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portance, je préférerais reculer le début de l'ère moderne du Calcul infinitésimal jusqu'au moment où Leibniz et Newton découvrent que le problème des quadratures est l'inverse de celui des tangentes, et que, pour trouver une intégrale, il suffit de former la fonction primitive, dont la fonction donnée est la dérivée. A partir de ce jour, tout change, tout se simplifie. Les artifices géométriques compliqués, encore exclusivement en usage, tendent rapidement à disparaître ; et la résolution des problèmes courants d'analyse infinitésimale devient relativement facile.

Mais, l'intérêt très grand des articles de MM. Bortolotti et Loria eşt ailleurs (1). Ils nous montrent en Torricelli un géomètre que nous ignorions beaucoup trop. Je les recommande à l'attention du lecteur. Il y verra, pour me contenter d'un exemple entre bien d'autres, que Torricelli a énoncé plusieurs fois le théorème suivant, dont je ne dois pas signaler l'importance (2).

Soit une figure douée d'un axe de symétrie qui la rencontre en deux sommets. Nommons a la longueur de la portion de l'axe comprise entre les sommets. Le centre de gravité de la figure se trouve sur l'axe de symétrie, à une distance X de l'un des sommets, pris pour origine, donnée par la formule

X : (a — X) − Σa xp(x) ▲x :
Δι Σα (α - χ) φ(ν) Δν.

x)

En la résolvant par rapport à X, on trouve l'expression

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Torricelli observe, que si la formule est générale, elle n'est

(1) Il convient d'ajouter aux articles déjà cités Le prime applicazioni del Calcolo integrale alla determinazione del centro di gravità di figure geometriche. RENDICOnto delle ses IONI DELLA R. ACCADEMIA DELLE SCIENZE DELL' ISTITUTO DI BOLOGNA. Bologne, 1922. Je n'ai sous la main qu'un tiré à part.

(2) Voir: Opere di Evangelista Torricelli, t. III. Faenza, Montanari, 1919. Lettre de Torricelli à Cavalieri. Florence, 7 avril 1646 (pp. 365367). Lettre du méme au même. Florence, 21-28 avril 1646 (pages 370-373). Il va de soi que, pour la clarté, j'ai transformé l'énoncé en langage et en notations modernes.

guère pratique. C'est que, n'étant pas encore à l'époque de Leibniz et de Newton, il doit, dans chaque cas particulier, déterminer le numérateur et le dénominateur de la fraction, par des artifices géométriques, la plupart du temps inextricables. J'ai voulu rappeler cette difficulté, en employant le Σ plutôt que l' allongé, dans l'écriture des intégrales du numérateur et du dénominateur.

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Une lettre de Roberval à Mersenne, du 6 janvier 1637, jusqu'ici inconnue et récemment publiée par M. C. DE WAARD (I). Il est des chercheurs qui ont la main heureuse et M. de Waard est du nombre. Après plusieurs trouvailles aussi retentissantes qu'inattendues, relatives à la correspondance de Descartes et à celle de Fermat, voici qu'il vient de découvrir une très importante lettre de Roberval à Mersenne, datée du 6 janvier 1637. L'autographe en est perdu, mais M. de Waard a mis la main sur deux copies de la lettre; l'une fait partie d'un précieux recueil formé jadis à Paris par François van Schooten et qui se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque de l'Université de Groningue (Ms. 110, fo 13 vo-15 vo) ; l'autre est à la Bibliothèque Nationale de Florence, parmi les papiers de Viviani (Ms. galileiani discipoli, vol. 103, fo 99 vo-103 vo).

A la date du 6 janvier 1637, Roberval répond à une lettre aujourd'hui détruite ou égarée de Mersenne, dans laquelle le Minime le consultait sur le problème de la roue d'Aristote. Ce problème avait alors aux yeux des géomètres une apparence paradoxale qui nous étonne aujourd'hui. Voici son énoncé :

On donne une roue et deux circonférences concentriques de cette roue, dont le centre commune se déplace en ligne droite d'un mouvement uniforme. On demande pourquoi leur révolution par roulement se fait, pour la plus grande comme pour la plus petite circonférence, suivant des lignes. éagles; tandis que, si on les fait rouler isolément, les lignes

(1) Une lettre inédite de Roberval du 6 janvter 1637, contenant le premier énoncé de la cycloïde, publiée par C. de Waard. BULLETIN DES SCIENCES MATHÉMATIQUES, t. XLV; Paris, Gauthier-Villars, 1921, pp. 206-216 et 220-230. La lettre de Roberval est écrite

en français.

correspondant à leur révolution sont entre elles comme les diamètres de ces circonférences.

Le problème de la roue d'Aristote fut aussi fameux chez les anciens, que ceux de la quadrature du cercle, de la trisection de l'angle et de la duplication du cube. Il fit couler des flots d'encre et, au temps de Roberval et de Mersenne, passait encore pour un inextricable casse-tête. On devine la cause de cet embarras. Aucun géomètre n'avait encore donné une définition rigoureuse de la longueur d'un arc de courbe. A fortiori aucun d'eux n'avait-il défini le roulement de deux lignes en contact. Le problème paraît simple aux modernes, parce que, pour eux, les deux lignes en contact et qui se meuvent d'un mouvement uniforme roulent l'une sur l'autre, quand les arcs compris entre le point de départ et le point final dn mouvement ont la même longueur. Cela étant, servons-nous de l'exemple classique, proposé par Pascal Dans une voiture en mouvement uniforme, une seule circonférence idéale de chaque roue roule au sens mathématique du mot. C'est celle dont les points décrivent des cycloïdes ordinaires. Les circonférences dont les points décrivent des cycloïdes soit raccourcies, soit allongées, ne roulent pas, mais glissent. Pour résoudre le paradoxe de la roue d'Aristote, tout consistait donc à définir le sens précis des mots. Mais, répétons-le, en 1637, aucun géomètre n'y avait encore songé.

