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les conséquents des rapports qui alors intervenaient encore dans les énoncés des théorèmes de mesure. EUCLIDE continuait à régner en maitre, et l'auteur des Éléments n'abrège jamais ses phrases par des formules conventionnelles. Le mot elliptique de mesure employé par GIRARD fera cependant fortune.

"Corde et flesche d'un arc sont choses cogneues... (mais)... faut sçavoir que Verset et Flesche different grandement ».

En faisant cette réflexion, GIRARD ne nomme pas ici STEVIN. C'était cependant une critique directe à son adresse. Plus tard, quand notre auteur rééditera les Euvres du Brugeois, il sera moins réservé. Dans ses Mémoires Mathématiques de 1605-1608, STEVIN avait employé le mot Flêche dans deux sens différents, tantôt dans celui de Flêche d'un are proprement dite, tantôt dans celui de Sinus verse. Cela prêtait à l'équivoque. En rééditant les Mémoires, GIRARD signale ce défaut par une note ajoutée au texte.

« ALBERT GIRARD. L'auteur et aussi le premier traducteur (c'était, on le sait, JEAN TUNING, Secrétaire du prince Henri, comte de Nassau) avoyent escrit Flesche de sinus et aucune fois Flesche, au lieu de Versé qu'on appelle en latin Sinus versus, tellement que j'ay corrigé ce nom tout partout, (1) et cela, explique-t-il sur une figure, pour éviter les confusions.

Je ne dirai rien des Tables elles-mêmes, si ce n'est qu'elles donnent les six lignes, calculées au rayon 105, de minute en minute pour tous les degrés du premier quadrant. Une même colonne lue, suivant le cas, tantôt de bas en haut, tantôt du haut vers le bas, sert à la fois, comme aujourd'hui, pour deux lignes complémentaires.

Après la Table des lignes, vient la Trigonométrie. Elle a en tête un nouveau titre :

« Traicté succinct de la Trigonométrie. Et premièrement des Triangles rectilignes, par ALBERT GIRARD, Mathematicien ».

« Les subjects de ceste matiere sont tant seulement la ligne droite et l'angle, notifiez et supputez icy par les nombres; car ilz peuvent estre resolus par le compas, eschelle et rapporteur. Et seroit de besoing de voir prealablement la Disme à cause de sa facilité. Or, l'Arithmetique de STEVIN (depuis nagueres r'imprimée) en donne suffisante information ».

Réclame peut-être intéressée, en faveur de cette Arithmétique, dont GIRARD venait, en 1625, de donner une nouvelle édition, chez les Elzevier de Leyde.

(1) Euvres, t. II, p. 2.

L'Introduction à la Trigonométrie ne contient que quelques conseils pratiques, sans rien nous dire de la théorie élémentaire des fonctions circulaires. L'auteur la suppose connue. Au surplus, il n'écrit pas pour des débutants. C'est exceptionnellement qu'il ébauche une démonstration. Il s'adresse à des hommes de métier, bien au courant de la science, et son but est visiblement de leur fournir un aide-mémoire contenant à l'occasion des formules neuves plus pratiques que celles auxquelles ils sont habitués. De là quelques avis utiles et de bon sens. Par exemple : il ne faut pas embarrasser le lecteur en lui proposant des problèmes dont les données numériques sont incompatibles. Il en prend occasion pour blâmer VALENTIN MENNHER (1), Géomètre jadis en renom aux Pays-Bas, qui était tombé dans ce travers.

Trois termes, c'est-à-dire, trois conditions, suffisent pour déterminer un triangle. A ceux qui lui objectent que trois angles n'y suffisent pas, il risposte « Je repondrai que les trois angles donnez ne valent que deux termes, car le troisiesme se cognoit par les deux ».

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Il tombe ici dans un vice de méthode par lequel il pêche souvent : celui d'employer un mot qu'il ne définit qu'après coup. C'est ce qui lui arrive pour le mot terme dont il ne donne le sens que plus loin: « J'appelle terme tant les costez que les angles du triangle lequel en a 6 ».

La Trigonométrie rectiligne débute par trois règles.

« I. Reigle. Au triangle rectangle la racine quarrée de la somme des quarrez des deux costez qui font l'angle droict, est l'hypoténuse d'iceluy.

» II. Reigle. En tout triangle le sinus d'un angle a telle raison au costé opposite, que le sinus d'un autre angle a son costé opposite. Et au contraire, (nous dirions, et réciproquement).

(1) VALENTIN MENNHER naquit à Kempten en Bavière et mourut probablement en 1573. Vers le milieu du xvIe siècle, il était établi comme maître d'Arithmétique à Anvers. C'est tout ce qu'on sait de sa vie.

MENNHER a laissé de nombreux ouvrages, devenus des raretés bibliographiques, auxquelles la Bibliotheca Belgica, par le Bibliothécaire en chef et les conservateurs de la Bibliothèque de l'Université de Gand, a consacré une étude importante (1° sér. t. XX, Gand, Corneille Vyl, La Haye, Martinus Nijhoff, 1880-1890, Au mot MENNHER).

MENNHER mérite d'être nommé dans l'histoire de l'Arithmétique, mais il tient une place importante dans celle de la Comptabilité et de la Tenue des Livres. Je dois me borner à cette indication. Pour plus de détails. voir: VALENTIN MENNHER und ANTICH ROCHA. Ein Beitrag zur Geschichte der Buchhandlung von KARL PETER KHEIL. Prag, Bursik und Kohout,

» III. Reigle. Les trois costez estans cogneux, on peut cognoistre aisement les segmens du costé majeur, causez par la descente de la perpendic. sur iceluy, de l'angle qu'il soutient ».

