Page images
PDF
EPUB

voyer. Une simple nomenclature de leurs titres présenterait probablement peu d'intérêt, et il me paraît préférable de m'arrêter à l'une d'entre elles, qui fera deviner le mérite des autres. Je choisis l'histoire des symboles employés pour désigner l'égalité entre deux quantités, parce que ce travail a paru dans ISIS, périodique de rédaction américaine, mais édité à Bruxelles.

Pour peu qu'on ait quelque connaissance de l'histoire des mathématiques du seizième siècle, on sait que l'emploi des deux traits horizontaux pour désigner l'égalité est dû au médecin de la Cour d'Angleterre, Robert Recorde, qui le proposa en 1557, dans son Whetstone of Witte. C'est le titre assez étrange qu'il donna à son traité d'algèbre; ouvrage rare d'ailleurs et que je n'ai pas vu. Les Anglais adoptèrent relativement vite le symbole de Recorde. Neper, Harriot, Norwood, Oughtred et plus tard Wallis en donnèrent l'exemple.

Il n'en fut pas de même sur le continent. Chez Viète, A=B signifie valeur absolue de A-B; chez Descartes le même symbole veut dire A ± B. Viète n'emploie aucun signe d'égalité. Descartes se sert d'une espèce de 8 couché dont la partie supérieure serait ouverte; ou, si l'on préfère, de notre signe dont la boucle de gauche ne serait pas achevée. Simon Stevin écrit au long « esgale » ou « ghelyck », d'après la langue dont il se sert. D'autres auteurs marquent l'égalité par un simple trait vertical; d'autres par le trait horizontal entre deux points÷usité aujourd'hui pour désigner la progression arithmétique ; d'autres enfin par divers signes plus compliqués difficiles à reproduire ici. Assurément plusieurs de ces renseignements ne sont pas neufs, mais l'intérêt de l'article de M. Cajori consiste à les trouver réunis ensemble avec d'autres encore.

Henri Suter. Henri Suter s'éteignit à Dornach, près de Bâle, le 17 mai 1922. Il avait été pour moi, pendant de longues années, un correspondant courtois et assidu. Quand j'appris sa perte, je ne possédais cépendant, en dehors de ses œuvres, que bien peu de renseignements précis sur sa carrière; aussi je ne crus pas pouvoir en parler dans mon dernier Bulletin. Mais une courte autobiographie écrite jadis

par Suter à la demande de ses amis, et publiée depuis (1), m'a fourni les données qui me faisaient défaut.

Henri Suter naquit à Heidingen, dans le canton de Zurich, le 4 janvier 1848. Après des études primaires et secondaires faites dans son village natal, il passa à la Realschule de Zurich. Il ne tarda pas à regretter une importante lacune dans le programme de cet établissement. Suter s'intéressait déjà à l'histoire des mathématiques et des sciences. Or, on n'enseignait pas les langues anciennes à la Realschule ! Force lui fut donc d'apprendre le latin et le grec avec des professeurs particuliers.

En 1866, il se rendit à Berlin, où il suivit les cours de mathématiques de trois illustres maîtres : Weierstrass, Kummer et Kronecker. Rentré en Suisse, en 1870, il enseigna quelque temps à Schaffhouse, puis à Saint-Gall, pour être enfin, en 1886, nommé professeur de mathématiques au Gymnase de Zurich, poste qu'il conserva jusqu'en 1918, date de sa retraite définitive.

Suter a fourni à l'histoire des mathématiques et de l'astronomie chez les Arabes une contribution d'une singulière importance. Il avait cependant trent-neuf ans quand il aborda l'étude de l'arabe; mais doué d'un talent peu ordinaire, il rattrapa promptement le temps perdu. Depuis, il publia beaucoup. Son ouvrage principal est intitulé: Die Mathematiker und Astronomen der Araben und ihre Werke; travail d'une grande érudition, qui parut en 1900, chez Teubner, à Leipzig, et forme le tome X des ABHANDLUNGEN ZUR GESCHICHTE DER MATHEMATISCHEN WISSENSCHAFTEN BEGRUENDET VON MORITZ CANTOR. Il reçut un complément en 1902 dans le tome XIV du même recueil.

