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aux effets de la varioloïde, qui d'après les docteurs Bell et Mitchel, fait périr aux États-Unis plus de la moitié des individus non vaccinés qu'elle atteint, qu'à ceux de la variole ordinaire, dont l'irruption la plus terrible, celle de 1752, à Londres, n'enleva qu'un habitant de cette capitale sur 300, et tout au plus un sur 6 de ceux qui en furent infectés.

La pratique médicale des Chinois fournit la preuve qu'il existe bien réellement, en Asie, plusieurs espèces de varioles, et de plus, qu'il y en a qui sont très-bénignes et d'autres éminemment dangereuses. Pour prévenir celles-ci, on a recours non pas au vaccin, qui cependant se trouve sur les vaches de la Chine comme sur celles de la Suisse, mais bien, à une espèce moins malfaisante que l'espèce qu'on redoute, et qui pent-être est la varioloïde. Barrow nous apprend que les Chinois ne communiquent point le germe de la maladie, par une incision de la peau; et qu'ils la transmettent en faisant porter à celui qui doit le recevoir, les vêtemens d'une personne infectée, ou bien en le faisant coucher avec elle; ou enfin en lui insérant dans les narines du coton humecté du virus variolique (1).

Il est évident que les différences accidentelles qu'offre la petite vérole ordinaire, ne seraient pas suffisamment avantageuses, et n'auraient pas de chances assez assurées pour accréditer l'usage d'un tel procédé, si l'on ne se préservait par son moyen d'une espèce encore plus pernicieuse. Mais, en remarquant combien il importe à l'Europe, de faire reconnaître, par des observateurs habiles, les maladies varioliques des Chinois, il faut admettre que si l'espèce qu'on prévient ainsi, est la varioloïde, celle qui en empêche la contagion n'est point la petite vérole ordinaire, ou vice versa, puisqu'il est constant, par l'expérience funeste, acquise en Europe pendant ces dernières années, que la variole commune, contractée par inoculation ou contagion fortuite, ne met point à l'abri de la varioloïde. Peut-être trouverait-on parmi les diverses espèces existant à la Chine, une espèce préservatrice de ce dernier fléau, et jouissant à son égard, de la même puissance que possède la vaccine à l'égard de la petite vérole ordinaire.

Il résulte de ces aperçus succincts :

1°. Que la varioloïde est une espèce de maladie variolique (1) Barrow. Ch. 9.

distincte, par ses symptômes, ses effets et son origine, de la variole commune, introduite, il y a huit siècles, lors des prémières relations des peuples de l'Occident avec les contrées orientales;

2o. Qu'il y a lieu de croire que cette espèce nouvelle appartient primitivement, comme l'ancienne, aux régions tropicales de l'Asie, d'où elle a été importée aux États-Unis et en Angleterre, il y a moins de dix ans ;

3o. Que c'est seulement depuis cette époque, à laquelle la vaccine a commencé à devenir un préservatif moins certain, que la varioloïde a paru dans l'Amérique septentrionale et en Europe, et s'y est propagée, d'abord, par les communications maritimes, et ensuite de proche en proche, par les relations intérieures ;

4°. Que cette espèce, qui semble analogue à la variole siliqueuse, décrite par Mead et dont l'apparition en Angleterre coïncida avec les premières conquêtes de cette puissance dans les Indes Orientales, est plus dangereuse que la variole com→ mune, quand elle n'est pas modifiée, et produit alors une mortalité plus grande ;

5°. Qu'on n'est préservé de sa contagion ni par celle de la petite vérole ordinaire, fortuite ou inoculée, ni même par le pouvoir salutaire de la vaccine;

6°. Que toutefois le virus de la vaccine affaiblit et modific tellement sa puissance pernicieuse qu'aux États-Unis, sur 50 individus vaccinés et atteints de la varioloïde, aucun ne succombe, tandis que sur 100 personnes non vaccinées, qu'elle attaque, il en périt la moitié.

