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Bref celuy fuis, qui croit, honore, & prife
La faincte, vraye, & catholique Eglife.
Autre doctrine en moi ne veux bouter:
Ma Loy eft bonne, & fi ne faut douter
Qu'à mon pouvoir ne la prife & exauffe,
Veu qu'un Payen prife la fienne fauffe.
Que quiers-tu donc, ô Docteur Catholique?
Que quiers-tu donc? As-tu aucune picque
Encontre moi? ou fi tu prens faveur
A me trifter deffous autruy faveur ?
Je croi que non, mais quelque faux enten-
dre (1)

T'a fait fur moi telle rigucur eftendre.
Donques refrains de ton courage l'ire:
Que pleuft à Dieu, qu'ores tu peuffes lire
Dedans ce corps de franchise interdict:
Le cueur verrois autre, qu'on ne t'a dict.
A tant me tais, cher Seigneur nostre mai-
ftre, (2)

Te fupliant à ce coup amy m'eftre.
Et fi pour moy à raison tu n'es mis,
Fais quelque chofe au moins pour mes amis,
En me rendant par une hors boutée
La liberté, laquelle m'as oftée.

(1) Cela étoit vrai neanmoins; mais Marot n'ofoit le dire. Il fçavoit bien que, fi les libertins pardonnent quelquefois, les dévots ne le font jamais.

(2) Maifire.] C'eft ainfi qu'on apelle encore les Docteurs, & c'eft une qualité fort honorable, furtout parmi les Moines.

EPITRE XI.

fon Amy Lyon Famet de Senfay en Poitou. (1)

JET

1525.

ne t'efcri de l'amour vaine & folle, Tu vois affez, s'elle fert, ou affolle: Je ne t'efcri ne d'armes, ne de guerre, Tu vois, qui peut bien, ou mal y acquerre: Je ne t'efcri de Fortune puiffante, Tu vois affez, s'elle eft ferme ou gliffante: Je ne t'efcry d'abus trop abufant, Tu en fçais prou, & fi n'en vas ufant: Je ne t'eferi de Dieu, ne fa puiffance, C'eft à luy feul t'en donner cognoiffance: Je ne t'efcri des Dames de Paris, Tu en fçais plus que leur propres Je ne t'efcri, qui eft rude, ou affable, Mais je te veux dire une belle Fable:

Maris:

C'est

(1) Marot écrivit en 1525. de la prifon du Châtelet à Paris cette Epitre fi ingenieufe à Lyon Jamet fon ami particulier, pour l'engager à venir travailler à fa délivrance; ce qu'il fit genereufement & avec fuccès dans le tems que les froids amis du Peete s'embaraffoient peu de lui. La fable qu'il employe eft contée avec cette agréable & facile ingenuite qui fait le merite de cette forte de petits ouvrages, & pourroit même fervir de modele, fi nous n'avions pas en notre langue les inimitables fables de La Fontaine. Il y a encore quatre Epitres ou Lettres à Lyon Jamet; ce font les 41. 43. 44. & 45. du Coq à l'Afne, & une autre de Lyon Jamet à Ma rot; c'eft la 46.

C'est affavoir du Lyon & du Rat. (1) Ceftuy Lyon, plus fort qu'un vieil verrat, Veit une fois, que le Rat ne fçavoit Sortir d'un lieu, pour autant qu'il avoit Mengé le lard, & la chair toute cruë: (2) Mais ce Lyon (qui jamais ne fut gruë) Trouva moyen, & maniere, & matiere D'ongles & dens, de rompre la ratiere: Dont maistre Rat efchappe viftement: Puis met à terre un genouil gentement, Et en oftant fon bonnet de la teste, A mercié mille fois la grand' befte: Jurant le Dieu des Souris & des Rats, Qu'il lui rendroit. Maintenant tu verras Le bon du compte. Il advint d'avanture, Que le Lyon pour chercher fa pafture, Saillit dehors fa caverne, & fon fiege: Dont, par malheur, fe trouva pris au piege, Et fut fié contre un ferme pofteau.

