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STEVIN (Henri), mathématicien, né vers 1614. Il était fils de l'illustre mathématicien Simon Stevin de Bruges et de Catherine Krai. On ne sait pas où il naquit, mais en 1614 son père habitait les Pays-Bas septentrionaux, et il est probable que c'est dans les ProvincesUnies qu'Henri vit le jour. On ignore complètement à quelle date et où il mourut. La vie d'Henri Stevin est peu connue. Il nous donne, cependant, dans ses ouvrages, quelques rares détails sur sa personne. Les rédacteurs de la Bibliotheca Belgica, par le Bibliothécaire en chef et les Conservateurs de la Bibliothèque de l'Université de Gand, les ont attentivement recueillis et en ont composé une courte, mais précieuse notice biographique.

Nous y apprenons qu'Henri n'avait que six ans quand son père mourut, et qu'à vingt-cinq ans on le trouve inscrit sur la liste des étudiants de l'Université de Leyde. Son éducation première ne

volumes, soigneusement calligraphiés, possédés par la Bibliothèque royale de La Haye. Nous en reparlerons dans la notice de Simon Stevin.

Henri semble avoir hérité de son père le goût des voyages. Il est certain qu'il visita notamment Anvers, Freiberg en Saxe, Prague et Vienne en Autriche. Il emprunta aussi à son père l'amour passionné de la langue flamande. Mais ici, il le dépassa et alla trop loin, car son affection pour sa langue maternelle

dégénéra en haine du latin et de tout ce qui lui rappelait l'éducation par les classiques latins. En cela, Simon Stevin eut certainement désapprouvé les exagérations de son fils.

Henri Stevin a publié deux ouvrages qui méritent la reconnaissance de tous les amis de la science belge.

Materiae Politicae. Burgherlicke Stoffen... Beschreven deur zal: Simon Stevin van Brugghe... En uyt sijnnaghelate Hantschriften by een ghestelt deur Sijn Soon Hendrick Stevin Ambachtsheere van Al

Tot Leyden, Ter Druckerye van Ivstvs Livivs, tegen over d'Academie (1649).

pas négligée, mais il eut cependant toujours un peu les allures d'un auto-phen. didacte, qui se forma surtout par l'étude persévérante et approfondie des œuvres de son père.

Après son séjour à l'Université de Leyde, Henri embrassa la carrière des armes Son talent et la protection du prince d'Orange, Guillaume II, lui obtinrent le grade de quartier-maître et les fonctions d'ingénieur dans l'armée des Etats. Devenu impropre au service à 35 ans et rendu à la vie privée, Henri se consacra tout entier à la mémoire de son père. Il s'efforça, sans y réussir complètement, de retrouver les autographes inédits de Simon Stevin, dans le but de les publier. Nous possédons

encore

aujourd'hui un monument de ces recherches. Ce sont trois magnifiques

Les Materiae Politicae eurent plusieurs éditions. C'est une collection de mémoires de Simon Stevin, recueillis, mis en ordre et annotés par son fils Henri. Nous y reviendrons avec plus de détails dans la notice de Simon Stevin, où l'analyse de ce volume trouve sa place naturelle.

En 1660, Henri Stevin offrit un exemplaire des Materiae politicae en hommage à Christiaan Huygens. Cette politesse donna lieu entre les deux savants à un échange de lettres qui ont été éditées dans les Euvres complètes de Christiaan Huygens, publiées par la Société Hollandaise des Sciences (t. III,

La Haye, Martinus Nijhoff, 1890, pp. 63-64 et 77-80). Cette correspondance nous apprend qu'Henri Stevin. publia, en 1660, un petit imprimé intitulé: Loching van een eewich roersel gescht Perpetrom Mobile sur lequel je ne possède pas d'autres renseignements.

Wisconstich Filosofisch Bedryf, Van Hendric Stevin, Heer van Alphen, van Schrevelsrecht, etc. Begrepen In veertien Boeken. Tot Leyden, Gedruct by Philips De Cro-Y, in 't jaer 1667.

L'ouvrage est composé d'un volume in-4° de texte, accompagné d'un atlas in-folio qui a un titre spécial: Plaetboec. Vervangende de Figuren of Formen Gehorig tottet Wiscontich (sic) Filosofisch Bedryf Van Hendric Stevin, Heer van Alphen, van Schrevelsrecht, etc. Begrepen in XIV Boeken met een Aenhang. Gedruct in 't Jaer MDCLXVIII (Université de Gand).