Dans la présente lettre, Roberval donne du paradoxe de la roue une explication différente de la précédente; explication correcte, mais basée sur les principes de mécanique qu'il emploie dans sa méthode des tangentes; c'est-à-dire, qu'il introduit dans la solution des considérations de vitesse et de composition des mouvements. Après quoi, Roberval passe à une définition et à une construction par points de la cycloïde ordinaire, car, et c'est là une chose inattendue,

ces questions faisaient le second objet de la lettre que lui avait écrite Mersenne!

Et voilà qui étonnera sans doute tous ceux qui, n'étant pas historiens des mathématiques, ne connaissent l'histoire de la roulette que par le récit aussi brillant qu'inexact qu'en a écrit Pascal. Ceci demande à être expliqué. Dans la magnifique réédition des Euvres de Blaise Pascal, qui fait partie

de la COLLECTION DES GRANDS ÉCRIVAINS DE LA FRANCE (1), les éditeurs, avec beaucoup de loyauté, avaient signalé plusieurs affirmations de Pascal devenues insoutenables, dont voici les quatre principales.

1o C'est Mersenne, le premier, dit Pascal, qui remarqua la cycloïde et en donna la définition.

Pas du tout. Mais, outre les arguments apportés par les éditeurs de Pascal, la nouvelle lettre de Roberval nous permet d'aller plus loin. Non seulement le Minime n'imagina pas la définition de la cycloïde, mais il n'y voyait pas clair, et c'est son correspondant qui lui explique la nature et la construction de cette courbe.

2o Dans l'Histoire de la Roulette de Pascal, beaucoup de dates relatives aux découvertes de Roberval sont contredites par les faits. Cela reste vrai; mais, la présente lettre permet de préciser encore bien d'autres données chronologiques douteuses. Je ne saurais en développer le détail sans dépasser les bornes qui me sont imposées dans ce Bulletin. M. C. de Waard s'est d'ailleurs chargé lui-même de ce travail, dans l'Introduction qu'il a mise en tête de la lettre. J'y renvoie le lecteur.

3° Quoi qu'en dise Pascal, Torricelli ne s'est pas approprié les solutions que Beaugrand aurait transmises à Galilée. Sur ce point, les nouveaux éditeurs de Pascal sont formels. L'Italien n'est pas un plagiaire, mais la lettre de Roberval n'ajoute rien à ce qu'ils nous apprennent.

4° Torricelli a-t-il reconnu la priorité de Roberval dans la solution du problème de la roulette ?

Il ne l'a certainement pas reconnue dans les termes que lui prête Pascal. S'il fallait en croire ce dernier, « M. de Roberval se plaignit à Torricelli par une lettre qu'il lui en écrivit, et le P. Mersenne en même temps, mais encore plus sévèrement. Il lui donna tant de preuves et imprimées et de toutes sortes, qu'il l'obligea d'y donner les mains et de céder cette invention à M. de Roberval, comme il fit par ses lettres écrites de sa main que l'on garde ».

Nous avons effectivement encore une partie de la corres

(1) Publiée par Léon Brunschvicg, Pierre Boutroux et Félix Gazier. T. VIII, Paris, Hachette, 1914; pp. 181-194.

pondance de Torricelli et de Mersenne sur le sujet. Nous avons surtout la fameuse lettre de Torricelli à laquelle Pascal fait allusion. Si Pascal a lu ces pièces,

ce qui ne me paraît pas certain, car c'est la meilleure manière de sauvegarder sa bonne foi, le géomètre français torture les formules de politesse dont Torricelli use envers Roberval, au point de leur attribuer un sens absolument faux. Cette impression est renforcée par la lettre du 6 janvier 1637. Cette lettre a, en effet, permis à M. de Waard — et c'est une des bonnes pages de son Introduction - de préciser des faits et des dates jusqu'ici douteuses, qui, toutes, confirment la loyauté du grand Italien.

Reste une dernière question que le lecteur se pose probablement, et que M. de Waard ne traite pas : Qui donc a fourni à Pascal les éléments de son Histoire de la Roulette? Car, on en demeure assez généralement d'accord, le prestigieux écrivain n'avait ni le flair, ni la patience du fouilleur d'archives. Des amis érudits et complaisants lui fournissaient les documents, il leur prêtait l'inimitable souplesse de sa plume.

Sans en avoir des preuves péremptoires, on ne doutait guère jusqu'ici que l'informateur de l'Histoire de la Roulette n'eût été Roberval. La lettre à Mersenne que nous venons d'analyser rend cette opinion insoutenable. Mais, alors, qui s'est chargé de renseigner Pascal ? On a parfois nommé Desargues et peut-être faudra-t-il revenir à lui. Je pose la question sans pouvoir la résoudre pour le moment.

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Le Ratz de Lanthenée, par BOULMONT (1). Cette monographie a été fort remarquée par tous ceux qui prêtent attention aux publications relatives à l'histoire de la Belgique, mais, plus particulièrement, par ceux qui s'intéressent au folklore du Hainaut. C'est que le Ratz est un person

(1) J. F. Le Ratz de Lanthenée, savant mathematicien thudinien au XVIIIe siècle, par Gustave Boulmont. Mons, Imprimerie DequesneMasquillier et fils, 1910. Un volume in-8° de 96 pages, avec un portrait et deux planches hors texte.

Ce travail a paru dans le 62o volume des MÉMOIRES ET PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ DES ARTS, DES SCIENCES ET DES LETTRES DU HAINAUT.

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