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(Extrait des Annales de la Société scientifique de Bruxelles Tome XLIV, première partie, Documents et Comptes rendus, p. 458 Session du 29 octobre 1925. Première Section.

SUR L'AUTEUR D'UN TRAITÉ D'« ALGORISME »
CONTENU DANS LE MS. D. 372 DE LA BIBLIOTHÈQUE
RECONSTITUÉE DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN

Note du R. P. H. BOSMANS, S. J.

Le Ms. D. 372 de la nouvelle Bibliothèque de l'Université de Louvain est un volume de papier relié, dont les feuillets mesurent environ 22×15,5 centimètres, avec une légère différence dans les dimensions d'un feuillet à l'autre. II. se compose de 12 cahiers d'inégales épaisseurs, formant un total de 154 feuillets non numérotės; mais les cahiers eux-mêmes le sont, au crayon, de 1 à 12, en haut de la marge de gauche du premier feuillet (recto) de chaque cahier. L'Ex Libris » de l'Université, collé sur le plat intérieur de la reliure, donne le nom du dernier propriétaire : « Ex dono L. de Ridder, Bruxellis».

L'écriture du corps du Ms. parait être d'une seule main, du XVe siècle. Les lignes sont en général assez espacées. Sur beaucoup de pages une seconde main du XVe siècle a ajouté, dans les marges et dans les interlignes, des gloses d'une écriture beaucoup plus petite.

Notre Ms. renferme plusieurs ouvrages, et notamment des traités de Comput qui ne sont pas de ma compétence. Mais les 18 feuillets du 6 cahier, ainsi que les 6 premiers feuillets et le recto du 7o feuillet du cahier 7, soit au total 49 pages, contiennent un traité d'Algorisme, ou de calcul, fort intéressant (').

(1) Incipit : Omnia que a primeva rerum origine processerunt, ratione numeri vel numerorum formata sunt; et quemadmodum, sicut, res habet esse suum, sic cognosci habet. Unde in universa rerum cognitione ars numerandi est necessaria et optima. Hanc igitur scientiam numerandi compendiosam edidit quidam philosophus nomine Algus, unde et Algorismus nuncupatur...

Desinit: Notandum, quod si in numero proposito non sit aliquis locus millenarii, incipiendum est operari sub prima figura. In hac autem radice extrahenda solent quidam distinguere numerum propositum per ternarios, et semper inci

L'auteur n'est pas nommé; mais c'est un Anglais, élève d'Oxford, Jean de Holywood, ou de Halifax, très connu, sous le nom de Sacrobosco, par les innombrables éditions de son opuscule de la Sphère. On ignore la date précise de sa naissance; mais on sait qu'il enseigna les mathématiques et l'astronomie à Paris. On s'accorde aussi pour placer sa mort en 1256.

Son traité d'Algorisme () a donné lieu à des difficultés et soulevé des controverses, qui ont été en grande partie définitivement résolues par Maximilien Curtze, dans son édition du Petri Philomeni de Dacia in Algorismum vulgarem Johannis de Sacrobosco Commentarius, una cum Algorismo ipso (2). Par « Algorismus vulgaris» il faut entendre l'Algorismus de integris on calcul des nombres entiers. On le distinguait de l'Algorismus de minutiis ou calcul des fractions; et de l'Algorismus projectilium ou calcul par les jetons.

L'Algorisme de Sacrobosco eut une fortune très variée. On le trouve dans beaucoup de Mss. du Moyen Age, tantôt anonyme, tantôt avec le nom de l'auteur. Au temps des débuts de l'imprimerie, il eut plusieurs éditions, dont la plus ancienne est de Strasbourg, 1486 ou 1488, et la plus récente, d'Anvers, 1582 (3). Puis, après avoir joui d'une popularité presque égale à celle de la Sphère du même auteur, il tomba dans un oubli tel, qu'en 1841,

pere operari a prima figura ultimi ternarii, sive completi, sive incompleti. Qui modus operandi idem est cum predicto. Et haec de radicum extractione dieta sufficiant.

Si j'ai cru devoir donner avec une certaine étendue ce commencement et cette fin de notre Algorisme, c'est pour en faciliter la comparaison avec les éditions imprimées qui ont des divergences assez marquées entre elles.

(1) Mon travail ayant été lu dans une des salles de la Bibliothèque de la Ville de Bruges, je crois intéressant de rappeler que la riche exposition de Mss. anciens et d'incunables de ce dépôt, organisée en l'honneur des membres de la Société scientifique, par le Bibliothécaire M. l'abbé De Poorter, renfermait quatre exemplaires de l'Algorisme de Sacrobosco contenus respectivement dans les Mss. 521, 522, 523 et 524.

(2) Hauniae, A. Hoest et fil., M. DCCC.XCVII.

(3) Curtze, o. c., en donne la liste sommaire, « Einleitung », p. V, note 1. Pour la 1o édition, Curtze donne, dans le texte, la date de 1486, mais en transcrivant le titre (note 1), il donne celle de 1488. L'Algorisme y fait suite à un traité du Comput de Sacrobosco.

L'édition d'Anvers 1582 fait suite à une édition de la Sphère de Sacrobosco.

Halliwell n'hésita pas à le rééditer dans ses Rara Mathematica ('). Mais, c'est Curtze, dans l'ouvrage précité, qui l'a surtout signalé aux historiens des mathématiques.