GIRARD limite la règle au plus grand des côtés du triangle pour éviter des difficultés de signes et être certain que le pied de la hauteur ne tombera pas sur le prolongement du côté. C'est cette restriction apportée à la règle qui explique les précautions qu'il se croit parfois obligé de prendre dans son application.

Soient a, b, c, les trois côtés du triangle, et a le plus grand; b' la projection de b sur a. L' Operation» ou exemple numérique qui suit, L'« nous apprend que b' est donné par

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La trigonométrie rectiligne se résume en un problème unique :

Les trois termes d'un triangle estans cogneux trouver les trois autres restans ".

Mais ce problème comprend quatre cas.

I. Cas. Les angles et un costé cogneux ”.

Appliquez la deuxième règle ou loi de la proportionnalité des sinus des angles aux côtés opposés.

« II. cas. Deux costez et un angle qu'ils ne comprennent ".

C'est le cas nommé aujourd'hui Cas douteux. GIRARD ne regarde le problème comme bien posé que si le côté opposé à l'angle connu n'est pas le plus petit. S'il est au contraire le « moindre », il faut une « détermination, supplémentaire, c'est-à-dire, qu'« il faut cognoistre l'espece de l'angle soutenu du majeur costé donné ».

La solution ne diffère pas essentiellement de celle qui est encore en usage.

« III. Cas. Deux costez et l'angle qu'ils comprennent cogneux ».

Trois solutions. 1° De l'extrémité du plus petit côté donné abaisser une perpendiculaire sur le plus grand, et calculer les éléments des deux triangles rectangles ainsi formés.

2o Autre Operation pour trouver les angles incontinent.

» Comme la somme des costez donnez à leur differense, ainsi la tangente de la moitié de la somme des angles incognus, à la tangente de la moitié de la difference des mesmes ".

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Proportion restée classique et qui marquait une date dans l'histoire de la trigonométrie. On la devait à THOMAS FINK de Flensburg, qui la donna en 1583, dans sa Geometria rotundi (1). FINK revendique en termes exprès l'honneur de l'avoir trouvée et on ne saurait le lui contester. La formule fit d'ailleurs sensation; son succès fut immédiat et elle prit aussitôt place dans les principaux manuels de trigonométrie.

3o Encore une autre operation nouvelle de mon invention, pour trouver incontinent le costé incogneu sans mener de perpendiculaire, n'y trouver les angles prealablement comme on acoustumé de faire jusques à present; et vient tres souvent en usage ».

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GIRARD semble, non sans raison, assez fier d'avoir inventé cette formule, qui sera encore plus pratique dans le quatrième cas que dans celui-ci. Pour apprécier les difficultés que présentaient alors les transformations des formules trigonométriques, il ne faut pas oublier qu'elles se faisaient encore presque toujours sur des figures par des constructions géométriques. Si le grand algébriste qui devait quelques années plus tard publier

(1) THOMAE FINKII Flenspurgensis Geometria rotundi Libri XIIII ad Fredericum secundum serenissimum Daniae et Norvegiae regem Basileae, per Sebastianum Henriepetri.

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Sans date au titre, mais à la dernière page: Basileae, par Sebastianum Henricpetri, anno salutis humanae M.D.LXXXIII, mense augusto; pp. 291295. (Bibl. Roy. de Belg.).

J'ai consacré une note historique à la formule de THOMAS FINK, dans mon édition du Traité des Sinus de MICHEL COIGNET, publié dans A.S.B. t. XXV, 1900-1, 2e partie. Mon mémoire y a une double pagination; je m'en tiens à celle qui lui est propre et qui est en même temps celle des tirés à part. La note actuelle se trouve pp. 25-29.

Je désignerai en abrégé mon mémoire par le mot COIGNET.

l'Invention nouvelle en Algebre substitue peut-être déjà aux démonstrations par la règle et le compas, l'algorithme de VIETE, il se garde de le dire. Mais il ne faut pas oublier que la Géométrie de DESCARTES est de 1637. L'idée de cette substitution n'avait pas encore été lancée par le monde et GIRARD ne se trompait pas en croyant que sa formule aurait du prix aux yeux de ses comtemporains.

" IV. Cas. Les trois costez donnez ».

Deux solutions. 1° « On peut faire une perpendiculaire sur le plus grand costé; puis cercher les segmens de la susdite base, par la troisiesme reigle premise. Alors on aura deux triangles rectangles dont l'un cogneu, l'autre sera facil à cognoistre ».

2° Autre operation nouvelle sans mener de perpendiculaire.

» Après avoir choisi lequel des angles je veux cognoistre, j'appelle base sa soutendente; du quarré de laqulle je soustraict le quarré de la différence des costez, et joins au reste autant de zéro qu'il y en a au raid; ce qu'estant divisé par le double produit des costez, alors le quotient sera le verset de l'angle requis ".

Algébriquement

sin. vers C

[c2 - (a - b)2] R
2ab

C'est la formule donnée dans la troisième solution du cas précédent. Vient ensuite : "Des triangles rectangles en particulier par les tang. et secun. ».

GIRARD y donne cette règle :

En tout triangle rectangle, l'un des costez comprenant l'angle droit estant pris pour le raid, alors l'autre costé sera la tangente et l'hypotenuse la secante, le tout de l'angle opposite à la tangente ».

"Fin des triangles rectilignes n.

Après cela et avant la trigonométrie sphérique, un court appendice « Des Polygones reciilignes en général » contient sept propositions sans grand intérêt.

Des Triangles Spheriques ».

On le sait, EUCLIDE n'a pas donné la théorie des triangles sphériques. GIRARD commence donc par énoncer 20« Principes », évidemment destinés à combler en partie cette lacune des Éléments. Quelques-uns de ces principes sont des théorèmes élémentaires qui ont continué à figurer

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