec un peu plus de peine Caufe trop plus de douleur & de rage, EPITRE X. A Monfieur Bouchar Docteur en Theologie. (1) 1525. Onne refponse à mon present affaire, D Docte Docteur. Qui t'a induit à faire Emprifonner depuis fix jours en çà, Un tien amy, qui onc ne t'offenfa? Et (1) La crainte que l'on eut de voir pulluler en France les erreurs de Luther & des Sacramentaires de Zuingliens, donna lieu de créer un Inquifiteur de la foy. Le Docteur Bouchar l'étoit en 1525. & Marot fut arrêté à fa requête ; mais cependant à la follicitation fecrette d'une puiffante & vindicative donzelle, c'étoit Diane de Poitiers, Ces vieux Docteurs s'adouciffent comme les autres à la vuë d'une aimable perfonne : Où il n'y a frere frapart C'eft ce qu'affure le Champion des Dames, maître en amours, fol. 23. Le vieux Docteur ne fit donc rien pour le pauvre Marot. Il falut de fortes follicitations pour obtenir fa liberté. Voyez la Preface fur la fin de 1525. & au commencement de 1526. Et vouloir mettre en luy crainte & terreur Bref (1) Zuinglien.] Leur chef étoit Ulric Zuingle, Curé de Zuric en Suiffe, qui fe mit à dogmatifer contre l'Eglife en 1516. ou 1517. On les nomme auffi Sacramentaires, parce qu'ils attaquoient l'efficace & la fainteté des Sacremens; fur-tout de celui de l'Autel, qu'ils prétendoient n'être qu'une fimple figu re de ce que Jefus-Chrift avoit fait dans la Cene. (2) Et moins Anabaptifte.] J'ai deux éditions de Paris de Bonnemere en 1536. & 1538. qui mettent, Encores moins Papifte. Mais c'eft quelque ennemi de Marot, ou quelque novateur qui a changé ce terme: car toutes les autres éditions écrivent comme celleci, Anabaptifte. Ces Anabaptiftes parpiffoient depuis 1520. que Jean de Leyde en fut le chef, & fit de fi grands ravages à Munster & dans la Weftphalie. Voici comme l'édition de Bonnemere met ce vers & les fuivans: Ne Zuinglien, encore moins Papifte On voit que Marot a fait des changemens dans cette Epitre, & a retranché le 2. & 3. vers de ceux que nous rapportons ici. (3) Sa mere.] Voyez les Chants 1. & 2. & le Rondeau 3. fur la conception de la Ste. Vierge. |