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L

PRÉFACE

A source principale de nos connaissances relatives aux mathématiques égyptiennes est le fameux papyrus acheté jadis en Egypte par l'Anglais Rhind, dont il porte le nom. Il se conserve aujourd'hui au British Museum. Signalé au public, dès 1867, par Lenormant, dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, il fut édité, traduit et commenté par Eisenlohr en 1877. Dans ce travail, le professeur de l'Université d'Heidelberg avait été puissamment aidé par son collègue, Maurice Cantor, l'historien bien connu des mathématiques. Malgré la légitime admiration que la publication d'Eisenlohr suscita dans le monde savant, une entreprise de pareille difficulté ne pouvait être du premier coup parfaite. Aussi, de prime abord, souleva-t-elle de multiples problèmes, qui firent naître de nombreux mémoires, dans lesquels beaucoup d'erreurs de détail furent signalées et corrigées. Il ne faut pas oublier non plus les progrès rapides et constants de nos connaissances de l'Egypte ancienne dans tous les domaines. M. T. Eric Peet a donc cru le moment venu de mettre ces nouvelles ressources en œuvre, et il nous a donné, en 1923, une réédition du papyrus Rhind avec traduction en anglais et commentaire critique; travail d'une solide érudition, publié avec luxe et dans lequel le texte a été suffisamment élucidé pour qu'on puisse le croire à peu près définitivement établi. Tel que M. Eric Peet nous le donne, le papyrus Rhind est désormais un document mis assez à la portée de tout le monde, pour que l'historien des mathématiques puisse s'en servir sans être lui-même égyptologue, ni se mettre en garde contre l'infidélité possible de la traduction.

C'est au point de vue purement mathématique que s'est placé M. O. Gillain dans son étude sur l'Arithmétique Egyptienne à l'époque du Moyen Empire qu'il me demande de présenter au lecteur. Je n'ai aucune connaissance de la langue des pharaons, et mes études ne m'avaient guère conduit jusqu'ici à m'occuper un peu sérieusement des mathématiques égyptiennes; aussi pourrait-on

peut-être me reprocher d'avoir accepté l'aimable invitation de M. Gillain. Si j'ai eu tort, je m'en excuse, sans grand regret cependant; car j'ai pris tant de plaisir à la lecture de son volume, que je voudrais engager tous ceux qui s'intéressent aux origines de la science mathématique à en prendre connaissance.

I

Les origines de la science mathématique ! Pour éviter les malentendus, plaçons-nous, en en parlant, à un double point de vue : celui de la géométrie et celui de l'arithmétique.

La tradition constante des Grecs était qu'ils devaient la géométrie aux Égyptiens et que ceux-ci l'avaient créée par nécessité, pour obvier aux conséquences des bouleversements causés dans les terres cultivées par les débordements annuels du Nil. Écoutons d'abord le vieil Hérodote 1.

le

« Les prêtres me dirent encore que ce même roi (Sésostris) fit partage des terres, assignant à chaque Egyptien une portion de terrain égale et carrée qu'on tirerait au sort; à la charge néanmoins de lui payer tous les ans une certaine redevance. Si le fleuve enlevait à quelqu'un une partie de sa portion, il allait trouver le roi et lui expliquait ce qui était arrivé. Ce prince envoyait sur les lieux des arpenteurs pour voir de combien l'héritage était diminué, afin de ne faire payer la redevance qu'à proportion du fonds qui restait. Voilà, je crois, l'origine de la géométrie, qui a passé de ce pays en Grèce. »

C'est absolument clair et, de siècle en siècle, sous des formes diverses, la tradition va présenter l'opinion d'Hérodote comme un fait indéniable. Voici, par exemple, en quels termes, septante ans environ avant Jésus-Christ, Diodore de Sicile s'exprimait dans sa Bibliothèque 2:

<< Les Egyptiens se vantent d'être les premiers inventeurs des lettres et les premiers observateurs du cours des astres. Ils assurent aussi que la science de la géométrie, ainsi qu'un grand nombre d'autres, ont pris naissance chez eux. »

1. Histoire d'Hérodote, traduite du grec par Larcher, t. I, Paris, Charpentier, 1856, pp. 182183. Liv. II, ch. 109. Herodoti Historiarum libri. Edidit Henr. Rodolph Dietsch. Editio altera. Curavit H. Kallenberg, Vol. I, Lipsiae, Teubner, 1892, p. 181.

2. Bibliothèque historique de Diodore de Sicile, traduite du grec, par A.-F. Miot. T. I, Paris, Imprimerie Royale, 1834, Liv. I, ch. 69, pp. 140-141. Diodori Bibliotheca historica... Recognovit Fridericus Vogel, t. I, Lipsiae, Teubner, 1878, p. 118.

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