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conséquent le centre de gravité du quadrilatère EFTO est sur la ligne DL, d'après la première proposition de ce livre. << Par le même raisonnement, le centre de gravité du parallelogramme GHSP sera en LM, et celui de IKRQ en MN, et par conséquent le centre de gravité de la figure IKRHSFTOEPGQ formée par les trois susdits quadrilatères sera sur la ligne ND ou AD.

< Or, comme on a inscrit ici trois quadrilatères, ainsi pourrait-on inscrire indéfiniment de pareils quadrilatères, et le centre de gravité de la figure inscrite sera toujours sur AD, par le même raisonnement.

« Mais, plus il y a de quadrilatères, moins la figure inscrite formée par ces quadrilatères diffère du triangle ABC; car si on menait des parallèles à BC par les milieux de AN, NM, ML et LD, la nouvelle figure formée (en achevant les parallelogrammes) ne différera du triangle que précisément de la moitié de la différence de la figure précédente (et du triangle). Nous pouvons donc inscrire dans le triangle une figure de ce genre qui s'en approchera indéfiniment, de manière que la différence soit moindre qu'une surface donnée, si petite qu'elle soit.

« D'où il s'ensuit que prenant AD pour diamètre de gravité, la pesanteur de la partie ADC différera moins de la pesanteur de la partie ADB qu'aucune surface qu'on saurait donner, si petite soit-elle.

« D'où j'argumente ainsi :

« A. Lorsque deux pesanteurs diffèrent, on peut trouver une pesanteur moindre que leur différence.

« O. Aux pesanteurs ADC, ADB on ne peut trouver de pesanteur moindre que leur différence.

<< O. Les pesanteurs ADC, ADB ne diffèrent donc pas. << Donc AD sera diamètre de gravité et par conséquent le centre de gravité du triangle y sera.

< Conclusion. Donc dans tout triangle le centre de gravité est sur la ligne menée d'un angle au milieu du côté opposé.

« Ce que nous devions démontrer ».

La Mécanique de STEVIN Contient plusieurs démonstrations du même genre et d'autres dans lesquelles la théorie des limites intervient d'une manière plus remarquable encore.

L'auteur avait la pleine conscience de la nouveauté de sa méthode et de sa valeur démonstrative. Je n'en veux d'autre preuve que les trois lettres A, 0, 0, mises en tête des propositions du syllogisme final. STEVIN s'y conforme au jargon de l'Ecole et veut signifier par là que, malgré son étrange nouveauté, son raisonnement est en Baroco, l'une des formes du syllogisme reconnues comme correctes.

Les historiens des mathématiques français font grand état d'une parole de LEIBNIZ avouant ce qu'il doit à PASCAL dans ses recherches d'Analyse infinitésimale. Loin de moi de vouloir insinuer qu'ils aient tort. J'ai au contraire tâché de préciser dans mon étude sur l'Oeuvre mathématique de Blaise Pascal (1), ce que le géomètre allemand a emprunté au juste au géomètre français. Dans un autre article, La notion des Indivisibles chez Blaise Pascal (2) j'ai en outre indiqué le genre d'emprunts que le Clermontois a faits au Jésuite anversois ANDRÉ TACQUET (3), qu'il reconnaît avoir lu.

Quant à TACQUET lui-même, il fit ses études mathématiques à Louvain, sous GUILLAUME BOELMANS, l'un des plus brillants élèves de GRÉGOIRE DE SAINT-VINCENT (). Ni TACQUET, ni BOELMANS, ne créèrent de méthodes infinitésimales nouvelles. Ils s'assimilèrent celles de GRÉGOIRE et en firent des applications heureuses.

Il en va tout autrement de ce dernier et de l'immortel Livre VII de son Problema Austriacum (5). On y trouve une méthode infinitésimale, un peu plus lourde que celle de son contemporain CAVALIERI, mais qui a d'autre part le mérite d'être rigoureuse. Or, SAINT-VINCENT connaissait la Statique de STEVIN. Il le dit formellement, quoique d'une manière allégorique, dans la figure qui accompagne la VII thèse de ses Theoremata Mathematica Scientiae Staticae édités à Lou

(1) R. Q. S., t. LXXXV, 1924, pp. 130-161 et 424-451.

(2) Archivio di Storia della Scienza, t. IV, Roma, Casa editrice Leonardo da Vinci, 1923, pp. 369-379.

(3) Voir ma notice: Le Jésuite mathématicien anversois André Tacquet, publiée dans le Compas d'or. Bulletin de la Société des Bibliophiles anversois, t. III, Anvers, Hielenalen; La Haye, M. Nijhoff, 1925, pp. 63-87.

