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Puis deffus moy le grand haro criaftes, (1)
Scachans de vray, que pour vous feulement
On n'euft crié deffus moy nullement,

Et de bon heur prinftes un fecretaire Propre pour vous. Onques ne fe fceut taire De compofer en injure & mefchance: Je le cognois. Or prenons autre chance. Je fuis d'avis que veniez appoinctant: Quant au courroux, en moy n'en a point tant, Que pour le bien de vous fix je ne veille. Et qu'ainfi foit, en amy vous confeille, Que deformais voftre bec teniez coy: Car voftre honneur reffemble un ne fçay quoy, Lequel tant plus on le va remuant, Moins il fent bon, & tant plus eft puant.

Et quand orrez ces miens prefens alarmes, Ayez bon cueur, & contenez vos larmes, Que vous avez pour les Adieux renduës: Las, mieux vaudroit les avoir efpanduës Deffus les pieds de Chrift, les effuyans De vos cheveux, & vos pechez fuyans Par repentance avecques Magdaleine. Qu'attendez-vous? Quand on eft hors d'aleine, La force faut. Quand vous ferez hors d'aage, Et que vos nerfs fembleront un cordage, Plus de vos yeux larmoyer ne pourrez, Car fans humeur feiches vous demourrez : Et quand vos yeux pourroient pleurer encores, Où prendrez-vous les cheveux, qu'avez ores, Pour effuyer les pieds du Roy des Cieux ? Croyez qu'à tel myftere precieux,

Ne

(1) Haro.] Cri de Juftice ufité en Normandie; celui qui le crie fur quelqu'un, auffi bien que celui fur lequel il eft crié font obligez tous deux d'aller en prifon jufqu'à ce qu'on leur ait rendu justice.

Ne ferez lors du bon Ange appellées,
Pource que trop ferez vieilles pellées: (1)
Desja vous prend icelle maladie.

Vous voulez faire, & ne voulez qu'on die. Ceffez, ceffez toutes occafions,

Si prendront fin toutes derifions:

C'eft le droit point pour clorre les paffages
Aux mal difans. Et vous autres bien fages,
Qui des Adieux ne fuftes point touchées,
Et vous auffi que l'on y a couchées,
Et qui pourtant comptant n'en feistes mye,
Nulle de vous ne me foit ennemye,
Je vous fupply, pour telles bourgeoisettes,
Qui vont cerchant des noifes pour noifettes,
On voit affez que vous eftes entieres
De n'avoir prins à cueur telles matieres.
Auffi n'eft-il blafon, tant foit infame,

Qui fceuft changer le bruit d'honneste fem

'me.

Et n'eft blafon, tant foit plein de louange,
Qui le renom de folle femme change.
On a beau dire, une Colombe eft noire,
Un corbeau blanc pour l'avoir dit, faut

croire

Que la colombe en rien ne noircira,

Et

(1) Cette maladie que la vigueur de l'humanité ne rend que trop commune, s'appelle encore la pellade dans une Epigramme au Duc de Mayenne Chef de la Ligue.

La pelade vous avez prife

Par la bréche que vous savez,
Gardez la, puifque vous l'avez,
Monfieur, elle eft de bonne prife.

Cette maladie fut apportée de Naples en Flandres en

Et le corbeau de rien ne blanchira. Certainement les vertus qui s'efpendent Deffus vos cueurs fi fort voftre me rendent; Que pour l'amour de vous n'euffe jamais Contre elles fait cefte prefente: mais

