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MAROT. C'eft en vous feule, où gift toute beauté, Trop plus qu'en autre.

LXII. RONDEAU.

A la fille d'un Painetre d'Orleans, belle entre les autres.

A Fait leulement de Venus le vifage
U temps paffé Apelles peintre fage
Par fiction: mais pour plus haut attaindre
Ton pere a fait de Venus, fans rien faindre,
Entierement la face & le corfagé.

Car il eft painctre, & tu es fon ouvrage,
Mieux reffemblant Venus, de forme & d'aage,
Que le tableau qu'Apelles voulut paindre
Au temps paffé.

Vrai eft, qu'il fit fi belle fon image, Qu'elle efchauffoit en amour maint courage: Mais celle-là que ton pere a fceu taindre, Y met le feu, & a dequoi l'eftaindre: L'autre n'eut pas un fi gros advantage Au temps paffé.

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LXIII. RONDEAU.

Du baifer de s'Amie. (1)

1524.

N la baifant m'a dit, Amy fans blasme

E ce bail baifer', qui deux bouches em

bafme (2)

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Les arres font du bien tant efperé.
Ce mot elle a doucement proferé,
Penfant du tout appaifer ma grand' flame.

Mais

(1) Ce Rondeau & les trois fuivans regardent fes amours avec lfabeau, c'est-à-dire, Diane de Poitiers; & toujours baifers en campagne. A la fin, un lecteur un peu fenfible en deviendroit jaloux.

(2) Hé bien, quand on ne peut mieux, n'eft-ce pas déjà beaucoup Le Rondeau le dit fort gentiment. (Recueil de Rondeau fol. 38.)

Qui mieulx ne peut, il est bien à fon aife,
Qui tient fa Dame, & l'accolle & la baife,
Jeune, embonpoint, très-belle, benne & faige,
Beau taint & neuf, & gente de corfaige,
Que lui fault-il? mais qu'il ne vous desplaife;

S'il eft course, fon alaine l'appaife,
C'est le fecours qui met hors de malaise,
Et tout cela prent à fon advantaige,
Qui mieulx ne peut.

Au monde rien ne voit qui tant lui plaife,
Heureux fe tient, mais bien lui complaife,

que

Se on luy donne & lui baille en oftaige
Jufqu'a la mort n'a point de meilleur gaige,
Mais de fon nom c'eft force qu'il le taife,
Qui mieulx ne peut.

Mais le mien cueur adonc plus elle enflam→ me, (1)

Car fon alaine odorant plus que bafine
Souffloit le feu, qu'Amour m'a preparé
En la baifant.

Bref, mon efprit fans cognoiffance d'ame
Vivoit alors fur la bouche à ma Dame,
Dont fe mouroit le corps enamouré
Et fi la levre euft gueres demouré
Contre la mienne, elle m'euft fuccé l'ame
En la baifant.

(1) Ce que Marot dit ici & dans le refte de ce Rondeau, eft un détail d'amour, mais Richelet en a fait fimplement une penfée amoureuse dans ces vers:

Lorfque je baife Celimene,
Je penfe foulager ma peine;

Mais ce remede, au lieu de me guerir,
De mon mal irrite la caufe,
Et je vois bien qu'il faut mourir,
Ou qu'il me faut quelque autre chofe.

Qu'on ne s'imagine pas, en lifant ces vers, que la Celimene de Richelet fût de ces aimables perfonnes, en qui les Graces difputent a l'envy pour les décorer de leurs faveurs. C'étoit une Marguerite, ou une Catherine qui de jour lui fervoit dans fa cuifine. Il vouloit toujours qu'elles fuffent au poil & à la plume. Ainfi il n'avoit garde d'en mourir. C'étoit le vrai Ancillariolus de Martial.

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(1) Ce Rondeau fut fait fans doute en même temps que la 20. Chanfon, dans laquelle le Poëte fe plaint de l'or, des pierreries & des autres richeffes qui lui ont enlevé fa maitreffe Diane de Poitiers. Il défire dans ce Rondeau une chofe impoffible, qui eft de ramener le fiecle antique; le moderne plait davantage; ainfi les premiers temps ne reftent plus qu'en idée; à peine en trouve-t-on quelques traces dans les livres. On a beau fe plaindre du malheur de notre temps, où le moindre present en amour opere plus qu'un mérite extraordinaire; ces mauvaises maximes font trop agréables, pour finir fitôt. Pour réuffir en amours, il faut donc s'y conformer., Oh! qu'un bel efprit a délicatement tourné la pensée de Marot.

Au temps heureux où régnoit l'innocence,
On goûtoit en aimant mille & mille douceurs,
Et les amans ne faifoient de dépense
Qu'en foins & qu'en tendres ardeurs.
Mais aujourd'hui fans l'opulence

Il faut renoncer aux plaifirs,

Un amant qui ne peut dépenser qu'en foupirs,

N'eft plus payé qu'en efperance. (Le Chev. de
Meré.j

Cependant le diray je? fi le tour que prend ici le Chevalier de Meré fatisfait l'efprit, la penfée de Clement Marot fait plus de plaifir à l'imagination; & c'eft l'effentiel dans ces fortes de pieces. D'ailleurs

la

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Qui fans grand art & dons fe demenoit,
Si qu'un bouquet donné d'amour profonde,
C'estoit donné toute la Terre ronde:
Car feulement au cueur on fe prenoit.
Et fi par cas à jouyr on venoit,
Sçavez-vous bien comme on s'entretenoit,
Vingt ans, trente ans: cela duroit un monde
Au bon vieux temps.

Or eft perdu ce qu'amour ordonnoit,
Rien que pleurs faincts, rien que changes on

n'oit.

Qui voudra donc qu'à aimer je me fonde,
Il faut premier, que l'amour on refonde,
Et qu'on la mene ainsi qu'on la menoit
Au bon vieux temps.

la pensée de ce Rondeau & du suivant eft imitée on parodiée du Roman de la Rofe, dans l'endroit où il fait la defcription de l'amour antique.

Fadis au temps nos premiers peres
Et de nos primeraines meres,
Comme la Lectre le tesmoigne
Par qui nous fçavons la befoigne,
Furent amours loyaulx & fines,
Sans convoitifes, ne rapines;
Et le fiecle moult précieux
N'eftoit pas fi délicieux

Ne de robes, ne de viandes,

Mais cueilloyent ez boys les glandes
Pour pains, pour chairs & pour poissons ;
Et cherchoient par ces buiffons

Par vaulx, par plains & par montaignes,
Pommes, poires, noix & chastaignes &c.

1

XLV. RON

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