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Sur l'acide benzoïque, extrait du benjoin, et sur celui retiré des urines des animaux herbivores;

Par M. BOUILLON-LAGRANGE, D. M.

Il existe dans le commerce trois substances connues sous le nom d'acide benzoïque, l'une très-anciennement usitée en médecine sous le nom de fleurs de benjoin, l'autre appelée acide benzoïque par précipitation, selon le procédé de Scheèle ; et une troisième préparée dans certaines fabriques, avec l'urine de quelques animaux.

Les caractères et les propriétés médicamenteuses de cette dernière substance très différente de l'acide connu sous le nom de fleurs de benjoin, m'ont engagé à examiner ces trois espèces d'acides.

Quelques chimistes ont pensé, qu'en privant l'acide benzoïque de toutes matières étrangères, de celles surtout qui VII. Année. Mai 1821.

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pouvaient naître de l'action du calorique, lors de la sublimation du benjoin, on devait procurer à la médecine un médicament sur lequel on pouvait compter avec plus de certitude; d'autres n'ont envisagé que l'appât du gain. Ils livrent au commerce un médicament dont les propriétés diffèrent tellement des fleurs de benjoin, qu'il en est résulté des accidens graves. Deux choses devraient toujours être considérées par ceux qui s'occupent du progrès des sciences physiques, surtout de celles qui ont un rapport direct avec la médecine. Beaucoup de préparations pharmaceutiques ne peuvent pas être toujours envisagées sous le point de vue chimique. En voulant soustraire certaines substances d'un composé, on lui donne des propriétés nouvelles sur lesquelles le médecin ne peut compter, à moins que l'on ne soumette le nouveau corps à des expériences qui, souvent ne peuvent être constatées que par un laps de temps trèsconsidérable. Les découvertes que l'on a faites depuis plusieurs années dans l'intention d'améliorer les procédés, ou de procurer à la médecine des moyens plus exacts et plus sûrs pour la guérison des maladies, ne m'ont pas paru avoir tout le succès que l'on se promettait. Outre les expériences que j'ai faites, j'ai vu beaucoup de médecins, tous mus le désir d'avancer la science et de seconder les auteurs par des découvertes, être contraints de revenir aux médicamens avoués, et dont la prétendue impureté leur assurait les propriétés sur lesquelles on pouvait avoir une entière confiance.

Les expériences que je soumets à la Société n'ont pas été faites dans l'intention de lui présenter l'analyse du benjoin ni de la substance appelée acide benzoïque, mais bien de constater la différence qui peut exister entre ce que les ciens ont appelé fleurs de benjoin, et ce que les chimistes ont considéré comme acide benzoïques pur.

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Les divers acides benzoïques qu'on a soumis à des expériences comparatives, sont au nombre de trois : 1o. l'un

obtenu par sublimation; 2°. l'autre a été extrait par le procédé de Scheèle; et le troisième retiré des urines des herbivores.

Il résulte en général des expériences, que ces trois acides sont évidemment le même, c'est-à-dire, qu'ils consistent pour la plus grande partie de leur masse en acide benzoïque chimiquement identique, mais dont les propriétés physiques et médicales diffèrent par la nature des substances odorantes qui l'accompagnent. Ainsi il est uni à une petite quantité d'huile volatile dans l'acide sublimé; a de la résine odorante dans l'acide par précipitation; enfin dans l'acide retiré des herbivores, il contient une ou plusieurs matières, dont l'odeur est repoussante, et dont la saveur est âcre, chaude et très-irritante.

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La présence de ces corps dans ces divers acides influe sur leur solubilité dans l'eau : l'acide retiré du benjoin par sublimation, et celui des herbivores, sont à peu près d'égale solubilité. Ainsi trois grammes d'eau froide ont dissout 35 centigrammes de ces acides, tandis qu'ils n'ont dissous que 25 centigrammes de l'acide par précipitation. Cette différence peut provenir de la résine qui adhère toujours à ce dernier et diminue sa solubilité.

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Exposés au feu dans un tube de verre fermé par un bout, ces trois acides se comportent de même que l'acide benzoïque pur; seulement l'acide par précipitation laisse un résidu charbonneux dû sans doute à la résine.

Les acides agissent sur eux de la même manière que sur l'acide pur l'acide sulfurique les dissout ainsi que le muriatique ; l'acide nitrique et le chlore ont présenté quelques phénomènes particuliers qui exigent d'entrer dans quelques détails.

