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caractère est réservé aux pièces qui n'ont avec Galilée qu'un rapport éloigné. Telles étaient, de nouveau dans la Correspondance, les lettres où il était simplement question de lui.

De tous les chapitres du dix-neuvième volume, le plus captivant, le plus important est sans contredit celui du Procès. La publication de ce chapitre me rapporte à vingt ans en arrière, en me rappelant un cher et lointain souvenir. C'était en 1903. Favaro venait de donner au public le douzième volume de l'Édition Nationale renfermant la Correspondance des années 1614 à 1619. Ce volume contenait donc les lettres de l'année 1616 pendant laquelle se déroula le premier Procès. Les documents du tome XIX s'imprimant en même temps que les lettres de la même date, le bon-à-tirer du Procès était donné dès 1902. Favaro cut alors l'idée d'en faire un tirage à part très restreint (1) de trente exemplaires réservés aux érudits qui étudiaient plus spécialement Galilée. Le hasard m'en donna connaissance. Mon regretté confrère le P. van Ortroy, S. J., avait souvent rencontré Favaro dans les bibliothèques italiennes, où il s'était lié d'amitié avec lui. J'aperçus un jour le tiré-à-part du Procès sur la table de travail du Père et je lui proposai d'en rendre compte dans la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES (2). L'offre fut acceptée et Favaro eut l'amabilité de se montrer satisfait de mon travail. Les remerciements qu'il m'adressa ouvrirent entre nous une correspondance, qui ne fut interrompue que par la guerre, mais pour reprendre aussitôt après. Aujourd'hui que mon vieil ami n'est plus, j'éprouve le besoin de rendre ce témoignage à son amitié.

Revenons au procès de Calilée. Favaro nous a fait entendre que la publication des pièces de cette cause célèbre n'alla pas sans peine. Dans d'autres circonstances il a été plus explicite que dans l'autobiographie que j'ai traduite cidessus, et il s'est plu à raconter au long les difficultés que rencontrèrent aussi bien les premiers éditeurs que celles

(1) Il processo di Galileo. Estratto dal Vol. XIX della Edizione Nazionale delle Opere di Galileo Galilei. Edizione di trenta esemplari. Firenze, Barbèra, 1902.

(2) La nouvelle édition des pièces du Procès de Galilée, par A. Favaro. REVUE, t. LIII, avril 1903, pp. 578-598.

qu'il eut encore lui-même (1). J'en ai fait l'objet principal de mon article de 1903 et j'y renvoie le lecteur. Il suffira de rappeler, que les documents du Procès de Galilée se composent de deux catégories de pièces bien distinctes celles des Décrets et celles du Procès proprement dit.

Les Décrets contiennent les procès-verbaux des séances, les arrêts du Saint-Office et autres documents analogues. Le Procès se compose des pièces de conviction, des résumés des dépositions et des plaidoiries, etc. ; il renferme, si l'on veut, l'analyse des débats.

Le Procès proprement dit était connu depuis longtemps. Lors de la prise de Rome sous le premier Empire, Napoléon en avait fait transporter le manuscrit de Rome à Paris et en avait ordonné la publication. Mais beaucoup de pièces sont griffonnées, pleines d'abréviations et partant à peu près indéchiffrables. Barbier, que Napoléon avait chargé de l'édition, en désespéra et cette première tentative finit par échouer. Après lui, d'autres furent plus heureux. Henri de l'Épinois (2), Dominique Berti (3) et Charles von Gebler (4) donnèrent des éditions du Procès de moins en moins défectueuses. Favaro vint les porter à la dernière perfection.

Pour les Décrets, la difficulté était d'un autre genre. Comme Favaro nous l'a dit ci-dessus, toute recherche était interdite dans les Archives de l'Inquisition et le manuscrit des Décrets

(1) Antonio Favaro. I documenti del Processo di Galileo. ATTI DEL REALE ISTITUTO VENETO DI SCIENZE, LETTERE ED ARTI. T. LXI, Venezia, Ferrari, 1902; 2o part., pp., 757-806.

A. Favaro. Napoleone e il Processo di Galileo. REVUE NAPOLÉONIENNE, dirigée par Albert Lombroso. T. II. Frascati (province de Rome) aux bureaux de la REVUE NAPOLÉONIENNE, 1902, pp. 2-14. (2) Les pièces du procès de Galilée précédées d'un avant-propos. Ouvrage dédié à S. G. Mgr de la Tour d'Auvergne, Archevêque de Bourges, par Henri de l'Épinois. Paris, Palmé, 1877.