(*) J'ai donné sa Notice dans B. N. B., t. XXI, 1911, col. 141-171. (*) Antverpiae, apud Joannem et Jacobum Meursios, Anno MDCXLVII.

vain, en 1624, chez HENRI HASTENIUS (1). GRÉGOIRE était flamand et même brugeois comme STEVIN; impossible qu'il n'ait pas entendu parler d'un ouvrage aussi fameux dans les Pays-Bas que celui de son compatriote. Mais, il y a plus, il suffit de comparer les ouvrages de STEVIN et de GRÉGOIRE pour constater que le second a étudié à fond le premier, qu'il s'est mis à son école et s'est inspiré de ses méthodes.

On peut donc, sur une première route, et c'est ce qui me paraît intéressant, marquer toutes les étapes de la marche du Calcul infinitésimal d'ARCHIMÈDE à LEIBNIZ, savoir: ARCHIMÈDE-COMMANDINO, STEVIN, SAINT-VINCENT, BOELMANS, TACQUET, PASCAL, LEIBNIZ.

Mais cette route n'était pas la seule et j'ai hâte d'en venir à CAVALIERI qui s'en tient à l'écart. C'est que le Calcul infinitésimal était alors dans l'air » comme se plaisait à dire PAUL TANNERY. Or, quand une théorie mathématique est dans l'air », vingt exemples de l'histoire prouvent que des découvertes, même importantes, se font souvent simultanément et sans concert préalable par plnsieurs savants. Pour peu que nous regardions autour de nous, nous en verrions encore journellement des exemples.

J'avouerai tout de suite, que faute de documents à ma portée, je puis moins bien marquer les étapes de la route ARCHIMÈDE, CAVALIERI, LEIBNIZ. Dans sa Préface, l'auteur de la Geometria indivisibilibus continuorum nova quadam ratione promota (2) se réclame de deux noms, KEPLER et LUCA VA

LERIO.

KEPLER connaissait-il la Statique de STEVIN? C'est probable et on en a des indices qui ne vont pas toutefois jusqu'à la preuve positive. La langue dans laquelle était écrite la Statique ne pouvait guère l'embarrasser, car à la fin du XVI° siècle, l'allemand et le flamand différaient encore moins entre eux que de nos jours. Mais quand on rapproche la Statique de la Stereometria Doliorum (3) on

(1) Voir ma note Sur les thèses de Statique de Grégoire de Saint-Vincent, A. S. B., t. XLIV, 1924, 1o part., pp. 17-22.

(2) Je n'ai sous la main que la deuxième édition, Bononiae, ex typographia de Duciis, MDCLIII.

(3) Joannis Kepleri Astronomi Opera omnia edidit Ch. Frisch, t. IV. Frankofurti ad M. et Erlangae, Heyder et Zimmer, 1863, pp. 547-646.

constate facilement que leurs méthodes infinitésimales ne se ressemblent pas. Jusqu'à meilleure information, je crois que KEPLER s'est formé directement dans ARCHIMÈDE.

Restent les De centro gravitatis solidorum libri tres de LUCA VALERIO; petit volume à tort bien oublié! CAVALIERI lui a fait plus d'emprunts qu'on ne serait porté à le croire.

C'était avant la guerre que je découvris un jour à la Bibliothèque de l'Université de Louvain, l'exemplaire qui avait appartenu à GRÉGOIRE de SAINT-VINCENT. J'en pris occasion pour faire des méthodes de VALERIO l'objet d'une Note que je présentai à la Société Scientifique de Bruxelles (). VALERIO ne me paraît pas avoir connu STEVin. SAINT-VINCENT, à n'en pas douter, a lu VALERIO, mais s'en est peu inspiré. C'est sur CAVALIERI que le géomètre italien a surtout imprimé sa marque. Mais c'est là un point de vue que je n'ai pu qu'effleurer dans mon étude. LUCA VALERIO mériterait néanmoins à bien des égards d'être tiré de l'oubli (); mais je suis mal en mesure pour le faire, la meilleure partie de la documentation dont je disposais ayant péri dans l'incendie de Louvain. Le sujet ne pourrait-il tenter quelque jeune historien des mathématiques italien?

Bruxelles, Collège Saint-Michel.

H. BOSMANS S. J.

(4) Les Démonstrations par l'Analyse infinitésimale chez Luca Valerio. A. S. B., t. XXXVII, 1912-13, 2o part., pp. 211-228.

(2) Cfr. l'art. di CHISINI nel vol. II delle « Questioni » riguardanti le matematiche elementari raccolte ed ordinate da F. ENRIQUES. (N. d. R.).

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