Mais Suter n'avait pas attendu la publication de cet ouvrage pour utiliser les riches matériaux qu'il avait découverts en le préparant. Depuis plusieurs années, il avait commencé à donner presque périodiquement des traductions allemandes et des commentaires de divers écrits arabes

(1) En tête des Beiträge zur Geschichte der Mathematik bei die Griechen und Araber von Dr Heinrich Suter; mémoire qui forme le 4 fascicule du t. I des ABHANDLUNGEN ZUR GESCHICHTE DER NATURWISSENSCHAFTEN UND DER MEDIZIN. Erlangen, Max Menge, 1922, p. IV.

relatifs à l'astronomie et aux mathématiques. Dès lors, il n'interrompit plus ce genre de publications. Je ne saurais en donner ici la liste. Qu'on me permette cependant de rappeler que j'ai analysé plusieurs d'entre elles dans mes Bulletins d'Histoire des Mathématiques. Au surplus, la Bibliographie complète des travaux de Suter a été publiée dans les ABHANDLUNGEN ZUR GESCHICHTE DER NATURWISSEN SCHAFTEN UND DER MEDIZIN (I).

(1) T. I, fasc. IV, pp. V-VII.

H. BOSMANS.

Louvain. - « Établissements F. Ceuterick », rue Vital Decoster, 60.

1

Extrait de la Biographie Nationale, publiée par l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, t. XXIII, col. 526-533.

= 1921-34

JEAN STADE

PAR

HENRI BOSMANS, S. J.

STADE (Jean), mathématicien, astronome et érudit, né à Loenhout, le 1 mai 1527, mort à Paris, le 17 juin 1579. Nous savons assez peu de chose des années de sa jeunesse. Il nous apprend lui-même, en plusieurs endroits de ses ouvrages, qu'il voyagea beaucoup. C'est ainsi qu'en 1554, par exemple, époque où il commença à travailler à ses Tabulae Bergenses, il quitta Anvers le 18 août, par un jour de tempête, pour se rendre à Turin. Voici quelques dates qui permettent de le suivre un peu dans ses déplacements. En 1556, il dédie de Bruxelles, à Philippe II, la première édition de ses Ephémérides. Nous le retrouvons, dans la même ville, en mars 1558, et il y est encore le 12 mars de l'année suivante, jour où il y observe une conjonction de Mercure et de Vénus. En 1559, il visite Paris pour la première fois.

Dès lors, Stade commence à devenir célèbre. Sa réputation naissante lui vaut bientôt l'honneur d'attirer l'attention de Robert de Berghes, prince-évêque de Liége. Ce prélat, désireux de relever le niveau des études dans ses États, l'at

tache à son service et le décide à se fixer dans sa ville épiscopale. C'est du palais du prince-évêque que, le 29 janvier 1560, il signe la dédicace des Tabulae Bergenses. Vers la même époque, il fait plusieurs voyages à Cologne, probablement dans le but d'y surveiller la publication de ses ouvrages qui s'imprimaient chez les héritiers d'Arnould Birckman.

Combien de temps notre savant restat-il à Liége? Je ne saurais le dire; mais, dès 1563, on le retrouve de nouveau à Bruxelles, en correspondance littéraire avec le chanoine Pighius, secrétaire de Granvelle. Trois ans plus tard, en 1566, parait la première édition du Florus. Le titre de l'ouvrage nous apprend que l'auteur est alors professeur de mathématiques et d'histoire à l'Université de Louvain. La dédicace de la troisième édition des Ephémérides est datée d'Anvers, le 30 août 1570. Enfin, nous possédons une lettre de Stade à Auger de Boesbeke écrite de Bruges, le 19 janvier 1574; il travaillait alors dans cette ville pour le graveur Hubert Goltzius.

En 1576, la chaire fondée par Pierre

« PreviousContinue »