XLVI. RONDEAU. D'un, qui incite une jeune Dame à faire Amy. Mon plaifir vous faites feu & bafme: Parquoy fouvent je m'eflonne, ma Dame, Que vous n'avez quelque amy par amours. Au Diable, l'un, qui fera fes clamours Pour vous prier, quand ferez vieille lame. Or en effect, je vous jure mon ame, Que fi j'eftois jeune, & gaillarde femme, J'en aurois un devant qu'il fût trois jours (1) A (1) Il eft inutile de donner ces fortes d'avis aux femmes, elles ne font que trop portées à fe prêter à l'humanité. Les plus Tages tournent fagement la chofe, & difent De riens n'aymer n'eft pas fait fagement, Quel mal fait-on d'aymer bien loyaulmen Sans point mentir, un desloyal amant Que le peché, ne la faulte conceue, Ceft ce qui eft dit dans un des Rondeaux du Re neil de 1527. folio 54. A mon plaifir. Et pourquoy non? ce feroit grand diffame, Si vous perdiez jeuneffe, bruit & fameSans esbranler drap, fatin, & velours: Pardonnez moy, fi mes mots font trop lourdz, Je ne vous veux qu'apprendre voftre gaine A mon plaifir. XLVII. RONDEAU. A la jeune Dame, melancolique & folitaire. Certes c'est bien à toi grand' cruauté En fa verdeur fe resjouift l'Efté, XLVIII. RON, E XLVIII. RONDEAU. De la jeune Dame, qui a vieil Mari. N languiffant, & en griefve trifteffe Vit mon las cueur, jadis plein de lieffe; Puis que l'on m'a donné mary vieillard. (1) Helas pourquoi? rien ne fçait du viel art, Qu'apprend Venus l'amoureuse Déesse. Par un defir de monstrer ma proueffe Souvent l'affaux: mais il demande, où est-ce? Ou dort, peut-eftre, & mon cueur veille à part En languiffant. Puis quand je veux luy jouer de fineffe, (1) En verité on a pensé jufte, quand on a dit: Quoique Dieu, Phimen eft un fat, pretend le premier mettre la main au platz Et quant il eft faoul, cet Ingrat Ne veut pas feulement qu'on tâte de fon reste. (Pavillon.) On devoit y mettre ordre; mais ce feroit aux femmes a faire la deffus quelque bonne loy, pour autoriter ce qu'elles fçavent fi agreablement pratiquer, quand elles trouvent l'occafion, XLIX. RON XLIX. RONDEAU. D'une mal mariée, qui ne veut faire amy. Il fit ce Rondeau fur mefme fujet que fon Elegie 20. & l'avoit lors mis à la fin d'icelle. (1)` C Ontre raifon Fortune l'efvollée Trop lourdement devers moy eft vollée, Quand pour loyer de ma grand' loyauté Du mien efpoux je n'ai que cruauté, En lieu d'en eftre en mes maux confolée. Or d'autre Amy ne ferai-je accollée, Et aimerois mieux eftre décollée, Que defloyale à fa defloyauté Contre raifon. La fleur des champs n'eft fechée, & foulée, Qu'en temps d'Yver: mais moy povre affoléc Pers en tout temps la fleur de ma beauté, Helas ma mere, en qui j'ai privauté Reconfortez la povre defolée, Contre raifon. (1) Il paroît que ce Rondeau regarde Madame Marguerite Ducheffe d'Alençon. Voyez la préface. après l'an 1526. L. RON L. RONDEAU. D'aucunes Nonnains, qui fortirent du Couvent pour s'aller recréer, Hors du convent l'autrehyer fous la coul; drete Je rencontray mainte nonne proprette, Vins aborder la plus jeune & tendrette. Dont (1) Je l'arraifonne.] Je l'entretiens; vieux mot qui n'eft plus d'ufage dans nos auteurs, & qui n'étoit pas même fort commun dans nos anciens livres: arraifon ner; c'est comme fi l'on difoit, raisonner d'une chofe avec quelqu'un, la difcuter; entretenir par un dif cours raifonné. C'eft en ce fens qu'il eft mis dans Villon & dans un Rondeau du Recueil de 1527. fol. 61. où une Dame se plaint de fon amant. Tant l'aime fort, que douleur afpre & forts De jour en jour certes on me rapporte Ce penfement fi fort me déconforte, |