D'où il suit que, quoique la vaccine ne soit point une garantie contre ce fléau, elle en est un cependant contre ses effets meurtriers; et que loin de cesser d'être utile, elle est devenue d'une nécessité plus grande et plus pressante que jamais.

228. RAPPORT FAIT A L'ACADÉMIE DES SCIENCES, dans les séances des 26 sept. et 21 nov. 1826, SUR UN MÉMOIRE DE M. COSTÁ, ayant pour titre : Considérations générales sur l'épidémie qui ravagea Barcelone en 1821, et sur les mesures que notre gouvernement avait prises pour nous en garantir, au nom d'une commission composée de MM. Portal, Duméril, CHAUSSIER,

et DUPUYTBEN, rapporteur. (Imprimé par ordre de l'Acad.) In-4°. de 67 pag. Paris, 1826; Firmin Didot.

Malgré tout ce qu'on a publié jusqu'à ce jour sur la maladie qui sévit à Barcelone en 1821, nous sommes encore à savoir si elle fut d'origine exotique ou indigène, et si elle se propagea par contagion ou par une simple infection locale. Cette remarque nous est suggérée par la lecture du rapport que M. Dupuytren a fait, l'automne dernier, à l'Acad. roy. des Scienc., sur un mémoire de M. Costa.

Après avoir examiné, dans ce rapport, les deux théories de l'infection et de la contagion, et passé en revue les principaux faits invoqués par les partisans de l'une et de l'autre, M. Dupuytren ne pense pas que, dans l'état actuel de la science, il soit possible de déterminer, avec une certitude absolue et une entière sécurité, si la fièvre jaune est ou n'est pas contagieuse dans tous les cas; et relativement à la fièvre qui ravagea Barcelone en 1821, il ne trouve pas non plus, aux preuves alléguées par M. Costa, contre les propriétés contagieuses de cette maladie, l'évidence qui ne laisse aucun lieu au doute, aucune place à l'erreur (pag. 32).

Dans la position où se trouvait placé ce savant rapporteur, ses conclusions ne pouvaient pas être autrement, et nous ne pouvons que le féliciter de la sage réserve qu'il a montrée dans une question où l'erreur aurait infailliblement les plus funestes résultats.

Quel autre parti pouvait-il prendre, au milieu des assertions contradictoires de M. Costa et de MM Bally, François et Pariset, n'ayant eu, ainsi qu'il le dit lui-même, ni le temps, ni les moyens nécessaires de les vérifier?

Mais, tout en admettant que la théorie de l'infection laisse encore beaucoup à désirer, M. Dupuytren a fait sentir que cette théorie a jeté sur plusieurs points de la prophylactique de la fièvre jaune des lumières incontestables; lumières, ajoute t-il, qu'une aveugle routine pourrait seule révoquer en doute (pag. 32). Si M. Dupuytren, ou plutôt la commission dont il est l'organe, n'a pas cru pouvoir résoudre le grand problème de la contagion ou de la non-contagion de la fièvre jaune, il a du moins appelé d'une manière spéciale l'attention de l'Académie sur cette importante question.

« Si les recherches et les discussions auxquelles la fièvre

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» jaune a donné lieu, n'ont pas encore révélé, dit-il, tout ce qu'il importe de connaître sur cette maladie, elles ont du moins » conduit à indiquer ce qu'il y a d'obscur dans son histoire et » à signaler les points vers lesquels doivent se porter les re» cherches à faire; et peut-être, grâces à ces recherches et à ces discussions, le moment n'est pas éloigné où le voile qui couvre encore une partie de la vérité doit être déchiré.