(3) Domenico Berti. Il processo originale di Galileo Galilei. Nuova edizione accresciuta, corretta e preceduta da un'avvertenza. Roma, Voghera Carlo, 1878.

Le titre fait allusion à une édition fragmentaire donnée antérieurement par Berti : Il processo originale di Galileo Galilei pubblicato per prima volta da Domenico Berti. Roma, Cotta, 1876.

(4) Die Acten des Galileischen Processes. Nach der Vaticanischen Handschrift herausgegeben von Karl von Gebler. Stuttgart, Cotta, 1877.

s'y trouvait. Quand l'éditeur en demanda la communication au cardinal Parrochi, gardien du dépôt, celui-ci lui répondit d'un ton poli, mais qui ne permettait pas d'insister, que les Archives ne possédaient rien, absolument rien sur l'affaire de Galilée. C'était la formule diplomatique employée d'ordinaire en pareille circonstance. Cependant Favaro savait, à n'en pas douter, qu'elle était inexacte et que les Décrets se conservaient aux Archives. Silvestre Gherardi, ministre de l'éphémère République romaine de 1848, profitant de sa position, avait pénétré dans les Archives du Saint-Office et y avait eu en mains le registre des Décrets; il en avait fait des extraits qu'il avait publiés plus tard (1). Favaro se décida donc au seul parti qui lui restait à prendre : recourir directement à Léon XIII. Le Pontife avait des idées trop larges pour répondre par un refus. Il accorda largement toutes les autorisations nécessaires et l'Édition Nationale nous donna enfin au complet toutes les pièces relatives au Procès de Galilée.

Après avoir lu ces documents si curieux, il est difficile de ne pas éprouver un regret : c'est qu'ils n'aient pas été édités plus tôt. Aucun tribunal, la chose va de soi, ne saurait permettre au public de venir, par curiosité, fouiller dans ses Archives. Il est presque toujours malsain de remettre au jour les scandales des procès oubliés et le secret s'impose. La règle traditionnelle du Tribunal de l'Inquisition est donc fort sage; mais il faut savoir gré à Léon XIII d'en avoir fait un instant fléchir la rigueur. Galilée n'y a pas perdu et bien des accusations portées contre ses adversaires fussent tombées d'elles-mêmes si l'on avait connu les pièces du Procès au moment où on les proférait.

IV

Il est impossible de donner une idée même sommaire des publications de tout genre que Favaro mit au jour en marge

(1) Il processo di Galileo riveduto sopra documenti di nuova fonte da prof. com. Silvestro Gherardi. LA RIVISTA EUROPEA. Nouv. sér., t. I. Firenze, Tipografia dell'Associazione, 1870, pp. 1-37. Les documents sont publiés en appendice de l'article.

Gherardi les avait déjà donnés, en partie, l'année précédente dans

de l'Édition Nationale. Il y a, par exemple, la Correspondance de Jean Antoine Magini avec Tycho Brahé, Kepler et d'autres célébrités scientifiques des XVIe et XVIIe siècles (1); petit chef-d'œuvre par lequel Favaro semble avoir voulu montrer au public et au gouvernement italien ce qu'il serait capable d'exécuter si on daignait le charger d'éditer l'Euvre de Galilée. Il y a les Scampoli Galileiani (2) ou Bribes Galiléennes, qui après le vingt-quatrième fascicule changèrent de titre et devinrent les Adversaria Galileiana (3). C'est une collection de petites dissertations détachées, toujours curieuses, parfois vraiment importantes, dont Galilée est le centre, mais qui n'ont pas d'autre lien entre elles. Il y a la série des Amici e Corrispondenti di Galileo Galilei (4), composée de quarante monographies d'étendue assez inégale. Comme le titre le fait prévoir, elles ont toutes le caractère commun de nous présenter les personnages au point de vue des relations qu'ils eurent avec Galilée. Il y a la série parallèle des Oppositori di Galileo (5) à peine commencée et encore en plein cours de publication. Il y a plus de cent publications relatives à l'histoire de la Faculté des Mathématiques de l'Université de Padoue (6). Il y en a vingt-sept autres qui se

les RENDICONTI DELLE SESSIONI DELL' ACCADEMIA DELLE SCIENZE DELL' ISTITUTO DI BOLOGNA, per l'anno 1868-1869, pp. 100-101.

