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HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES

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Sur le volume de la sphère par Togliatti (1). Article bien fait, divisé en deux parties: démonstration de la formule qui exprime le volume de la sphère chez Archimède; démonstration de cette formule chez les écrivains du XVIIe siècle avec quelques réflexions sur les essais plus récents.

M. Togliatti a pris une connaissance directe des principaux auteurs dont il parle; son article a cependant plutôt pour but de résumer les travaux des grands historiens des mathématiques sur ces auteurs, que de nous donner les résultats d'une étude personnelle approfondie. A cela rien à redire, bien au contraire; car de pareils résumés ont une incontestable utilité et il est même regrettable qu'on ne nous en donne pas plus fréquemment. Mais, cette utilité reconnue, il est prudent de se rappeler en lisant des synthèses de ce genre, qu'elles sont presque toujours faites en partie sur des matériaux de seconde main. Excellent es, comme celle de M. Togliatti, dans leur ensemble, on ne peut pas toujours accorder la même confiance aux nuances qu'elles expriment et à l'exactitude du détail.

(1) Sul volume della sfera (Esposizione storico-comparativa). PERIODICO DI MATEMATICHE. Sér. IV, t. II. Bologne, Nicola Zanichelli, 1922, pp. 305-326.

Cette réflexion m'est suggérée ici par ce que M. Togliatti nous dit d'Archimède et de Cavalieri. Pour nous parler d'Archimède, il s'est inspiré d'un ouvrage de grande valeur : The works of Archimedes edited in modern notation, par Heath (1). Aussi, le reproche que je fais à M. Togliatti, je le ferai volontiers à M. Heath lui-même quand on a lu Archimède, on le reconnaît dans la traduction en notations modernes de son interprète anglais; sa version fait réfléchir et suggère des idées justes. Mais la réciproque est-elle vraie ? J'en ai souvent douté. Heath, lu sans recourir en même temps au texte original, nous peint d'une part un Archimède beaucoup trop moderne, et de l'autre nous dissimule l'élégance avec laquelle le Géomètre de Syracuse a surmonté les énormes difficultés qu'il a dû vaincre. Les notations modernes font oublier la pauvreté des moyens dont Archimède disposait. La vraie méthode pour nous fai e connaître un géomètre grec quel qu'il soit est, croyons-nous, celle que M. Paul Ver Eeke a employée dans ses traductions des Œuvres d'Archimède et d'Apollonius (2): donner du texte grec une traduction aussi littérale que le comporte la langue dans laquelle on traduit, sans jamais sacrifier la fidélité à l'élégance; mais éclairer en rotations modernes les passages difficiles ou obscurs, en mul ipliant les notes du bas des pages.

Pour Cavalieri ma remarque est d'un autre genre. M. Togliatti relève, en la faisant suivre d'un point d'exclamation, la boutade de Maximilien Marie, qui dit, dans son Histoire des Sciences mathématiques et physiques (3), que si on distribuait des prix d'obscurité, Cavalieri obtiendrait sans conteste le premier. Une boutade est une boutade, et je trouverais sans difficulté des auteurs aussi obscurs que Cavalieri. Mais, ceci accordé, je connais peu d'ouvrages aussi

(1) Cambridge, University Press, 1897.

(2) Euvres complètes d'Archimède, traduites du Grec en Français, par Paul Ver Eecke. Paris et Bruxelles, Desclée-de Brouwer,

1921.

Les Coniques d'Apollonius de Perge. Euvre traduite pour la première fois du Grec en Français, par Paul Ver Eecke. Paris et Bruxelles, Desclée-de Brouwer, 1923.

(3) T. IV, Paris, Gauthier-Villars, 1884, p. 90.

déconcertants que les Exercitationes geometricae sex (1) du Bolonais. Quelle idée se faisait-il lui-même des indivisibles ? Pour y répondre, il ne suffit pas de lire ce qu'il dit à la fin de l'Exercitatio tertia, où il leur donne une épaisseur et dit qu'on peut les ramener à la méthode d'exhaustion d'Archimède (2); il faut tenir compte aussi des autres passages dans lesquels les indivisibles sont rigoureusement nuls, par exemple, au commencement de l'Exercitatio prima (3). Voilà une contradiction flagrante, et, comme je l'ai écrit ailleurs, je ne vois guère qu'un moyen de la lever, c'est d'admettre que Cavalieri a entrevu la possibilité de rendre la méthode des indivisibles rigoureuse, de deux manières différentes et indépendantes l'une de l'autre d'abord, en supposant les indivisibles différents de zéro et réductibles à la méthode d'exhaustion d'Archimède; ensuite, en les supposant rigoureusement nuls, mais doués d'une « fluxion », c'est-à-dire, d'un mouvement.

