LUDOLPHE VAN CEULEN (1540-1610), par M. H. BOSMANS, S. J. LUDOLPHE VAN CEULEN (1) naquit à Hildesheim, en Hanovre, le 28 janvier 1540, et mourut à Leyde, le 31 décembre 1610. Ses cendres reposent en l'église Saint-Pierre de la ville hollandaise. Les ouvrages de notre géomètre sont pour la plupart signés Van Ceulen. Mais dans le fond du portrait que je reproduis (2), l'artiste à gravé Ludolff Van Collen. On rencontre aussi les orthographes Van Colen et Van Cölen; à la fin du xvie siècle, on n'y regardait pas de si près et les anomalies de ce genre n'étaient pas rares. (1) Au point de vue biographique et bibliographique, le travail le plus complet que je connaisse sur VAN CEULEN est celui que D. BIERENS DE HAAN a donné aux chapitres VII, IX et XVI de ses Matériaux pour l'histoire des sciences mathématiques et naturelles en Hollande (Bouwstoffen voor de geschiedenis der wis- en natuurkundige wetenschappen in de Nederlanden), publié dans les collections de l'Académie d'Amsterdam. (Verslagen en Mededeelingen der koninklijke Akademie van Wetenschappen. Afdeeling natuurkunde. Amsterdam, 2o ser., t. ix, 1876, pp. 322-369; t. x, 1876, pp. 161-178, t. xi, 1878, pp. 118-126). M. NEUBERG en a rendu un compte détaillé dans la Nouv. Corr. Math., (t. IV, 1878, pp. 386-390 et t. v, 1879, pp. 14-18). BIERENS DE HAAN avait déjà donné antérieurement des pages importantes écrites en français sur VAN CEULEN considéré comme calculateur de, dans sa Nolice sur quelques quadrateurs du cercle dans les PaysBas (Bullettino di Bibliografia e di storia delle Scienze matematiche e fisiche de BONCOMPAGNI, t. VII, Rome, 1874, pp. 105-118). A signaler encore dans le même recueil la Notice sur Ludolph Van Ceulen publiée par G.-A. VORSTERMAN VAN OIJEN, avec des notes du prince BONCOMPAGNI (t. 1, 1868, pp. 140-156). (2) C'est celui qui occupe à peu près la moitié de la page-titre du Lvdolphi à Cevlen, De Circulo et Adscriptis Liber. In quo... Omnia e Né d'un père de très modeste condition, LUDOLPHE ne put faire que des études primaires et ignora toujours le latin, ce qui lui pesa pendant tout le cours de son existence. Il combla tant bien que mal cette lacune de sa formation intellectuelle par des prodiges de labeur, de patience et de génie. Ses travaux en Mathématiques, œuvres d'autodidacte, ne ressemblent à ceux d'aucun autre. L'érudition y fait défaut, et parfois l'auteur enfonce des portes largement ouvertes. De plus, sa facilité de calcul lui fait par moment abandonner la voie droite et simple. Mais malgré ce double défaut, il est toujours singulièrement original et intéressant. Pour gagner sa vie, il se fit maître d'escrime et de boxe. Cette profession le mettait en relation avec la haute société et lui permettait de satisfaire son goût pour le calcul; entre deux assauts, en effet, il résolvait de tête, pour ses élèves ou pour leurs parents, les problèmes de banque les plus compliqués, ce qui lui procurait d'ailleurs un supplément de ressources. Mais les Pays Bas étaient évidemment pour lui un champ d'action bien plus favorable que le Hanovre : aussi, il s'y fixa sans esprit de retour. Nous l'y rencontrons établi successivement à Bréda, à Amsterdam, à Delft, à Arnhem et à Leyde. A la fin de sa vie, il occupait une chaire à l'Université de cette dernière ville. L'épitaphe de VAN CEULEN (3) le qualifie de Professor Belgicus", sans doute en souvenir de l'enseignement qu'il donna exceptionnellement en flamand en cette chaire fondée par MAURICE DE NASSAU à cette université: l'usage général était que les cours universitaires se donnassent en latin. L'émigré prit vite les Pays-Bas en affection et ne tarda pas à s'y lier avec les savants les plus en vue, notamment avec deux belges, SIMON STEVIN et ADRIEN VAN ROOMEN ou ROMAIN ainsi qu'avec un hollandais, futur traducteur de ses œuvres, WILLEBRORD SNELLIUS. Ce fut moins par les écrits imprimés de VAN CEULEN, il n'avait encore publié que deux plaquettes d'importance secondaire (4) que par leurs relations person vernaculo Latina fecit et annotationibus illustravit Willebrordus Snellius R. F.Lvgd. Batav. Apud Iodocvm à Colster. Anno 1619. (Ville d'Anvers.) J'en possède un exemplaire. Un autre portrait muni d'une autre inscription se trouve à la page-titre des Arithmetische en geometrische Fondamenten de VAN CEULEN, dont nous parlons plus loin. Je dirai ici, une fois pour toutes, que j'ai eu en mains tous les exemplaires d'ouvrages anciens que je signale dans cet article. (3) Nous la reproduisons à la fin de l'article. (4) Pour le lecteur que la chose intéresserait, voici néanmoins quelques précisions: La Réponse à deux questions géométriques de Guillaume Goudaen nelles avec lui, que ces géomètres surent l'apprécier. Dès 1585, dans la conclusion ou postface de la première édition de son Arithmétique, STEVIN s'exprimait en ces termes à son sujet (5): Attendez avec moi et de bref les Œuvres Mathematiques, que divulguera nostre tros familier maistre LUDOLFF VAN COLLEN; personnage certes (si je puis juger par les experiences de nos continuelles communications en l'Algebre, Incommensurables