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timable qu'ils conserveront toujours comme autographes.

>> Pour atteindre ce but élevé, il fallait avant tout modifier mes opinions; changer mes idées acquises et contrôler, par l'étude des documents, l'exactitude de ce qu'on m'avait enseigné. J'entrepris donc, non sans grands sacrifices personnels, des recherches systématiques, dans les Dépôts d'Archives et les principales Bibliothèques de l'Italie et de l'Étranger. Au cours de ces investigations, je publiai les résultats qui me paraissaient les plus propres à faire comprendre l'objet de mon entreprise, et dans un mémoire présenté en 1881, au Reale Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti (1), je précisai le projet que j'avais formé de donner une édition critique complète des Œuvres de Galilée. » Dès lors, usant et abusant sans cesse de la complaisance des éditeurs, de 1 hospitalité des collections de plusieurs corps savants, de la publicité de nombreux recueils périodiques, je fis paraître de multiples travaux puisés aux sources tant italiennes qu'étrangères, mais surtout à a Bibliothèque Nationale de Florence. Je prouvai ainsi à l'évidence l'importance de mon projet d'édition.

>Mais l'initiative privée d'un éditeur paraissait à tort, je crois ne pouvoir suffire à la publication d'un ouvrage qui requérait un concours de moyens si nombreux et si divers. Force me fut donc d'en appeler à l'aide du Gouvernement. Les pourparlers furent longs et pénibles. Mais après une dure série de tentatives infructueuses, l'appui que je sollicitais me fut enfin accordé avec toute l'ampleur désirable. L'Arrêté Royal qui décréta formellement la nouvelle édition fut signé le 20 février 1887. Les termes dans lesquels il est conçu honorent à la fois le ministre qui proposa l'entreprise, le roi qui la prit sous son haut patronage, le grand savant objet d'un honneur si éminent, et aussi l'homme qui, par dix ans d'études, avait démontré la nécessité de l'édition.

« Considérant, dit l'Arrêté Royal, que les recherches et les travaux de ces dix dernières années relatifs à la vie et aux

(1) Intorno ad una nuova edizione delle opere di Galileo. ATTI DEL R. ISTITUTO VENETO DI SCIENZE, LETTERE ED ARTI. 5a série, t. VIII, Venezia, Antonelli, 1881; pp. 83-131.

écrits de Galilée, permettent désormais d'entreprendre dignement une édition critique et complète de ses œuvres ; considérant qu'il est d'un suprême honneur national de satisfaire ainsi au long souhait des savants, en élevant un monument nouveau et durable à la gloire du génie merveilleux qui créa la philosophie expérimentale... etc. »

» Il fut décidé que l'édition serait entreprise aux frais du gouvernement et qualifiée du titre d'Edition Nationale.

» Dès avant la fin de l'année, on publiait le Projet qui me confiait la direction de l'entreprise. Sa teneur fut scrupuleusement respectée tant pour le fond que pour la forme. Le premier volume parut en 1890. Puis, poussée sans relâche ni interruption, l'édition comptant vingt volumes s'acheva, dans l'espace relativement court de vingt ans. Les huit premiers contiennent les œuvres scientifiques; le neuvième les œuvres littéraires; les neuf suivants la riche correspondance. On pouvait croire l'Edition Nationale achevée après la publication du dix-neuvième volume. Celui-ci contenait la collection de tous les documents relatifs à Galilée, depuis l'acte de mariage de ses parents, jusqu'à celui de l'inhumation de Galilée lui-même à Sainte-Croix. C'était la première fois qu'un auteur classique était l'objet d'un travail analogue à celui qui composait ce volume. La plupart des documents qu'il renfermait étaient ou tout à fait inédits, ou avaient été édités pour la première fois par moi. C'est une collection riche et d'une valeur inappréciable pour la biographie de Galilée. Parmi les pièces publiées se trouvent notamment celles du Procès (1) éditées ici intégralement pour la première fois. Les portes, jusquel à impénétrables, du Saint-Office nous furent ouvertes pour pouvoir mener à bon terme cette publication.

» L'Édition Nationale reçut un complément définitif dans le vingtième volume qui contient, entre autres, des Index très développés, tant des noms propres que des principaux sujets traités. L'un de mes collaborateurs prenant le devant avait eu l'intrépidité d'y mettre la main. J'eus le courage de l'affronter à mon tour, quoique la longueur du chemin que j'avais parcouru eût épuisé le meilleur de mes forces.

(1) T. XIX, pp. 272-421.

>> On sait l'accueil favorable, incontesté, qui fut fait au gigantesque travail de l'Édition Nationale et je ne m'en vante pas. Je voudrais néanmoins, en témoignage de gratitude, rappeler que l'aide littéraire d'Isidore del Lungo me fut acquise de prime abord. Elle me donna l'assurance que, dès les premières pages, la critique des textes ne laisserait rien à désirer.

» Au fur et à mesure que les volumes de l'Édition Nationale voyaient le jour, je les étayais, pour ainsi parler, de publications nombreuses, où je cherchais à justifier ce qui était donné dans l'Édition elle-même. Le plan adopté pour l'ouvrage ne permettait pas d'y insérer ces preuves, car il prohibait les digressions et commentaires.

