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D'où GIRARD déduit immédiatement la règle suivante pour résoudre l'équation

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dans tous les cas. Quand on en a déterminé une première racine (ce qu'il regardait, sans le dire, comme toujours possible puisqu'il connaissait la règle de Stevin), on détermine les deux autres racines x, et xz par l'application de la deuxième partie de son théorème, en posant (4)

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Ces racines étaient par conséquent données, dit-il, par l'équation du second degré

X'=-2,X-9
-

*

Revenons à Stevin qui m'a amené à cette digression. Il n'a certainement pas connu le théorème d'ALBERT GIRARD. Il n'a pas davantage entrevu la solution trigonométrique du cas irréductible. Dans ces conditions, malgré toute l'admiration que j'éprouve pour mon grand compatriote, je n'oserais affirmer qu'il était en possession d'une règle sûre pour en calculer les trois racines dont, je l'ai suffisamment répété, il convaissait l'existence.

V. L'Analyse infinitésimale (?).

Mais mon article prend des proportions'inquiétantes. Je l'abrège en passant sous silence les découvertes de STEVIN en Géométrie pure. OHASLES a fait connaître les principales d'entre elles dans son célèbre Aperçu historique (). Terminons

(1) Invention Nouvelle, voir notamment, f.° D2, v°.

( J'ai traité ce sujet dans Sur quelques exemples de la Théorie des limites chez Simon Stevin. A. S. B., t. XXXVII, 1912-13, 2e part., pp. 171199; article que j'ai résumé ensuite dans L'Analyse infinitésimale chez Simon 89 vin. M., t. XXXVII, 1923, pp. 12-18, 55-62 et 105-109.

(3) 3o édition, Paris, Gauthier-Villars, 1889. Voir le mot Stovin dans la Taclb des noms propres.

donc par un mot sur les méthodes infinitésimales dir géomètre brugeois.

Elles sont beaucoup moins connues que les progrès dûs à Stevin dans d'autres domaines, et pour cause. C'est que d'une part elles sont surtout importantes par l'antiquité de leur date de 1596, et que d'autre part elles furent publiées en flamand, ce qui les rendit comme non avenues pour tous les géomètres étrangers aux Pays-Bas. Stevin les donna dans la première édition de sa mécanique. Celle-ci parut sous la forme de trois fascicules in-4° intitulés respectivement De Beghinselen der Weeghconst, De Weeghdaet, De Beghinselen des Waterwichts, c'est-à-dire, Eléments de Siatique, Statique appliquée, Eléments d'Hydrostatique. Ils virent le jour « Tot Leyde, in de Drukkerye van Christoffel Plantijn, By François Van Raphelingen ». (A Leyde, dans l'Imprimerie de Christophe Plantin, chez François Van Raphelingen). On rencontre parfois ces fascicules séparément, mais ils forment les trois parties d'un même ouvrage ().

GIRARD les traduisit sous le nom d'Art Pondéraire (3), mais j'ai déjà dit que c'est loin d'être ce qu’il a fait de meilleur. Les coupures, dont j'ai parlé au commencement de ce travail, y sont parfois particulièrement maladroites. Je traduirai donc, dans mes citations, l'original flamand.

STEVIN trouva la Statique dans l'état où l'avait laissée ARCHIMÈDE. Outre les écrits du Syracusain, il ne se réclame que du Liber de Centro Gravitatis Solidorum de COMMANDINO (3). Or ce n'est pas à des lecteurs italiens qu'il faut rappeler que le géomètre d'Urbin cherche à y reconstituer un traité perdu d'ARCHIMÈDE, et que par conséquent il se fait un mérite de calquer ses démonstrations sur celles de son modèle, voire d'en imiter le style le mieux possible.

Or, l'Analyse infinitésimale d'ARCHIMÈDE et de ComMANDINO repose tout entière sur la méthode indirecte de la réduction à l'absurde. STevin la remplace systématiquement par la méthode directe des limites. C'est le premier progrès

(1) Pour plus de détails, voir ma notice sur Stevin, dans B. N. B., citée ci-dessus.

(2) Oeuvres, t. II, pp. 433-520.
(3) Bononiae. Ex officina Alexandri Benacii, MDLXV.

sérieux qui ait été imprimé à l'Analyse infinitésimale depuis les Grecs. Pour préciser en quoi il consiste, rien ne vaut un exemple. Afin de faciliter la comparaison des deux méthodes, je choisis le théorème XIII du premier livre de l'Equilibre des plans par ARCHIMÈDE. Elle a pour but de prouver que le centre de gravité du triangle est sur la médiane. L'auteur en donne deux démonstrations, dont la première va nous servir de point de comparaison. Elle est si connue qu'il me paraít superflu de la transcrire (4). Voici celle de STEVIN. Il s'agit chez lui du théorème II du second livre des Beghinselen der Weeghconst (*). Peut-être n'est-il pas hors de propos de rappeler de nouveau que STEVIN est Euclidien dans la forme de ses démonstrations. On trouvera donc dans celle qui suit, la Protase, l'Ecthèse, la Construction, la Démonstration et la Conclusion.

« THÉORÈME II. PROPOSITION II. - Le centre de gravité de tout triangle est sur la ligne menée d'un sommet au milieu du côté opposé.

« Donné. Soit ABC un triangle quelconque, dans lequel la ligne AD est menée de l'angle A au milieu du côté BC.

« Demande. Nous devons démontrer que le centre de gravité est sur la ligne AD.

« Construction. Menons EF, GH, IK parallèles à BC, coupant AD en L, M, N; ensuite EO, GP, IQ, KR, HS, FT parallèles à AD ». Sans le dire, STEVIN suppose que les parallèles EF, GH, IK, sont équidistantes, et que EF

K est la plus rapprocchée de la base BC. O'est ce qui ressort de la figure qui accompagne le texte.