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» Vous pouvez, messieurs, ajoute-t-il, en s'adressant à ses » collègues, vous pouvez hâter ce moment que les vœux et lés » intérêts du commerce, de la politique et de l'humanité solli>> citent de toutes parts dispensateurs éclairés de la gloire » que procurent les sciences, dispensateurs aussi des trésors >> que la munificence de M. de Montyon a consacrés à exciter, » à récompenser les découvertes en général, et plus particuliè>>rement encore celles qui intéressent l'humanité, vous pou» vez, en secondant les vues de ce noble et généreux citoyen, vous pouvez, inspirer le zèle et donner les moyens néces>> saires pour résoudre cette grande question; vous pouvez, » par l'attrait d'un grand prix, et l'éclat de la distinction atta>>chée à l'honneur d'avoir rendu à la société un grand, un » éminent service; vous pouvez exciter en tous lieux l'émula» tion des savans, et fournir aux frais des voyages, des re>> cherches et des expériences que la solution de cette im>>portante question rendra nécessaires. Que si les moyens >> pécuniaires dont vous disposez étaient insuffisans pour une >> aussi longue et aussi pénible entreprise, qui pourrait douter >> que le gouvernement du Roi ne s'empressât de la favoriser, en dotant votre prix d'une somme capable de dédommager >> les concurrens de leurs dépenses (pag. 64)? »

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Nous rappellerons ici avec plaisir qu'un médecin français a prévenu les vœux du rapporteur; qu'il a recueilli, pendant dix années de voyages, exécutés à ses frais, tant en Amérique qu'en Europe, une masse de faits anthentiques qui fera, nous aimons à le croire, déchirer le voile qui nous cache encore la vérité sur l'origine et la nature de la fièvre jaune en général, et en particulier de l'épidémie de Barcelone. Nous voulons parler de M. le Dr. Chervin.

M. Dupuytren dit, dans son rapport, que l'honneur d'avoir établi les principes de la théorie de l'infection et d'en avoir fait une heureuse application à la fièvre jaune, appartient tout

entier à un médecin français, à M. le D. Devèse (p. 9). Dans
la vue de rendre à chacun ce qui lui appartient, nous observe-
rons, en terminant cette notice, que M. le rapporteur est ici
dans l'erreur; qu'avant la fin du siècle dernier, des médecins
anglais et américains avaient annoncé que la fièvre jaune est
une maladie produite par infection; qu'en 1803, M. le Dr.
Louis Valentin nous a fait connaître cette importante vérité (1),
tandis que ce n'est qu'en 1820 que M. Devèse l'a consignée
pour la première fois dans ses écrits.
D. F.

229. DE LA SAIGNée et du quinquinA DANS LE TRAITEMent de la fièvre JAUNE; par P. LEFORT, D. M. du Roi. Broch. in-8°. St.-Pierre de la Martinique, 1826; Fleurot et Turban.

Un des écrits de M. Moreau de Jonnès, intitulé Précis historique sur l'irruption de la fièvre jaune à la Martinique en 1802, a donné lieu à des notes critiques que le Dr. Guyon a fait, en novembre 1825, insérer dans le journal de la Martinique ; ces notes tendent presque toutes à décrier l'usage de la saignée dans la fièvre jaune, et à vanter celui du quinquina et de l'opium. M. Lefort, dont les opinions et le talent sont connus, n'a pas cru devoir laisser sans réponse les notes de M. le Dr. Guyon, et c'est ce qui a donné lieu à la nouvelle brochure qu'il vient de publier. Comme l'auteur ne s'attache pas à réfuter avec ordre chacune de ces notes, nous ne suivrons pas plus que lui un plan régulier dans l'examen de cette polémique, et nous n'insisterons d'ailleurs que sur les points principaux. Ainsi, M. Guyon prétend que la saignée pratiquée au début de la maladie en retarde la convalescence, et accélère la terminaison fatale. Ce qui a pu en imposer, dit-il, sur l'utilité de la saignée, c'est qu'elle calme les symptômes qui constituent le premier temps de la maladie, mais ce n'est qu'en diminuant les forces, qu'en diminuant la vie. Nous ferons grâce au lecteur de la réfutation de cette proposition étrange et qui enferme en elle-même une contradiction manifeste. La saignée, au début, est recommandée et par M. Rochoux, et par M. Lefort, et par tous les médecins qui ont compté le plus grand nombre de succès, qui ont le mieux connu et décrit cette redoutable maladie. Quaut au quinquina, M. Guyon le croit indispensable dans les premiers

(1) Traité de la fièvre jaune d'Amérique, p. 135.

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