(1) Carteggio inedito di Ticone Brahe, Giovanni Kepler e di altri celebri astronomi e matematici dei secoli XVI e XVII con Giovanni Antonio Magini, tratto dal Archivio Malvezzi de' Medici in Bologna. Nicolas Zannichelli, 1886.

(2) Ils parurent dans les ATTI E MEMORIE DELLA R. ACCADEMIA DI SCIENZE, LETTERE ED ARTI IN PADOVA, de 1886 à 1914, et renferment cent cinquante-quatre petites dissertations.

(3) Les cinq premières séries parurent, dans le même recueil, de 1918 à 1920, et contiennent trente-trois petites dissertations. J'ignore s'il en existe davantage.

(4) Ces biographies, tout en étant numérotées de 1 à 40, ont paru dans des recueils divers. Il est assez surprenant que celle de Torricelli y fasse défaut. Comme j'en faisais un jour l'observation dans une de mes lettres à Favaro, il me fit entendre qu'il avait des raisons particulières pour ne pas écrire cette notice. Je crois qu'il voulait en laisser l'honneur aux éditeurs des Œuvres de Torricelli.

(5) Cinq biographies au moins ont paru.

(6) Énumérées dans Per la storia dello studio di Padova, cité cidessus.

rapportent à Léonard de Vinci (1). Il y en a sur Cavalieri (2), sur Bombelli (3), sur divers savants italiens et étrangers, anciens et modernes, que sais-je? Pour montrer d'une manière un peu plus précise la méthode de l'auteur, parcourons rapidement quelques articles intéressant plus spécialement nos provinces. Peut-être permettront-ils de deviner l'intérêt de ceux que je passe sous silence.

Il faut rappeler, d'abord, que Favaro connaissait la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES et qu'il l'appréciait. Il témoigna un jour l'estime qu'il avait pour elle en lui envoyant la monographie de François Blondel (4). Blondel, architecte célèbre, est, on le sait, l'auteur des plans de la Porte Saint-Denis à Paris. Il écrivit des ouvrages de mérite relatifs à son art. D'autre part, on ignore, généralement, qu'ingénieur et géomètre, il se vantait d'être le dernier disciple de Galilée. Favaro croit cependant qu'il ne connut jamais personnellement le Maître de Florence, mais il était lié d'amitié avec Vincent Viviani, dernier confident du grand astronome. Peut-être Blondel eût-il été mieux avisé de se

(1) La liste en est donnée dans l'ARCHIVIO STORICO DELLA SCIENZA, t. III, Roma, Casa editrice « Leonardo da Vinci», 1922, pp. 19-20; à la suite de l'article de C. B. de Toni intitulé: Antonio Favaro e gli studi su Leonardo.

(2) Il y a notamment : Bonaventura Cavalieri nello Studio di Padova. ATTI E MEMORIE DELLA R. DEPUTAZIONE DI STORIA PATRIA. 3o série, t. VI, Bologna, presso la R. Deputazione di storia patria, 1888; pp.

120-177.

Bonaventura Cavalieri e la Quadratura della spirale. RENDICONTI DEL R. ISTITUTO LOMBARDO DI SCIENZE E LETTERE. 2o série, t. XXXVI. Milano, Rebeschi di Turati, 1905, pp. 358-372. Les travaux de Cavalieri sur la spirale sont intéressants à comparer avec ceux de Grégoire de Saint-Vincent.

Amici e Corrispondenti di Galileo Galilei. XXXI.Bonaventura Cavalieri. ATTI DEL R. ISTITUTO VENETO DI SCIENZE, LETTERE ED ARTI; t. LXXIV, Venezia, Ferrari, 1915; 2o part., pp. 701-767.

(3) Je fais surtout allusion à l'article où Favaro démontre que la célèbre Algèbre de Bombelli n'a eu qu'une seule édition, mais deux tirages avec des titres différents datés de 1572 et de 1579. Intorno ad una pretesa seconda edizione dell' Algebra di Rafael Bombelli, Nota di Antonio Favaro. BIBLIOTHECA MATHEMATICA. Nouvelle série, t. VII. Stockholm, Eneström, 1893, pp. 15-17.

(4) François Blondel et ses études sur les « Nuove Scienze » de Galilée. REVUE, t. LXXIV, 1913, PP. 353-380.

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