grandeurs, Centres de gravité et ou de Gouda (1584) ne fut guère remarquée que des mathématiciens hollandais. Ce WILLEM GOUDAEN était un géomètre-arpenteur tapageur et grossier. VAN OEIJEN fait le récit de sa querelle avec Van Ceulen (0. c.). La Brève et claire démonstration de la fausseté d'une nouvelle quadrature du cercle (1585), complétée en 1586, par la Critique et réfutation plus claire.... eurent au contraire leur moment de célébrité à une époque où sévissait, comme l'a dit CATALAN (N. C. M., t. v, p. 14), une véritable épidémie de quadrateurs du cercle. Ces deux brochures sont écrites contre SIMON VAN DER EYCKEN (DUCHESNE ou QUERCU). Voici au long les titres flamands des trois opuscules de VAN CEULEN : Solutie ende Werckinghe Op twee Geometrische vraghen by Willem Goudaen Inde Jaren 1580. ende 83. binnen Haerlem aenden Kerckdeure ghestelt. Mitsgaders Propositie van twee andere Geometrische vraghen tsamen door Ludolph van Colen gheboren in Hildesheim. Gedruckt t' Amstelredam by Cornelis Claesz. opt vvater by die oude Brugghe. Anno 1584. 20 pages non numérotées. (Univ. de Leyde). Kort Claar bewijs Dat die nieuwe ghevonden proportie eens Circkels iegens zyn diameters te groot is ende ouerzulcx de Quadratura Circuli des zeluen vinders onrecht zy. Door Ludolph Van Ceulen gheboren in Hildesheym woonachtich tot Delft. Gheprent tot Amstelredam, by mij Harmen Janszoon Muller, Figuersnijder, woonende inde Waermoe-straet. inden vergulden passer. 6 pages non numérotées. (Univ. de Leyde). La brochure n'est pas datée, mais est de 1585. Elle est écrite contre un personnage peu connu, SIMON VAN DER EYCKE, et fut bientôt suivie d'une autre : Proefsteen Ende Claerder wederleggingh dat het claerder bewijs. (so dat ghenaempt is) op de gheroemde ervindingh vande Quadrature des Circkels een onrecht te kennen gheven, ende gheen waerachtich bewijs is. Hier bygevoecht Een corte verclaringh aengaende het onverstant ende misbruyck inde reductie op simpel interest. Den ghemeenen volcke tot nut. Tsamen door Ludolph van Colen woonachtich tot Delft. Gheprent tot Amstelredam, by my Harmen Janszoon Muller, Figuersnijder, woonende inde Waermoesstraet, in den vergulden Passer, 1586. 12 pages non numérotées. (Univ. de Leyde). (5) Leyde, Plantin, t. 2, p. 201. Le passage n'est pas reproduit dans les éditions suivantes. autres semblables estouffes) tant exercé en ceste discipline et principalement en l'Algebre, que ces escripts ne proufiteront pas seulement aux apprentifs, mais donneront aussi contentement aux doctes. Vivez cependant en toute félicité STEVIN, nous venons de le dire, écrivait ceci en 1585 et faisait surtout allusion à l'Algèbre de son ami. Cette Algebre fut composée, et à la mort de l'auteur on en trouva le manuscrit dans ses papiers. Malheureusement elle ne vit pas alors le jour et elle est maintenant perdue. C'est grand dommage. VAN CEULEN y fait allusion fréquemment dans son traité du Cercle, et presque toujours pour nous promettre les énoncés et les démonstrations des règles qu'il applique dans ce traité. Nous en sommes réduits aujourd'hui à les deviner d'après les résultats auxquels.ces règles conduisirent l'auteur. Il faut surtout regretter de ne pas connaître la méthode qu'il suivit pour résoudre les équations numériques d'un degré élevé. Dans la Note finale de son Appendice Algebraique (6), STEVIN nous apprend que LUDOLPHE avait promis de « divulguer » sa méthode, et il est visible que le Brugeois désirait qu'on pût la comparer avec celle qu'il venait de donner lui-même dans l'Appendice. Le traité du Cercle (van den Circkel), que je viens de nommér, parut en 1596 à Delft sous un titre interminable, qui se justifie d'ailleurs assez bien, car il y a de tout dans ce volume. Un géomètre moderne lui eut donné le nom de Mélanges mathématiques et les titres particuliers des principaux de ces Mélanges sont énoncés dans le titre général de l'ouvrage (7). Reconnaissons-le, car c'était une conséquence presque fatale de (6) Voir, sur cet ouvrage de Stevin, mes Remarques sur l'Arithmétique de Simon Stevin publiées ici même. M, t. xxxvi, 1922, pp. 275-281. (7) Je crois plus intéressant de traduire ce titre que de le transcrire dans la langue originale. Du Cercle. On y apprend à trouver le rapport approché du diamètre du cercle à sa circonférence, de sorte que l'on puisse mesurer exactement tous les cercles et par suite les figures ou les terrains limités par des lignes courbes. Item à exprimer en quantités irrationnelles les côtés de tous les polygones inscrits dans le cercle, en partant du polygone de 8, 4, 5 ou 15 sommets, quand bien même les sommets du polygone seraient au nombre de plusieurs centaines de mille. Item à calculer les côtés des polygones de 7, 11, 13, 19, 23 sommets, ou plus généralement un côté ou une corde quelconque dont l'arc est exprimé en degrés, minutes, secondes, à volonté. On У trouve en outre les tables des sinus, tangentes et sécantes, avec la manière de s'en servir, chose très nécessaire aux arpenteurs; on y a joint beaucoup d'autres curieuses choses qui n'ont jamais été publiées. |