A dessein, j'ai employé le mot « entrevu », car Cavalieri a-t-il fait plus qu'entrevoir la chose? Il serait hasardé de répondre affirmativement. « Rechercher la nature des indivisibles, dit-il à la fin de l'Exercitatio tertia (4), est affaire de philosophe et non plus de géomètre. Quant à lui, qui est toujours malade, il n'a pas de temps à perdre en s'y employant. » N'y a-t-il pas là un aveu de sa part, aveu confirmé d'ailleurs par sa correspondance avec Torricelli (5) ?

Revenons, par une dernière observation, à l'article de M. Togliatti. L'auteur insiste avec raison sur la jolie démonstration du volume de la sphère due à Luc Valerio. Ce géomètre est trop oublié. Par un mémoire publié en 1912, dans les ANNALES DE LA SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE (6), j'ai tâché d'appeler l'attention sur les méthodes infinitésimales employées par Valerio dans son traité De centro Gravi

(1) Bononiae, Typis Iacobi Montii, 1647 (Univ. de Gand). (2) Ch. XV, p. 241.

(3) Pp. 15-16.

(4) P. 241.

(5) Opere di Evangelista Torricelli edite da Gino Loria e Giu seppe Vassura. T. III, Faenza, Montanari, 1919.

(6) Les démonstrations par l'Analyse infinitésimale chez Luc Valerio. ANN. DE LA SOC. SCIENT., T. XXXVIII, Louvain, Ceuterick, 1912-1913; 2° part., pp. 211-228.

tatis (1). M. Togliatti devrait faire connaître aux Italiens ce compatriote trop ignoré d'eux, me semble-t-il. L'article que je viens d'analyser prouve que le professeur de Turin est tout indiqué pour tenter avec succès l'entreprise.

La résolution de l'Equation du second degré chez les Grecs par Artom (2). Cet article a paru, dans le PERIODICO DI MATEMATICHE, à la suite de celui de M. Togliatti. Le sujet était moins vaste et l'auteur l'a développé en détail. Les sources grecques à consulter sont peu nombreuses quelques pages de Héron d'Alexandrie; ce qui nous a été conservé de Diophante; enfin, les livres II et VI des Eléments et quelques propositions des Données d'Euclide.

Pour mettre en œuvre ces sources, M. Artom s'est inspiré de Zeuthen et de M. Loria. C'était se mettre à bonne école. Au livre II des Eléments, Euclide donne l'équivalent de la résolution d'une équation du second degré en résolvant trois problèmes qui reviennent à construire les racines des équations

2

x2+px=q2, x2- px = q”, px-x2 = q3

dans lesquelles p et q sont des nombres positifs.

Ceci a été dit bien des fois, mais M. Artom observe avec raison qu'à cette forme géométrique de la construction des racines, les Grecs attachaient un sens arithmétique que l'habitude leur avait rendu naturel et aisé dans la pratique. La remarque n'est pas neuve, mais, peut-être, n'y a-t-on pas apporté l'attention voulue. En y réfléchissant, il faut convenir qu'il n'est pas moins obvie d'employer, à la manière des Grecs, un algorithme géométrique pour généraliser les théorèmes élémentaires de l'arithmétique, que de se servir comme nous d'un algorithme fait de lettres. La présence des livres VII-IX dans les Eléments d'Euclide suffit pour

(1) De Centro Gravitatis Solidorum Libri Tres. Lucae Valerii Mathematicae et Civilis Philosophiae in Gymnasio Romano professoris. Romae, Typis Bartolomaei Bonfadini, MDCIII.

L'ouvrage a eu une seconde édition : Bononiae, Ex typographia Haeredum de Duciis. MDCLXI.

(2) Li Equazioni di secondo grado presso i Greci. PER. DI MAT., sér. IV, t. II, pp. 326-342.

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