A Bromans 27) Extrait du COMPAS D'OR Bulletin de la 1925 ETABLISSEMENT E. DE COKER dommage de l'auton d A Bornare LE JÉSUITE MATHÉMATICIEN ANVERSOIS ANDRÉ TACQUET (1612-1660). André Tacquet naquit à Anvers, le 23 juin 1612, et y mourut le 22 décembre 1660. Bien longtemps on ne l'a connu que par ses ouvrages et par les jugements, presque toujours très avantageux, dont ils étaient l'objet. On appréciait le savant, l'homme restait ignoré. On pouvait croire celui-ci quelque peu lourd, guindé dans une raideur géométrique. La publication de plusieurs lettres de la correspondance de Christiaan Huygens 1) souleva un coin du voile et corrigea en partie cette prévention. A deux reprises, dans son Histoire du Cartesianisme en Belgique 2), et dans ses Correspondants Belges du grand Huygens 3), feu M9 Monchamp mit en æuvre ces nouveaux documents pour nous faire déjà voir un Tacquet bien différent de ce qu'on se figurait ; mais il y a quelque temps, j'ai eu plus de chance, car en cherchant tout autre chose aux Archives Générales du Royame, j'ai mis la main sur une courte biographie contemporaine de Tacquet, d'un haut intérêt. Elle fait l'objet d'une lettre du P. François van der Mersch 4), Recteur du Collège de la Compagnie de Jésus à Anvers, au P. Jean 1) Euvres complètes de Christiaan Huygens, publiées par la Société Hollandaise des Sciences. La Haye, Martinus Nijhoff. Quatorze volumes ont paru jusqu'ici, mais la correspondance d'Huygens et de Tacquet tient tout entière dans les trois premiers, qui ont été publiés respectivement en 1888, 1889 et 1890. J'indiquerai cette édition par le mot Huygens. 2) Histoire du Carté sianisme en Belgique, par l'abbé Georges Monchamp. Ouvrage couronné par l'Académie Royale de Belgique (10 mai 1886). Bruxelles, Hayez, 1886. Extrait du tome XXXIX des Mémoires Couronnés par l'Académie. Voir la table des noms propres au mot ,, Tacquet “. 3) Les Correspondants Belges du grand Huygens, par l'abbé Georges Monchamp. Lecture faite en séance de la Classe des Lettres de l'Académie Royale de Belgique, le 5 février 1894. Bruxelles, Hayez, 1894. Extrait du Bulletin de l'Académie Royale de Belgique, 3e série, t. XXVII. Voir notamment pp. 291-298. 4) Le P. François van der Mersch naquit à Ypres, le 24 juillet 1608, et entra dans la Compagnie de Jésus au noviciat de Malines, le 7 octobre 1627. Ordonné prêtre le 9 avril 1639, il fut recteur du Collège de Bergue-Saint-Winoc (1644-1647), puis missionnaire en Hollande. Il fut ensuite recteur du Collège d'Anvers, du 28 mars 1658 au 17 novembre 1661; il retourna ensuite en Hollande, où il mourut presque dès son arrivée, le 26 décembre 1661. Renterghem 1), Provincial de Flandre-Belgique, et est écrite d'une plume très émue. Le Recteur a passé la nuit au chevet de son subordonné et vient de recueillir son dernier soupir. Rien du style officiel, raide, bref et froid qu'ont souvent les lettres mortuaires de ce genre. On sait que ces lettres se conservent en grand nombre aux Archives Générales. Ce n'est pas une perte ordinaire que le Collège vient de faire ; c'est le savant en vue, qui était l'honneur de la maison, mais c'est aussi le religieux, qui par son caractère jovial, pieux et un peu enthousiaste, faisait le charme de la communauté. La lettre du P. van der Mersch est écrite sans le moindre apprêt et même avec une certaine négligence, qui la rend par moments difficile à traduire si l'on cherche à serrer le texte de près; mais elle est vivante. La voici telle quelle en entier, sans l'interrompre par des éclaircissements. Je reviendrai ensuite sur quelques-uns des faits qu'elle raconte, en tâchant de les préciser et de les compléter. C'est, bien entendu, un document qui n'a pas la prétention d'un morceau de littérature : van der Mersch eût été fort surpris, si on lui avait dit qu'il serait un jour publié 2). Révérend Père dans le Christ. .. La paix de N.