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DE

L'AVENIR.

Dieu et la Liberté.

No 377. 28 Octobre 1831.

DE L'OPPOSITION AUX DOCTRINES DE L'AVENIR.

Parmi les journaux de province, la Gazette de FrancheComté, qui, nous mande-t-on, a fort peu de lecteurs, est un de ceux qui se sont déclarés contre nous. Son opposition ne nous étonne pas. Quelques-uns de ses rédacteurs appartiennent à l'administration de M. de Villèle: il était difficile qui nous fussions d'accord avec eux.

Enfin donc on saura que, raisonnablement, il n'est pas désormais possible de penser comme nous pensons, attendu

1° Que Mgr. le cardinal archevêque de Besançon, ayant adressé au clergé de son diocèse une lettre pastorale pour le prémunir contre les fausses doctrines, quelques personnes crurent que le prélat n'avait point en vue les opinions répandues par l'Avenir; et que, pour éclaircir ce doute, un ecclésiastique, assure-t-on, a écrit à Son Eminence, qui a répondu que son intention avait été de désigner l'Avenir, et que les principes de ce journal étaient désapprouvés à Rome.

Pour ce qui regarde M. l'archevêque, nous présumons trop bien de sa piété pour douter un instant que, s'il avait cru remarquer, en matière de religion, des doctrines fausses dans l'Avenir, il ne se fût empressé de les désigner d'une manière précise et de les condamner, selon son devoir, Que si, en

dehors de la religion, nous avons des opinions qui ne soient pas les siennes, il sait encore trop bien que, sur ces opinions que l'Eglise laisse libres, il n'a droit d'imposer son jugement à personne, pour exiger de qui que ce soit, qu'il ne reçoive à cet égard d'autre direction que celle qu'il aura lui-même tracée. Dans ce qui n'intéresse point la conscience, la foi, les mœurs, il n'y a de supériorités légitimes que la raison et la vérité.

En ce qui concerne Rome, nous attestons de nouveau, quels que soient les bruits qu'on se plaît à répandre, que jusqu'ici nous n'avons reçu d'elle ni reproche, ni improbation, ni un seul mot enfin qui indique ou insinue qu'elle voie avec regret nos efforts pour défendre la religion, ainsi que les droits des catholiques dans notre pays. Ceux qui osent dire, ceux qui osent croire qu'interrogée avec la plus humble soumission, elle garderait le silence lorsque de fausses doctrines se propagent dans le troupeau de Jésus-Christ, ont d'elle une étrange idée. Ignorent-ils donc que quand la pureté de l'enseignement est en péril, jamais l'Eglise ne se tait, Ecclesia non tacet?

2o « Un jeune prêtre a été envoyé à Esvillers pour desser» vir Septfontaine; il a trouvé à sa convenance de s'établir » dans ce dernier village : un peu entraîné à ce qu'il paraît » par la lecture de l'Avenir, il s'est mêlé de l'équipement de » la garde nationale; les supérieurs lui ont fait connaître que » c'était à Esvillers qu'il devait résider. Il allait se rendre à » leurs vœux, lorsque la garde nationale s'y est opposée et are>> tenu dans la cure le jeune desservant, qui a été interdit » momentanément pour rompre ces menées. »

Des curés, d'autres ecclésiastiques ont équipé, dans plusieurs diocèses, des gardes nationaux à leurs frais, sans que personne, au contraire, y ait trouvé à redire, car c'était un moyen de contribuer à la paix publique. Quoi qu'il en soit, un jeune prêtre coupable, à ce qu'il paraît, d'un délit semblable, est interdit parce qu'on lui fait violence, au moment où il allait se rendre aux vœux de ses supérieurs. Donc nos doctrines sont fausses et l'Avenir ne sait ce qu'il dit quod erat demonstrandum.

