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soir et matin. La fièvre perdit d'abord de son intensité, et céda entièrement dès le troisième jour. La malade recouvra l'appétit, les forces et la santé plus promptement que sa constitution ne semblait le promettre.

Quatrième observation-La femme de chambre de madame Cl***, rue de l'Université, contracta daus la vallée de Montmorency, où elle avait passé la belle saison, une fièvre intermittente qui se montra successivement sous différens types. La fièvre présentait le type tierce, lorsque la malade arriva à Paris. On avait déjà employé sans succès les amers chicoracés et les évacuans. M. Double n'apercevant d'ailleurs dans l'état de la malade aucune complication qui fournît quelque indication particulière, prescrivit le sulfate de quinine, à la dose de huit grains, en deux prises de quatre grains chacune données dans le premier intervalle apyrétique. l'accès suivant manqua presque entièrement. L'emploi de la quinine fut continué pendant quelque temps. La fièvre ne reparut point et la malade se rétablit très-promp

tement.

Cinquième observation. - Madame Ch***, femme d'un architecte, ayant passé toute la belle saison à Paris, avait depuis plusieurs jours des accès de fièvre intermittente quarte dont le physique et le moral ressentaient de fâcheuses atteintes. Une complication gastrique bien manifeste, décida M. Double à commencer le traitement par un émétique qui fut pris le matin du jour du paroxisme. L'effet en fut satisfaisant ; et cependant l'accès de ce jour n'en fut nullement affaibli. M. Double prescrivit de suite cinq doses de sulfate de quinine, de cinq grains chacune, à prendre dans l'intervalle de deux fois 24 heures que devait durer l'apy rénie. L'accès suivant manqua complétement, Continuation de la quinine à la dose de cinq grains soir et matin; régime très-léger, l'accès manque une seconde fois. Le sulfate de quinine produisait une excitation assez forte, et sa saveur

donnait de la répugnance à la malade; on le suspendit sans que M. Double en fût prévenu. Madame Ch*** approchait de l'âge critique, et chez elle l'éruption des règles quoique régulière, occasionait tous les mois un trouble assez considérable. Elle était parvenue à ce moment lorsqu'elle suspendit la quinine : le travail de la menstruation s'accomplit comme à l'ordinaire, mais avec les règles se déclara de nouveau la fièvre aussi intense que dans la première invasion, et dont le second accès confirma le type quarte. - Prescription, quatre grains matin et soir de sulfate de quinine, pendant l'intervalle apyrétique, dans un peu de pain enchanté, afin de masquer la saveur. L'accès qui devait arriver n'eut point lieu.

Pour prévenir la fàcheuse influence du retour prochain des règles, M. Double fit continuer la quinine jusqu'après cette époque, d'abord à la dose de quatre grains tous les matins pendant dix jours, et ensuite d'un jour entre. Les règles parurent sans accident et sans ramener la fièvre.

Sixième observation. - Madame N***, mariée à un officier supérieur de gendarmerie, âgée de 50 ans environ, petite, maigre, d'une constitution nerveuse et très-irritable, était allée passer l'été dans l'Orléanais, près de Beaugenci. Elle y fut prise, vers la fin d'août, d'une fièvre quarte dont les accès étaient très-violens et très-longs. Ce fut sans succès qu'à la campagne comme à son retour à Paris, on employa tour à tour les boissons amères délayantes, les potions anti-spasmodiques, les évacuans, le vin de quinquina, et le quinquina en substance que l'estomac de la malade ne put supporter qu'à des doses insuffisantes. M. Double appelé en consultation le 1er décembre, conseilla le sulfate de quinine, qui fut prescrit à la dose de quatre grains soir et matin; il ordonna en même temps quelques tasses d'infusion légères de tilleul alternées avec l'eau de veau, dans laquelle on avait ajouté de la laitue et du cerfeuil. L'accès suivant

n'eut point lieu. La malade continua la quinine aux mêmes doses, et le second manqua pareillement. Tel était l'état des choses, lorsque le mémoire de M. Double fut inséré dans la Revue médicale. J'ai su depuis qu'on avait continué pendant quelque temps, la quinine en diminuant progressivement les doses, et que la fièvre n'a point reparu.

Selon M. Double, le sulfate de quinine fatigue beaucoup moins l'estomac, et produit bien moins d'irritations que le quinquina en substance.