Parmi les anciens imprimés auxquels je viens de faire allusion, j'appelle l'attention des bibliophiles belges sur les éditions de l'Algorisme données par un de nos compatriotes de la Westflandre, Josse Clichtove de Nieuport (2). Les Français le nomment Clichtou, ou Clichtoue; probablement parce que v s'écrivait jadis. u dans le corps des mots, et que l'e final non accentué est muet et ne se prononce pas quand il est précédé d'une voyelle.

Les éditions clichtoviennes de l'Algorisme de Sacrobosco sont au nombre de trois, toutes de Paris. La première sortit, en 1503, des presses alors associées de Wolfgang Hopyl et Henri Estienne; la seconde, en 1510, de celles du seul Henri Estienne; la troisième, enfin, de celles de son successeur, Simon de Colines, en 1522 (3).

(1) The second edition, London, Samuel Maynard and Earl's Court, 1841; pp. 1-26.

Halliwell avait déjà donné une première édition du traité, en 1838, sous un autre titre. Je ne l'ai pas vue.

(2) I naquit dans la seconde moitié du XVe siècle, on ne sait au juste en quelle année, et mourut à Chartres, le 22 septembre 1543. Il existe une courte, mais excellente biographie de Clichtove dans la Bibliotheca Belgica, par le Bibliothécaire en chef et les Conservateurs de la Bibliothèque de l'Université de Gand, 1 série, t. IV, Gand, Vyl; La Haye, Martinus Nijhoff, 1880-1890, Notice C 362.

(3) Toutes trois décrites très en détail dans la Bibliotheca Belgica, 1° série, tome XIX, au mot « Lefèvre d'Etaples », Notices L. 378, L. 380 et L. 381.

J'ai sous les yeux un exemplaire de l'édition de 1510, exemplaire qui n'est pas signalé par la Bibliotheca Belgica et qui appartient au Collège philosophique et théologique de la Compagnie de Jésus à Louvain. En voici le titre complet : In hoc libro contenta Epitome compendiosaque introductio in libros Arithmetices diui Seuerini Boetii : adiecto familiari commentario dilucidata. Praxis numerandi certis quibusdam regulis constricta. Introductio in geometriam : sex libris distincta. Primus de magnitudinibus et earum circumstantiis. Secundus de consequentibus, contiguis et continuis. Tertius de punctis. Quartus de lineis. Quintus de superficiebus. Sextus de corporibus. Liber de quadratura circuli. Liber de cubicatione sphere. Perspectiua (sic) introductio. Insuper astronomicon.

C'est la reproduction du titre de l'édition de 1503. Mais, en dépit de cette longue énumération, la présente édition n'a que les trois premiers traités et s'arrête après l'Algorisme de Sacrobosco, publié ici, mais anonyme, sous le

Clichtove a publié l'Algorisme d'après un Ms. qui n'était pas de premier choix. Il semble en outre avoir ignoré le nom de l'auteur. Mais, si ce défaut d'information peut surprendre chez lui, voici qui est plus étonnant. Dans la Bibliotheca Belgica par le Bibliothécaire en chef et les Conservateurs de la Bibliothèque de l'Université de Gand, ces chercheurs si avisés, qu'il est si rare de voir. à court de renseignements, ces actifs et érudits chercheurs n'ont pas davantage trouvé le nom de celui qui écrivit l'Algorisme édité par Clichtove. Il est vrai que, ni Ant. Aug. Renouard, dans ses Annales de l'imprimerie des Estienne ('), ni son arrière-petitfils, Ph. Renouard, dans sa Bibliographie des Editions de Simon de Colines ('), n'ont eu plus de coup d'œil. Aucun d'eux n'a donné le nom de Sacrobosco comme celui de l'auteur du traité.

Les éditions de Clichtove n'ont cependant pas échappé à Curtze (3). Mais la nouvelle édition de l'Algorisme que le Professeur de Thorn a jointe au Petri Philomeni de Dacia Commentarius (*) a paru loin de nous, à Copenhague, et n'a guère été répandue en Belgique. Je l'ai vainement cherchée à la Bibliothèque Royale. Il ne me semble donc pas complètement inutile de dire, à ceux qui l'ignoreraient, le nom de l'auteur de ce vieil Algorisme, que, sur l'autorité de la Bibliotheca Belgica, ils pourraient croire anonyme.

Pour en revenir au Ms. de Louvain, il est visiblement l'ouvre d'un scribe assez maladroit, qui ne comprend pas toujours le

titre de Opusculum de Praxi numerandi quod et Algorismum vocant. Vient ensuite en colophon: Absolutum in almo Parisiorum studio Anno domini qui numero definivit omnia 1503. Et emissum ex officina Henrici Stephani Anno CHRISTI Saluatoris omnium 1510 decima quinta die Martij.

L'exemplaire des Jésuites de Louvain présente une très curieuse particularité signalée déjà par la Bibliotheca Belgica (Notice L. 380) dans un exemplaire de la Bibliothèque Royale de Munich; c'est de reproduire tous les ouvrages annoncés au titre à l'aide de feuilles complémentaires empruntées à l'édition de 1503.

(1) Paris, Jules Renouard, 1828. L'édition de 1503 est décrite, t. I, p. 1 ; l'édition de 1510, t. I, p. 8.

(2) Paris, Em. Paul, L. Havard et Guillemin, 1894. L'édition de 1522 est décrite, pp. 38-39.

(3) O. c., Einleitung, p. v, note 1.

(') Pp. 1-19.

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