3° « Aux dernières ordinations quelques jeunes ecclésiasti»ques, trop préoccupés des idées politiques et religieuses de » l'Avenir, et qui avaient négligé des études plus importan»tes, ont été ajournés. Leur engouement cessera à mesure que » les événemens donneront un démenti à ces opinions incohé» rentes et si peu fondées. >>

Nous avons toujours protesté que nous n'avions et ne voulions avoir d'autres idées religieuses que celles du Siége apostolique. Nous ne concevons pas trop comment les événemens leur donneraient un démenti, et comment de jeunes ecclésiastiques pourraient être ajournés, à cause de leur engouement pour elles. Quand on a le courage, ou la simplicité de dire de ces choses-là, il serait, si d'ailleurs on tient à la réputation de catholique, il serait, dis-je, au moins convenable de les expliquer. Nous attendons les explications de la Gazette.

Mais enfin quelles sont les doctrines de l'Avenir, ces fausses doctrines religieuses et politiques, ces doctrines incohérentes et si peu fondées? Après tous ces grands mots, on s'attend à quelques-unes de ces opinions monstrueuses, telles que, de loin en loin le monde en voit naître et mourir. On s'attend surtout à ce que des imputations aussi graves puissent être justifiées : car si l'on prêtait aux hommes qu'on attaque de cette manière des sentimens qu'ils n'ont pas et qu'ils désavouent, si l'on prouvait manifestement qu'on ne les a même pas lus, il n'y aurait point de termes pour qualifier une si criminelle légèreté, ou une mauvaise foi si déloyale. Or que dit la Gazette ? Après avoir assisté à l'agonie de notre royauté et prédit » sa fin, M. de La Mennais crut que c'en était fait de tous les pouvoirs humains. >>

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Et où donc la Gazette a-t-elle vu cela? Dans quelle page de l'Avenir a-t-elle découvert rien de pareil? Et encore ce ne serait ici une doctrine ni vraie ni fausse; ce serait une crainte, une appréhension, une folie, si l'on veut, une sorte de désespoir qui ne laisserait attendre pour la société qu'une ruine finale, absolue, et une mort inévitable. Car si c'en était fait de tous les pouvoirs humains, il est clair que c'en serait fait de la société humaine. La Gazette raisonne différemment. Sui

vant elle, M. de La Mennais a conclu de là qu'une ère nouvelle et prochaine de liberté approchait : « Son imagination fit >> toucher au centre de la vieille Europe les savanes de l'Amé

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rique et les steppes de l'Asie; il supposa que si, dans le » moment présent, ces grands effets ne pouvaient se réaliser, » l'avenir en était tout chargé, et qu'il suffisait d'en hater la >> venue. » Si c'est ainsi que la Gazette a compris M. de La Mennais, je ne suis pas surpris, en vérité, qu'elle trouve ses opinions incohérentes. Reste à savoir à qui appartient cette incohérence. M. de La Mennais, puisqu'il faut le redire une centième fois, a simplement constaté des faits, savoir les changemens qui se sont opérés depuis quarante ans, et s'opèrent tous les jours dans la société européenne, où le pouvoir n'est plus, ne peut plus être ce qu'il était, où, par une force irrésistible, tout tend à affranchir la pensée et la conscience de l'autorité temporelle, tandis que, d'une autre part, les peuples réclament le juste droit d'intervenir dans l'administration de leurs propres affaires. Telle est la liberté qui se prépare, selon M. de La Mennais, la liberté qui se développera, malgré tous les obstacles qu'on pourra lui opposer, et qui se développera pour le bonheur des hommes et le salut du catholicisme.

Il y a loin de ces prévoyances au projet que la Gazette attribue à M. de La Mennais, de « reconstruire le monde so>> cial sur l'idée unique du suprême pouvoir pontifical, dominant >> un océan sans borne de démocratie. » Pour ce qui est de la démocratie, elle est encore un fait, un fait avoué de tout le monde. En France, il ne reste qu'elle, et chaque année ébranle tout ce qui n'est pas elle dans le reste de l'Europe. M. de La Mennais ne saurait, ce me semble, empêcher que ce qui est, soit. La Gazette a-t-elle quelque moyen de reconstruire, avec les éléments qui existent, une nouvelle aristocratie? Si elle qu'elle se mette à l'œuvre. Cette œuvre accomplie, on raisonnera dans une autre hypothèse. L'Avenir jusque là s'en tiendra aux faits, aux faits qui nous pressent de toutes parts et il aura raison, je crois.

en a,

Et quant au dessein de reconstruire le monde social sur l'idée unique du suprême pouvoir pontifical, on voit que la Gazette,

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