Le volume du texte se divise en quatorze livres et un appendice qui ont chacun leur pagination propre, à l'exception du livre XI, dont le numérotage des pages continue celui du livre X. La Bibliotheca Belgica, citée ci-dessus, donne une analyse très fouillée du Bedryf,

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tant au point de vue bibliographique qu'à celui du fond de l'ouvrage. Sans doute, dans le Wisconstich Filosofisch Bedryf, Henri Stevin nous fait part de plusieurs de ses travaux personnels, mais il se réclame fréquemment de l'autorité de son père, et publie même des fragments inédits des mémoires de celui-ci. Plusieurs des idées du grand Simon Stevin ne nous sont connues que par ce que son fils nous en apprend ici. Elles donnent une particulière valeur au Bedryf. Nous signalerons comme dignes surtout d'attention : le livre X, où Henri Stevin nous apprend les vues de son père sur la construction des moulins à eau; le livre XI, où Henri nous fait connaître des procédés préconisés par son père pour l'entretien et l'amélioration des ports et des cours d'eau; enfin, la très curieuse proposition 20 du livre IV, où nous trouvons la démonstration par laquelle Simon Stevin prouvait l'impossibilité du mouvement perpétuel.

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STEVIN (Simon), mathématicien et ingénieur, né à Bruges en 1548, mort dans les Pays-Bas septentrionaux, en 1620. Stevin est le plus grand des mathématiciens qui virent le jour sur le sol belge, en ce sens du moins que ce fut celui dont l'influence sur le développement général de la science fut la plus profonde et la plus durable. La vie de cet homme illustre est peu connue. Il fut pendant quelque temps caissier et teneur de livres à Anvers. Ensuite, il remplit un emploi dans l'administration des finances du Franc de Bruges. On ne sait au juste à quelle date, mais postérieurement à 1571, il quitta sa patrie parce qu'il n'avait pu obtenir la franchise des droits sur la bière. On peut conclure de ses ouvrages et de ceux de son fils Henri qu'il visita la Prusse, la Pologne, la Suède et la Norwège. Il alla, enfin, s'établir dans les Pays Bas septentrionaux, où il passa le reste de ses jours. On l'y suit difficilement. Voici cependant quelques détails: dès 1581, on le trouve à Leyde, ville d'où il signe le 16 juillet 1582 son premier ouvrage; le 16 février 1583, il se fait inscrire à l'Université de Leyde, comme élève en lettres; en 1590, il part pour Delft et de là pour La Haye. On n'en sait guère davantage. Stevin se maria sur le tard à Catherine Krai, dont il eut quatre enfants Frédéric, Henri, Suzanne et Liévine.

Les travaux et les découvertes de Simon Stevin lui valurent une grande réputation. Nul ne l'apprécia mieux que Maurice de Nassau, qui le prit comme professeur et l'institua son contrôleur des finances. I le fit aussi nommer inspecteur des digues et castramétateur, ou quartier-maître général, de l'armée des États généraux.

Stevin fut un savant modeste. Rarement on vit souci pareil au sien, de ne pas s'attribuer les découvertes des autres. Eut-il les défauts de ses qualités? Poussa-t-il la complaisance envers Maurice de Nassau jusqu'à renoncer au catholicisme pour passer au protestan tisme? Rien ne le prouve. En 1845, lors de l'érection de la statue de Stevin à Bruges, une polémique violente et des plus regrettables s'éleva sur ce sujet. Tous les pamphlets écrits alors pour ou contre Stevin nous paraissent aujour d'hui remplis d'une singulière exagération. Stevin n'aimait pas l'Espagne, c'est certain. Que cette aversion pesa sur sa décision de quitter les Pays-Bas Espagnols, pour se fixer chez nos voisins du Nord, c'est probable. A mon avis, il n'alla pas plus loin. Quand le sujet n'est pas de la religion du prince,

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dit Stevin dans sa Vita politica, il doit se contenter de pratiquer sa religion en secret, sans troubler l'ordre public, ou se résigner à quitter le pays. Stevin ne quitta pas les PaysBas du Nord, mais il conforma sa conduite à la théorie qu'il professait.

