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palpiter son cœur. "Le printemps prochain, dit-elle à son amie, si je me porte mieux, j'irai faire une visite à mes parents à Wladimir, et vous m'accompagnerez, n'est-ce pas ?" En disant ces mots, le plaisir brillait dans ses yeux, mais la 5 mort était sur ses lèvres. Sa compagne tâchait de lui montrer un visage riant et de retenir ses larmes prêtes à couler.

Le lendemain, 8 décembre, jour de la fête de sainte Barbe, elle eut encore la force d'aller à l'église pour communier; mais le soir, à trois heures, elle se trouva plus mal et 10 se plaça sur son lit sans se déshabiller, pour prendre du repos. Plusieurs religieuses étaient dans sa cellule, et, ne la croyant pas en danger, parlaient haut et riaient entre elles, dans le but de l'amuser; cependant la présence de tant de monde la fatiguait. Lorsqu'elle entendit le son de 15 la cloche qui les appelait aux prières du soir, elle les engagea à aller à l'église, en se recommandant à leurs prières. 'Aujourd'hui, leur dit-elle, vous prierez encore Dieu pour ma santé, mais dans quelques semaines vous prierez pour le repos de mon âme." Son amie resta seule dans sa cellule, 20 Prascovie la pria de lui lire les prières du soir, comme elle

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en avait l'habitude, et pour accomplir sa tâche jusqu'à la fin. La religieuse, à genoux près de son lit, se mit à chanter doucement les prières; mais, après les premiers versets, la malade lui fit signe de la main en souriant. Son amie 25 s'approcha d'elle, et pouvait à peine l'entendre. "Ma chère amie, lui dit-elle, ne chantez plus, cela m'empêche de prier: récitez seulement."

La religieuse se remit à genoux; pendant qu'elle psalmodiait les prières, la mourante faisait de temps en temps 30 des signes de croix. La nuit devint sombre.

Lorsque les religieuses revinrent avec de la lumière, Prascovie n'existait plus. Sa main droite était restée sur sa poitrine, et l'on voyait, à la disposition de ses doigts, qu'elle était morte en faisant le signe de la croix.

LE LÉPREUX

DE LA

CITÉ D'AOSTE.

Count Joseph de Maistre was particularly fond of this delightful tale. In his correspondence he thus expresses himself:

"Je suis charmé que vous ayez goûté le Lépreux, dont je 5 suis grand partisan..."

A little further on he says:—

“Puisque vous m'avez fait rire, mon cher marquis, je ne veux pas demeurer en reste avec vous. Sachez donc qu'un censeur de cette capitale (Saint-Pétersbourg), en examinant pour 10 l'impression le Lépreux de la cité d'Aoste, dit, en jetant les yeux sur le titre: "Hein! on a déjà beaucoup écrit sur cette maladie!" Ce qui signifiait que mon frère aurait bien pu se dispenser de se mettre sur les rangs. Cela ne vous paraît-il pas joli ?"

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We have seen M. Sainte-Beuve's opinion of La Jeune Sibérienne; another critic, M. Eugène Veuillot, thus reviews Le Lépreux :

"Cette nouvelle est tout à la fois remplie de tristesse et de douceur. Elle excite des impressions poignantes, et cependant 20 il y règne un calme parfait. On y a vu une réminiscence de la Chaumière Indienne de Bernardin de Saint-Pierre. Tout au plus pourrait-on croire que Xavier de Maistre a voulu donner une leçon aux admirateurs de cette œuvre lymphatique, fausse de style et de pensée. S'il fallait absolument critiquer Le Lépreux, 25 on pourrait y signaler quelques expressions qui, n'étant pas dans le goût du jour, semblent empreintes de sentimentalisme; mais, au fond, tout cet écrit est plein de noblesse et de naturel."

LE LÉPREUX

DE LA

CITÉ D'AOSTE.

Ah! little think the gay licentious proud
Whom pleasure, power and affluence surround..
Ah! little think they while they dance along...
How many pine?...how many drink the cup
Of baleful grief!...how many shake

With all the fiercer tortures of the mind!

(THOMSON'S Seasons, The Winter.)

La partie méridionale de la cité d'Aoste est presque déserte, et paraît n'avoir jamais été fort habitée. On y voit des champs labourés et des prairies terminées d'un côté par des remparts antiques que les Romains élevèrent pour lui servir d'enceinte, et de l'autre par les murailles de quelques 5 jardins. Cet emplacement solitaire peut cependant intéresser les voyageurs. Auprès de la porte de la ville, on voit les ruines d'un ancien château, dans lequel, si l'on en croit la tradition populaire, le comte René de Chalans, poussé par les fureurs de la jalousie, laissa mourir de faim, 10 dans le quinzième siècle, la princesse Marie de Bragance, son épouse: de là le nom de Bramafan (qui signifie cri a la faim), donné à ce château par les gens du pays. Cette anecdote, dont on pourrait contester l'authenticité, rend ces masures intéressantes pour les personnes sensibles qui la 15 croient vraie.

Plus loin, à quelques centaines de pas, est une tour carrée, adossée au mur antique et construite avec le marbre

dont il était jadis revêtu: on l'appelle la Tour de la Frayeur, parce que le peuple l'a crue longtemps habitée par des revenants. Les vieilles femmes de la cité d'Aoste se ressouviennent fort bien d'en avoir vu sortir, pendant les nuits 5 sombres, une grande femme blanche, tenant une lampe à la main.

Il y a environ quinze ans que cette tour fut réparée par ordre du gouvernement, et entourée d'une enceinte, pour y loger un Lépreux et le séparer ainsi de la société, en lui proIo curant tous les agréments dont sa triste situation était susceptible. L'hôpital de Saint-Maurice fut chargé de pourvoir à sa subsistance, et on lui fournit quelques meubles, ainsi que les instruments nécessaires pour cultiver un jardin. C'est là qu'il vivait depuis longtemps, livré à lui-même, ne 15 voyant jamais personne, excepté le prêtre qui de temps en temps allait lui porter les secours de la religion, et l'homme qui chaque semaine lui apportait ses provisions de l'hôpital. - Pendant la guerre des Alpes, en l'année 1797, un militaire, se trouvant à la cité d'Aoste, passa un jour, par 20 hasard, auprès du jardin du Lépreux dont la porte était entr'ouverte, et il eut la curiosité d'y entrer. Il y trouva un homme vêtu simplement, appuyé contre un arbre et plongé dans une profonde méditation. Au bruit que fit l'officier en entrant, le solitaire, sans se retourner et sans regarder, 25 s'écria d'une voix triste: "Qui est là, et que veut-on ? — Excusez un étranger, répondit le militaire, à qui l'aspect agréable de votre jardin a peut-être fait commettre une indiscrétion, mais qui ne veut nullement vous troubler. N'avancez pas, répondit l'habitant de la tour en lui faisant 30 un signe de la main, n'avancez pas; vous êtes auprès d'un malheureux attaqué de la lèpre.

- Quelle que soit votre infortune, répliqua le voyageur, je ne m'éloignerai point; je n'ai jamais fui les malheureux;

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