« DÉMONSTRATION. - Puisque EF est parallèle à BC et EO, FT, à LD, il s'ensuit que EFTO est un parallélogramme, dont EL est égal à LF, ainsi que OD, à DT. Par

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A

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H

E

L

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T

(1) On la trouve, soit dans les Archimedis Opera omnia... iterum edidit J. L. Heiberg, t. II, Leipzig, Teubner, 1913, pp. 150-155; soit dans Les Oeuvres d'Archimède traduites du Grec en Français, par Paul Ver Eecke, Paris et Bruxelles, Desclée, Do Brouwer, 1921, pp. 316-318.

(2) Pp. 67-68. Relativement assez bien traduit dans Oeuvres, t. II, p. 458.

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conséquent le centre de gravité du quadrilatère EFTO est sur la ligne DL, d'après la première proposition de ce livre.

« Par le même raisonnement, le centre de gravité du parallélogramme GHSP sera en LM, et celui de IKRQ en MN, et par conséquent le centre de gravité de la figure IKRHSFTOEPGQ formée par les trois susdits quadrilatères sera sur la ligne ND ou AD.

« Or, comme on a inscrit ici trois quadrilatères, ainsi pourrait-on inscrire indéfiniment de pareils quadrilatères, et le centre de gravité de la figure inscrite sera toujours sur AD, par le même raisonnement.

« Mais, plus il y a de quadrilatères, moins la figure inscrite formée par ces quadrilatères diffère du triangle ABC ; car si on menait des parallèles à BC par les milieux de AN, NM, ML et LD, la nouvelle figure formée (en achevant les parallélogrammes) ne différera du triangle que précisément de la moitié de la différence de la figure précédente (et du triavgle). Nous pouvons donc inscrire dans le triangle une figure de ce genre qui s'en approchera indéfiniment, de mavière que la différence soit moindre qu'une surface donnée, si petite qu'elle soit.

« D'où il s'ensuit que prenant AD pour diamètre de gravité, la pesanteur de la partie ADC différera moins de la pesanteur de la partie ADB qu'aucune surface qu’on sanrait donner, si petite soit-elle.

« D'où j'argumente ainsi :

« A. Lorsque deux pesanteurs diffèrent, on peut trouver une pesanteur moindre que leur différence.

« 0. Aux pesanteurs ADC, ADB on ne peut trouver de pesanteur moindre que leur différence.

« 0. Les pesanteurs ADC, ADB ne diffèrent donc pas.

* Donc AD sera diamètre de gravité et par conséquent le centre de gravité du triangle y sera.

« Conclusion. Donc dans tout triangle le centre de gravité est sur la ligne menée d'un angle au milieu du côté opposé.

« Ce que nous devions démontrer ».

La Mécanique de STEVIN contient plusieurs démonstrations du même genre et d'autres dans lesquelles la théorie des limites intervient d'une manière plus remarquable encore. L'auteur avait la pleine conscience de la nouveauté de sa méthode et de sa valeur démonstrative. Je n'en veux d'autre preuve que les trois lettres A, 0, 0, mises en tête des propositions du syllogisme final. Stevin s'y coforme au jargon de l'Ecole et veut signifier par là que, malgré son étrange nouveauté, son raisonnement est en Baroco, l'une des formes du syllogisme reconnues comme correctes.

Les historiens des mathématiques français font grand état d'une parole de LEIBNIZ avouant ce qu'il doit à PASCAL dans ses recherches d'Analyse infinitésimale. Loiu de moi de vouloir ipsinuer qu'ils aient tort. J'ai au contraire tâché de préciser dans mon étude sur l'Oeuvre mathématique de Blaise Pascal (4), ce que le géomètre allemand a emprunté au juste au géomètre français. Dans un autre article, La notion des Indivisibles chez Blaise Pascal (*) j'ai en outre indiqué le genre d'emprunts que le Clermontois a faits au Jésuite anversois ANDRÉ TACQUET (8), qu'il reconnaît avoir lu.

Quant à TACQUET lui-même, il fit ses études mathématiques à Louvain, sous GUILLAUME BOELMANS, l'un des plus brillauts élèves de GRÉGOIRE DE SAINT-VINCENT (*). Ni TacQUET, ni BOELMANS, ne créèrent de méthodes infinitésimales nouvelles. Ils s'assimilèrent celles de GRÉGOIRE et en firent des applications heureuses.

Il en va tout autrement de ce dernier et de l'immortel Livre VII de son Problema Austriacum (6). On y trouve une méthode infinitésimale, un peu plus lourde que celle de son contemporain CAVALIERI, mais qui a d'autre part le mérite d’être rigoureuse. Or, SAINT-Vincent connaissait la Statique de Stevin. Il le dit formellement, quoique d'une manière allégorique, dans la figure qui accompagne la VII® thèse de ses Theoremata Mathematica Scientiae Staticae édités à Lon

(4) R. Q. S., t. LXXXV, 1924, pp. 130-161 et 424-451.

(3) Archivio di Storia della Scienxa, t. IV, Roma, Casa editrice Leonardo da Vinci, 1923, pp. 369-379.

(3) Voir ma notice: Le Jésuite mathématicien auversois André Tacquet, publiée dans le Compas d'or. Bulletin de la Société des Bibliophiles anversois, t. III, Anvers, Hielenalen; La Haye, M. Nijhoff, 1925, pp. 63-87.

(“) J'ai donné sa Notice dans B. N. B., t. XXI, 1911, col. 141-171. (5) Antverpiae, apud Joannem et Jacobum Meursios, Anno MDCXLVII.

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