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L'intérêt de la biographie de Simon Stevin est tout entier dans l'étude de ses œuvres. On peut les considérer au double point de vue de la bibliographie et de la science. Les éditions successives de ses ouvrages forment une collection remarquable de volumes anciens, rares et curieux. Ils ont fait l'objet d'une des meilleures notices de la Bibliotheca Belgica par le Bibliothécaire en chef et les Conservateurs de la bibliothèque de l'Université de Gand. J'y renvoie le lecteur. Un doute formulé par Cantor, dans ses Vorlesungen ueber Geschichte der Mathematik (2e éd., t. II, Leipzig, Teubner, 1900, p. 573), m'en

gage cependant à insister, plus que ne le fait la Bibliotheca Belgica, sur un point important. Scule l'édition posthume des Euvres de Simon Stevin, revue et augmentée par Albert Girard, est encore accessible au plus grand nombre des mathématiciens. Mais jusqu'où donnet-elle les idées originales de Stevin? Quelles modifications Girard y a-t-il introduites? J'ai consacré à cette question le 2e chapitre de mes Notes sur l'Arithmétique de Simon Stevin (Annales de la Société scientifique de Bruxelles, t. XXXV, Louvain, 1911, 2e part., p. 305-313). Voici les conclusions de ce travail Girard n'ajoute rien au texte de Stevin sans en avertir le lecteur; mais il abrège souvent la rédaction originale, plutôt cependant en faisant de simples coupures dans les passages qu'il trouve trop longs, qu'en les résumant, dans le sens propre du mot. Je reviendrai avec plus de détails sur ce sujet en analysant l'édition des Euvres de Stevin donnée par Girard (No 14 ci-dessous).

Au point de vue scientifique, Stevin appelle encore beaucoup l'attention des historiens des mathématiques et donne lieu à de nombreux mémoires. On est loin d'avoir tout dit à son sujet: mais je ne puis songer à combler cette lacune dans un recueil comme celui-ci. Je me contenterai de parcourir les nombreux ouvrages de l'illustre Brugeois, d'après l'ordre chronologique de leur publication, en indiquant pour chacun d'eux les principaux travaux auxquels ils ont donné lieu et en y ajoutant, au besoin, quelques éclaircissements. Les éditions originales de Stevin sont des raretés bibliographiques, du moins en dehors de la Belgique et des Pays-Bas. C'est grand dommage, car d'après ce que je viens de dire relativement à l'édition des Euvres de Stevin par Girard, pour connaître la pensée de Stevin avec toutes ses nuances, il est parfois nécessaire, on le devine, de recourir au texte même de l'auteur. Je crois donc utile d'indiquer, au fur et à mesure, les exemplaires des éditions originales de Stevin qui sont, à ma connaissance, dans les principaux dépôts belges.

1° Tafelen van Interest, Midtsgaders De Constructie der seluer, ghecalculeert Door Simon Steuin Brugghelinck. t' Antwerpen, By Christoffel Plantijn in den gulden Passer. M.D.LXXXII (Bibl. Royale de Belgique; Univ. de Gand; Bibl. Plantin à Anvers).

Ce petit volume a donné lieu jadis à une note du baron de Reiffenberg, publiée dans son Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique (3° année, Bruxelles, 1842, pp. 335-337), sous le titre de Edition de Stevin négligée par les bibliographes.

Les Tafelen van Interest, traduites en français, ont été reproduites dans les deux éditions de l'Arithmetique de Stevin (Leyde, 1585 et 1625) et dans l'édition de ses Euvres mathématiques, donnée, en 1634, par Albert Girard.

A la fin du XVI° siècle, quelques grandes maisons de commerce des PaysBas possédaient des tables d'intérêt manuscrites, calculées à grands frais et. tenues jalousement secrètes; aussi, à leur apparition, les Tafelen van Interest eurent-elles le plus vif succès chez tous les marchands. Elles leur fournissaient un instrument de travail commode, sans égal pour calculer rapidement les bénéfices et pertes de leurs opérations commerciales. Ces problèmes d'intérêt tout élémentaires, résolus aujourd'hui presque machinalement par les comptables, passaient au XVIe siècle pour très difficiles. Stevin lui-même en est la meilleure preuve. Malgré son talent, il lui arrivait de s'embrouiller dans la solution. Témoin les raisonnements fautifs des exemples 9 et 10. Avec sa modestie habituelle, l'auteur reconnut plus tard lui-même ses erreurs, dans la traduction française de ses tables d'intérêt, publiée dans son Arithmetique.

D'après la préface des Tafelen van Interest, l'idée première de la construction de pareilles tables est due à Jean Tranchant, mathématicien français, qui l'énonça dans son Arithmetique. L'ouvrage de Tranchant eut de nombreuses éditions, dont la première est de Lyon, 1558. (Voir ma Note sur l'Arithmétique de Jean Tranchant. Ann, de la Soc. Scient.

de Bruxelles, t. XXXIII, Louvain, 1909, 1 part., pp. 184-192). Mais, à défaut de temps, ou peut-être de patience, Tranchant ne mit pas son idée à exécution. Les Tafelen van Interest de Stevin furent les premières tables d'intérêt imprimées, assez étendues pour être vraiment d'un usage pratique.