Tant m'ont preffé d'efcrire, & me contraignent,

Qu'il femble au vray, que plaifir elles preignent
En mes propos: & ont bien ce credit,
Que fi je n'ay affez à leur gré dit,
Je leur ferai un livre de leurs geftes
Intitulé, Les fix vieilles Digestes:
Et fi n'auray de matiere defaut.
J'en ay encor plus qu'il ne leur en faut :
Mais pour cefte heure elles prendront en gré,
Car au propos, où elles m'ont encré,
Veux mettre fin, & avant que l'y mettre,
Voftre Clement vous prie en cefte Lettre,
Dames d'honneur, que ces femmes notées
Soient deformais d'autour de vous oftées,
Ne plus, ne moins qu'on ofte mauvaise herbe
D'avec l'efpy, dont on fait bonne gerbe:
Vous advifant, que trop plus font nuifantes
A vos honneurs, que les rithmes cuyfantes
Des fots Adieux: & toutesfois, afin
Que mon efcrit ne fe fafche à la fin,
Je leur vois dire un Adieu fans rancune.
Adieu les fix, qui n'en vallez pas une,
Adieu les fix, qui en valez bien cent.
Qui ne vous voit, de bien loin on vous fent,

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EPITRE

XIV.

Epifire qu'il prefenta à Bourdeaux, à la Reyne Eleonor à fon arrivée d'Efpaigne avec Meffieurs les deux Enfans du Roy, delivrez des mains de l'Empereur Charles le Quint. (1)

1530.

Puis que les champs, les monts, & les val

lées,

Les fleuves doux, & les undes fallées
Te font honneur à la venuë tienne,
Princeffe illuftre, & Royne très-chrestienne:
Puis que clerons, & bombardes tonnantes,
Chantres, oyfeaux de leurs voix raifonnantes
Tous à l'envy maintenant te faluent,
Feray-je mal, fi de ma plume fluent

Vers

(1) François I. fut un heros malheureux, mais il fut heros; & c'eft à ce titre qu'il fit la conquête d'Autriche foeur de Charles Quint. Cette Princeffe, frapée de tout ce qu'on difoit a l'avantage de ce Prin se infortuné, ne put s'empêcher de l'admirer: & la rue du Roy ne lui fit faire qu'un pas de l'admiration à des fentimens plus intéreffans. Enfin la chofe fe termina par un mariage, qui fut le deuxiême que contracta. François I. Il avoit époufé d'abord Claude de France, fille de Louis XII. de laquelle il eut trois Princes & trois Princeffes. Le mariage d'Eleonor d'Autriche fut commencé à Madrid en 1526. & entierement conclu & terminé en France, lorfque la Reine Eleonor y conduifit en 1530, les deux Enfans de France. C'est là quel a été le fujet de cette Epure..

Vers mefurez, pour faluer auffi

Ta grand' hauteur, qui rompt nostre foucy?
Certes le fon de ma Lettre n'a garde

D'eftre fi dur comme d'une bombarde:
Et fi n'eft point mortel en terre: comme
Voix de clerons, ou d'oyfellet, ou d'homme:
Parquoi je croy que de toi fera pris
Autant à gré. Donques perle de prix,
Par qui nous eft tant de joye advenue,
Tu fois la bien (& mieux que bien) venuë.
Pourquoi as fait fi longue demourée ?
Certainement ta venue honorée

De tarder tant tous languir nous faifoit:
Mais bien favons que trop t'en defplaifoit.
N'eft-ce pas toy, qui du Roy fus efprinfe
Sans l'avoir veu? mefmes après fa prinfe:
Où tellement aux armes laboura,

Que le corps pris, l'honneur luy demoura, (1)
N'eft-ce pas toy, qui fentis plus fort croiftre
L'amour en toy, quand tu vins à cognoistre
Et voir fon port, forme, fens, & beauté
Qui ne fent rien que toute Royauté?
N'est-ce pas toy, qui fongeois nuic & jour
A le remettre en fon privé fejour?
Et qui depuis en prifon fi amere.
A fes Enfans fis office de mere,
Jufqu'à donner à ton cher Frere Auguste
Doute de toy? voire doute très-jufte:
Car je croy bien, fi euffes eu l'ufage
Des arts fubtils de Medée la fage,

Qu'en

(1) L'honneur luy demourra.] Cela fe rapporte à ce que François I. écrit à Madame d'Angoulême fa Mere, après la perte de la bataille de Pavie, & après fa prife. Madame, dit-il, tout eft perdu hormis l'honneur. Et il avoit raifon; car il fut un heros, tont vaincu qu'il étoit.

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