Adonc le Rat, fans ferpe, ne couteau,
Y arriva joyeux, & esbaudy,

Et du Lyon, pour vrai, ne s'eft gaudy:
Mais defpita Chats, Chates, & Chatons,
Et prifa fort Rats, Rates, & Ratons,
Dont il avoit trouvé temps favorable
Pour fecourir le Lyon fecourable:

Au

(1) Marot s'eft ici représenté lui-même sous la figure d'un Rat. Et comme il eft quelquefois dangereux de fe donner certains noms peu favorables, Šagon s'eft avifé dans la fuite de traiter Marot de Rat pellé dans les pieces qu'il fit contre le Poëte pendant Ton exil de 1535.

(2) Voyez la Ballade 6. qui fait entendre que c'est pour avoir mangé du lard, fans doute en Carême, que Marot avoit été arrêté. Voyez auffi la Preface fur l'an 1525.

Auquel a dit, tais-toi,.Lyon lié;
Par moy feras maintenant deflié:
Tu le vaux bien, car le cueur joly as:
Bien y parut, quand tu me deflias.
Secouru m'as fort Lyonneufement,
Or fecouru feras Rateufement.

Lors le Lyon fes deux grans yeux veftis, Et vers le Rat les tourna un petit, En lui difant, ô povre verminiere, Tu n'as fur toi inftrument, ne maniere, Tu n'as coufteau, ferpe, ne ferpillon, Qui fceuft coupper corde, ne cordillon, Pour me jetter de ceste eftroite voye: Va te cacher, que le chat ne te voye. Sire Lyon, dit le fils de Souris, De ton propos, certes, je me fouris: J'ai des coufteaux affez, ne te foucie, De bel os blanc plus tranchans qu'une fye: Leur gaine c'eft ma gencive & ma bouche: Bien coupperont la corde qui te touche De fi très-près: car j'y mettrai bon ordre. Lors Sire Rat va commencer à mordre Ce gros lien: vrai eft qu'il y fongea Affez long-temps, mais il le vous rongea Souvent, & tant, qu'à la parfin tout rompt: Et le Lyon de s'en aller fut prompt, Difant en foy: nul plaifir, en effect, Ne fe perd point, quelque part où foit fait.. Voilà le compte en termes rithmaffez: Il est bien long, mais il eft viel affez, Tefmoin Efope, & plus d'un million.

Or viens me veoir, pour faire le Lyon: Et je mettrai peine, & fens, & eftude D'ettre le Rat, exempt d'ingratitude: J'entens, fi Dieu te donne autant d'affaire, Qu'au grand Lyon: ce qu'il ne vueille faire.

E PITRE

XII.

Excufes d'avoir fait aucuns Adieux. (1)

1529.

SUSCRIPTION.

Clement Marot aux gentils Veaux, (2)
Qui ont fait les Adieux nouveaux.
Atyriques trop envieux,
Ecrivans de plume lezarde,

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Vou's

(1) Marot ne feroit gueres eftimable, s'il n'avoit pas eu des ennemis: les ignorans & les gens fans merite font les feuls qui n'en ayent pas. Qu'y auroit-il en eux qui pourroit leur attirer des envieux ou des jaloux? La prefence de Marot contenoit ceux que Jui avoient fufcitez fes rares talens & la faveur de la Cour. Mais à peine fe fut-il éloigné fur la fin de 1528., avec quelque forte de difgrace, qu'un certain nombre de Rimailleurs commencerent à tomber fur lui, & firent paroître fous fon nom de mauvaises pieces, & fur-tout des Adieux fatyriques aux Dames de Paris, parmi lesquelles on en avoit indiqué, que Marot aimoit & refpectoit. C'eft contre ces Adieux que le Poëte s'élève si agréablement dans cette pie

ce.

Comme ces Adieux ne font pas bien longs, les voici tels que nous les avons trouvez dans l'édition de Clement Marot de Paris chez Denis Janot in 16. 1538. folio 146.

Adien Paris la bonne ville,
Adieu de Meaux la Jeanneton,
Adieu celle de corps habille,
Adieu blanche comme cotton:
Adieu la belle au dur teton,
Adieu vous dictz comme une trippe,
Adieu étroites, ce dit-on,

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