20 Problematom Geometricorvm In gratiam D. Maximiliani, Domini ▲ Crvninyen, etc., editorum, Libri V. Auctore Simone Stevinio Brvgense. Antverpiæ, Apud Ioannem Bellerum, ad insigne Aquilæ aureæ. (Bibl. Royale de Belgique, 3 ex., Univ. de Gand, Bibl. des villes d'Anvers et de Bruges, Collège de la Comp. de Jésus, à Louvain). L'ouvrage n'est pas daté, mais il est de 1583. J'en ai eu entre les mains, dans les bibliothèques belges, jusqu'à huit exemplaires, dont un, celui de la Bibliothèque de l'Université de Louvain, a péri. Si je signale ce chiffre de huit, c'est qu'en dehors de la Belgique et probablement de la Hollande, l'ouvrage est devenu rare au point que, dans ses Vorlesungen ueber Geschichte der Mathematik (2e éd. t. II, p. 573), Cantor a cru pouvoir révoquer en doute son existence. D'Adrien Romain à Quetelet, la plupart des historiens des mathématiques ont vu les cinq livres de problèmes de géométrie; mais la grande érudition et l'autorité du professeur d'Heidelberg ont donné quelque crédit

à son erreur.

Cette erreur s'explique. Cantor n'avait sous la main que l'édition des Euvres de Stevin publiée à Leyde en 1634. Or, la Pratique de Géométrie, qui se trouve dans cette édition, malgré l'analogie du titre, n'est pas divisée en cinq livres, comme les Problemata geometrica, mais bien en six. Cantor en a conclu avec raison que la Pratique de Géométrie n'était pas la traduction de l'ouvrage latin l'auteur n'eût pas dû aller plus loin. Tout ceci a été expliqué par Gravelaar, dans une étude des plus fouillées, publiée dans le Nieuw Archief voor Wiskunde (2 série, t. V, Amsterdam, Delsman en Nolthenius, 1901, pp. 106-191), sous le titre de Stevin's Problemata Geo

:

"

metrica. Dans son Mémoire sur la vie et
les travaux de Simon Stevin (Bruxelles,
Van Dale, 1846, pp. 100-103), Steichen
analyse, lui aussi, les cinq livres de
géométrie de Stevin, puis il ajoute :
■ Il est déplorable de voir l'histoire des
sciences, rester muette sur ce beau tra-
vail. Nous n'en avons pu donner qu'une
. idée; vouloir l'analyser d'une manière
satisfaisante, ce serait se condamner à
le traduire à peu près en entier, sinon
à le copier. Le meilleur parti à prendre
serait de le faire réimprimer. Pour
accepter cette proposition, il y avait,
dès 1846, un obstacle : la langue dont
s'était servi Stevin. Steichen le sentait.

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Si quelque libraire-éditeur, dit-il, est disposé à suivre notre avis, nous nous engagerions à traduire l'opuscule de Stevin, qui n'a que 180 pages. L'offre de Steichen n'a pas été écoutée et c'est dommage pour le renom de la science belge. Les cinq livres de problèmes de géométrie forment un tout d'une originalité et d'une ordonnance logique, dont la Pratique de géométrie ne donne pas la même idée. S'ils étaient traduits dans une langue moderne les géomètres les liraient encore avec plaisir; ils s'en convaincront par l'étude de Gravelaar.

3° Dialectike Ofte Bewysconst. Leerende van allen saecken recht ende constelick Oirdeelen; Oock openende den wech tot de alderdiepste verborghentheden der Natueren. Beschreven int Neerduytsch door Simon Stevin van Brugghe. Tot Leyden, By Christoffel Plantiju M. D. L. XXXV. (Bibl. Plantin à Anvers.)

L'ouvrage a été réédité sous le même titre Dialectike, etc. Van de voorige druckfauten verbetert. Tot Rotterdam, By Ian van Waesberge de longe, op de Koren-Merct, Anno 1621. A la dernière page Ghedruckt tot Leyden, By Ian Claesz van Dorp, 1621. Voor Ian van Waesberge de longe, Boeckvercooper, woonende tot Rotterdam (Bibl. Royale de Belgique, Univ. de Gand).

Au point de vue absolu la Dialectike, ou l'art de la démonstration, par Stevin, n'a rien de fort original; mais le motif qui poussa l'auteur à l'écrire est assez curieux l'ignorance de la langue latine

:

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