-S. „Le troisième mois de l'Ordre (le 3e mois scolaire) a été funeste pour ce collège. Il nous a enlevé cette nuit, pour le transporter au Ciel, nous l'espérons, le P. André Tacquet, qui avait reçu à temps tous les Sacrements de l'Église en présence des Pères et des Frères. „Né à Anvers, l'an 1611 3), il était entré dans la Compagnie en 1629 et avait fait la profession des quatre væux, le 1er novembre 1) Jean-Baptiste van Renterghem naquit à Anvers, le 23 juin 1606, et entra au noviciat de Malines, le 5 octobre 1623. Ordonné prêtre, le 7 avril 1635, il fut quatre ans missionnaire en Hollande, recteur du Collège de Bruges (avril 1653avril 1656), deux fois recteur du Collège de Louvain (1 août 1646-10 août 1650 et 12 janvier 1662-28 mars 1666), provincial de Flandre-Belgique (24 août 16578 novembre 1661), recteur du 3e an de probation à Lierre (9 mai 1664-...1669). Envoyé enfin à la Maison professe d'Anvers, il y mourut le 6 novembre 1681. 2) Archives jésuitiques. Provinces Flandre-Belgique, no 1477. La signature seule est autographe, le reste de la pièce est de la main d'un secrétaire. Ceci s'explique aisément par le fait que la lettre mortuaire s'envoyait à toutes les maisons de la Province. 3) Je crois cette date erronée. La plupart des documents le font naitre en 1612. temps qu'il passa dans la Compagnie fut en partie employé à étudier les Mathématiques, mais surtout à les enseigner, à Louvain et à Anvers, tant aux Nôtres qu'aux étrangers. Il le fit avec autant de succès que d'honneur pour la Compagnie, et compta des élèves bien formés recrutés dans la noblesse de Pologne, de Bohême, d'Allemagne, de France et d'autres nations. La réputation de son savoir le mit plus d'une fois en relations épistolaires avec les principaux mathématiciens de l'Europe, qui le consultaient sur des matières relatives à leur science. Les supérieurs de Rome et de Belgique le stimulaient à écrire, et il se préparait à publier un ouvrage remarquable, encore inédit, qui s'étendait à cette science tout entière. Il y avait préludé en mettant au jour divers opuscules sur la même matière. Dans leurs Préfaces, il manifestait toujours qu'il n'avait en vue qu'un seul but : diriger le cæur et l'esprit du lecteur vers Celui qui a tout fait avec nombre, poids et mesure. „Durant le cours entier de sa vie, il joignit la piété à la science. De sa jeunesse à son dernier soupir, son innocence et la délicatesse de sa conscience restèrent immaculées et à l'abri de toute espèce de souillure. Dès avant son entrée dans la Compagnie; son visage reflétait la candeur et la beauté virginale de son âme. Ses proches parents attestaient la supériorité de son talent. On ne le rencontrait qu'à l'Église et à l'École, fuyant dans les réunions toute mauvaise compagnie et tout ce qui avait l'apparence du vice. Une conduite si irréprochable dans le monde faisait prévoir ce que serait sa vie religieuse. Il y montra toujours et avant tout le plus grand zèle pour la méditation, qu'il préparait soigneusement dès la veille. A plusieurs reprises, il avoua ingénuement qu'il ne l'avait jamais écourtée en rien ; qu'il n'aurait pu s'endormir tranquille sans l'avoir faite, quel que fut d'ailleurs son état de santé. Pour s'y unir le matin plus intimement à Dieu, il avait soin, la veille, à partir du signal des Litanies 1), de rejeter loin de lui toute préoccupation, toute pensée d'étude ou d'autres affaires. Pendant la journée, il entretenait de temps en temps le feu allumé dans la méditation du matin par de longues prières devant le Saint Sacrement. Elles le reposaient, et pour y vaquer il interrompait fréquemment son travail à certaines heures fixées d'avance. 1) Les Litanies des Saints, qui se récitaient après la récréation du soir. |