Afin de mieux apprécier les effets de cette nouvelle préparation sur l'économie vivante, ce savant praticien l'a employée dans trois autres circonstances pour lesquelles l'efficacité du quinquina est généralement démontrée : dans les convalescences longues et pénibles des fièvres muqueuses, Stant chez les enfans que chez les adultes; dans les longues et interminables débilités d'estomac, qui s'opposent à toute sorte d'alimentation; et après les crises des affections rhumatismales. Dans tous ces cas le remède était administré à de très-petites doses, en prenant toutefois en considération l'âge et le tempérament du malade, et presque toujours les résultats ont été très-satisfaisans.

Depuis la publication du mémoire de M. Double, M. Villermé a publié dans les bulletins de la société médicale d'émulation de Paris, cahier de janvier 1821, une observation qui lui est propre, sur l'heureux emploi du sulfate de quinine dans un cas de fièvre intermittente double-tierce. La malade avait eu quatre accès, dont les deux derniers plus longs et plus forts que les autres avaient duré chacun six à sept heures. Six grains du médicament furent pris dans l'intervalle apyrétique, et le cinquième accès n'eut pas lieu.

• EXTRAIT D'UN MÉMOIRE

DU DOCTEUR CHOMEL,

Lu à l'Académie des Sciences,

Sur l'emploi de la quinine et de la cinchonine dans les fièvres intermittentes.

DEPUIS que le quinquina est devenu d'un usage général dans le traitement des fièvres intermittentes, on a senti qu'il serait avantageux de séparer des matières inertes avec lesquelles il est mêlé, le principe actif auquel ce médicament doit sa vertu fébrifuge, les efforts des médecins et des chimistes étant long-temps restés sans succès.

Par une analyse plus exacte, un principe amer a été récemment séparé des autres principes du quinquina. Étudié dans sa nature et ses affinités, combiné comme les alcalis avec les acides, il a donné naissance à des sels particuliers. On a donné le nom de quinine au principe alcalin contenu dans le quinquina jaune; on a nommé cinchonine celui des quinquina gris. Ces deux substances étant très-peu solubles, on les a combinées avec un acide, afin d'ajouter à leur énergie en augmentant leur solubilité; on les a unies à l'acide sulfurique, avec lequel elles forment des sels qui ne sont pas déliquescens. M. Pelletier ayant bien voulu me remettre une assez grande quantité de sulfate de quinine et de sulfate de cinchonine, j'ai fait, à l'hôpital de la Charité, des recherches chimiques sur leur action.

Voici les règles que j'ai suivies dans l'administration de ces médicamens :

Je n'en ai fait usage que chez les individus chez lesquels la fièvre intermittente se montrait bien manifestement avec les caractères qui la distinguent.

Je ne les ai employés que dans les cas où rien n'annonçait que les accès dussent prochainement cesser.

Le changement de lieu et de régime chez les fébricitans, lors de leur entrée à l'hôpital, pouvant interrompre le cours des accès, j'ai toujours attendu que la fièvre eût reparu une ou plusieurs fois, avant d'administrer ces fébrifuges.

Par le même motif, lorsqu'un vomitif, un purgatif, une saignée, ont été prescrits, j'ai attendu que la fièvre se fût reproduite avant de faire usage du médicament dont je cherchais à reconnaître l'action. Chez un des malades que je soignais, la fièvre cessa spontanément après l'administration d'un vomitif.

J'ai toujours fait prendre le sulfate de quinine et de cinchonine dissous dans une ou deux cuillerées d'eau. Je les aurais enveloppés dans du pain à chanter ou dans l'épiderme d'un fruit, si les malades eussent éprouvé pour eux une très-grande répugnance. La petite dose à laquelle on les emploie en rend l'administration facile, et permet toujours d'en masquer la saveur. La première dose a été de six à huit grains chez la plupart des malades; je l'ai doublée lorsqu'elle a été insuffisante. J'ai commencé par une dose beaucoup plus forte lorsque l'ancienneté ou l'opiniâtreté de la maladie portaient à croire que la quantité ordinaire serait insuffisante.

J'ai recommandé aux malades de prendre ces substances à jeun, dans les heures qui précédaient l'accès, et de ne porter aucun aliment dans l'estomac pendant les quatre ou cinq heures qui suivaient l'ingestion du médicament.

Je me suis conduit, du reste, d'après les règles établies pour l'emploi du quinquina. J'ai prescrit les sulfates de quinine et de cinchonine là où le quinquina aurait pu être employé ; j'en ai différé l'usage là où quelques indications préalables auraient fait retarder l'usage du quinquina lui-même. La plupart des malades ont pris pour boisson, dans le

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