L'acide nitrique bouilli sur ces acides laisse dégager quelques bulles de gaz nitreux: mais la plus grande partie de l'acide nitrique s'évapore à l'état de pureté, entraînant avec lui une portion d'acide benzoïque; tandis que l'autre cristal

lise par le refroidissement, sous forme de longues aiguilles divergentes, sans avoir éprouvé d'autres altérations que celles d'être moins odorante et d'avoir moins de saveur.

Pour constater d'une manière plus positive l'action de l'acide nitrique sur l'acide benzoïque, je me suis servi, pour les expériences suivantes, d'un acide aussi pur qu'il m'a été possible de me le procurer.

J'ai pris de l'acide benzoïque extrait par le procédé de Scheèle; je l'ai fait dissoudre dans l'eau distillée et cristallisée à plusieurs reprises; j'ai obtenu un acide qui avait peu de saveur et presque point d'odeur ; à peine même rougissait-il la teinture de tournesol.

J'ai combiné cet acide avec la chaux pour former un benzoate de chaux; j'ai filtré et j'ai fait passer un courant de gaz acide carbonique, dégagé d'un carbonate de chaux compacte par l'acide hydrochlorique, et lavé préalablement.

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Le benzoate de chaux soumis à cette opération s'est troublé et a déposé, après qu'on eut cessé le dégagement d'acide carbonique, une poudre blanchâtre. J'ai filtré la liqueur je l'ai fait évaporer à un feu doux jusqu'à siccité, et j'ai ▾ dissout le résidu dans de l'eau distillée. J'ai précipité cette dissolution par de l'acide hydrochlorique : le précipité a été dissous dans de l'eau distillée bouillante, et mise à refroidir dans une capsule de porcelaine. J'ai obtenu de cette manière un acide benzoïque cristallisé en belles aiguilles argentines, sans odeur, d'une saveur d'abord douce et comme sucrée, qui devient ensuite âcre et prenant à la gorge, gissant très-faiblement la teinture de tournesol.

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La poudre grise séparée du benzoate de chaux, à travers lequel j'avais fait passer de l'acide carbonique, a présenté une petite quantité de matière résineuse et beaucoup de carbonate de chaux, dû à un excès qui s'était combiné avec la matière résineuse séparée de l'acide.

J'ai combiné l'acide benzoïque résultant de l'opération précédente avec un carbonate de chaux pur pulvérisé ; j'ai

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fait chauffer ensemble ce carbonate, l'acide benzoïque et de l'eau distillée il y a eu dégagement d'acide carbonique et j'obtins un benzoate de chaux ; j'ai filtré la liqueur et je l'ai soumise à un courant d'acide carbonique. Cette fois, la liqueur, ne s'est point troublée, malgré que j'eusse entretenu le courant d'acide carbonique très-long-temps; j'ai chauffé la dissolution pour en séparer l'acide carbonique ; j'ai filtré et j'ai précipité par de l'acide hydrochlorique. Le précipité fut rassemblé sur un filtre, lavé, redissous dans de l'eau distillée bouillante, et mis à cristalliser. J'obtins un acide benzoïque moins odorant que celui obtenu par l'expérience précédente.

J'ai répété cette opération un grand nombre de fois, et elles m'ont toujours donné les mêmes résultats. La seule différence paraîtrait consister dans le mode de cristallisation de l'acide qui présentait tantôt des petits prismes, tantôt des paillettes.

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L'odeur de cet acide pur n'a pas d'analogie avec celle du benjoin sa saveur est plutôt piquante qu'aromatique. J'ai pris de cet acide benzoïque et je l'ai traité par de l'acide nitrique dans une cornue de verre. Au commencement de l'opération, avant que la chaleur ne fût assez forte faire entrer le mélange en ébullition, il y eut dégagement d'un peu de gaz nitreux; ce gaz cessa bientôt de passer l'acide benzoïque fut entièrement dissous, et la liqueur se colora en jaune. Vers la fin de l'opération, il se manifesta encore un dégagement de gaz nitreux. On trouva dans le récipient de l'acide nitrique non décomposé, qui avait une odeur approchant de celle des amandes amères. Je croyais pouvoir y trouver de l'acide prussique; mais toutes mes tentatives furent infructueuses; la cornue contenait de l'acide benzoïque pur mêlé d'une matière colorante jaune ; j'ai séparé l'acide benzoïque par la cristallisation sans pouvoir isoler la matière colorante ; il y en avait trop peu. J'ai répété cette expérience, et j'ai obtenu les mêmes résultats :

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