>> Les savants qui s'intéressent à Galilée ne seront cependant pas fâchés, j'espère, de connaître les travaux par lesquels j'ai préparé et exécuté l'Édition Nationale. J'en donne donc ci-après la liste. Elle contient les titres de mes notes, publications de textos et mémoires, accompagnés des indications bibliographiques nécessaires.

» Sans doute, l'Édition Nationale est terminée. Je me propose toutefois, de me consacrer encore jusqu'à mon dernier soupir à ce sujet magnifique. On le conçoit, l'homme qui a consacré les meilleures années de sa vie à l'exécution d'un grand dessein, ne saurait s'en détacher sans peine avant de lui avoir donné une perfection pour ainsi dire inespérée.

>> Je suis particulièrement heureux de pouvoir constater que les recherches ultérieures publiées pendant les six années écoulées depuis la mise au jour du dernier volume de l'Édition Nationale, ne m'y ont signalé aucune lacune notable. Quand mes successeurs mettront la main à une nouvelle édition en vue de laquelle je continue à travailler (1) ils devront reconnaître que la préparation nécessaire ne m'a pas manqué, et que j'ai publié l'Édition Nationale avec

(1) L'Édition Nationale est un ouvrage de luxe réservé aux Bibliothèques des Universités et des corps savants. Favaro caressait le projet de la faire servir à la publication d'une autre édition, mais d'allure plus modeste, qui fût à la portée de toutes les bourses. Voir : Serie ventesimaseconda dei Scampoli Galileiani raccolti di Antonio Favaro. ATTI E MEMORIE DELLA R. ACCADEMIA LI SCIENZE, LETTERE ED ARTI IN PADOVA. Nouv. série, t. XXIX. Padova, Randi, 1913, Pp. 29-36. — No CXLII. Per una nuova edizione delle opere di Galileo.

une conscience si grande de la haute mission qui m'était confiée, qu'il sera peut-être possible de l'égaler, mais difficile de la surpasser.

» Et puisque le suprême réconfort que m'eût donné la nouvelle édition à laquelle je viens de faire allusion, m'est refusé, il faudra y éviter le seul reproche qu'on puisse faire à l'Édition Nationale; je veux dire, celui de ne pouvoir être largement répandue dans le public.

>> Je ne veux pas prononcer mon nunc dimittis avant d'avoir donné un travail synthétique d'ensemble sur Galilée (1). J'en ai réuni les éléments. Il fera l'objet de tous mes efforts, et remplira les années qui me restent encore à vivre. » Cette Introduction est datée de Padoue et du 21 mai 1915.

III

Il m'eût été impossible de peindre aussi bien que Favaro l'ensemble de son œuvre, mais il me reste néanmoins à faire ressortir quelques détails du tableau laissés nécessairement un peu dans l'ombre. La chose sera aisée, grâce aux nombreux mémoires par lesquels l'éditeur a « étayé », pour parler comme lui, l'Édition Nationale.

Voici d'abord le dix-neuvième volume, contenant, nous l'avons entendu, tous les documents relatifs à Galilée. C'est le plus intéressant pour la plupart des lecteurs. L'impression en commença vers 1899, en même temps que celle du tome X, premier de la Correspondance. Écoutons comment Favaro s'exprime dans l'Introduction (2):

(1) Favaro n'a pas eu le temps de réaliser ce projet, mais il a donné le Regesto biografico Galileiano dalla Edizione Nazionale delle Opere per cura di Antonio Favaro. Firenze, Barbèra, 1907. C'est une brochure in-4o de 69 pages donnant, comme le titre l'indique, la date de tous les faits de la vie de Galilée dont on a gardé le souvenir, avec

le renvoi aux passages correspondants de l'Édition Nationale.

Aucune notice biographique ni vie de Galilée ne saurait remplacer le Regesto, quand on veut s'orienter dans l'étude de l'histoire si mouvementée de l'illustre astronome. Le Regesto est une espèce de tableau synoptique où les faits sont disposés dans l'ordre chronologique.

(2) Avvertimento, p. 7.

« Je puis répéter aujourd'hui, dit-il en substance, comme je l'écrivais au commencement du tome X, que notre édition n'est pas la reproduction de ce qu'on savait déjà. C'est même plus qu'un simple complément, c'est une œuvre nouvelle. Nous osons l'affirmer en toute confiance, car personne ne s'était encore avisé d'entreprendre un travail analogue à celui du présent volume. Nous pourrions le nommer Codex Galilei. »

Favaro répète ensuite que beaucoup de pièces du XIXe volume y sont publiées pour la première fois et qu'il serait même exact de dire que le volume entier est neuf, du moins En ce sens, que les pièces y sont toutes données en recourant aux sources, sans distinguer celles qui étaient encore inédites et celles qui avaient déjà paru ailleurs. Puis il continue: (1)

« Pour l'intelligence, tant de la Correspondance que des Documents, nous avons cru devoir mettre en tête du volume, un arbre généalogique de la famille de Galilée. Les dates et renseignements divers qu'il contient seront complétés plus tard par les notices biographiques des personnes citées» (2).

Les pièces du volume sont groupées, par sujets, en 45 chapitres, dont beaucoup sont divisés et subdivisés en d'autres. Plusieurs embrassent une longue période d'années. Les groupes se succèdent néanmoins dans l'ordre chronologique, en datant chacun d'eux par la pièce la plus ancienne qu'il renferme.

En vue de faciliter les recherches, et conformément au plan suivi dans la Correspondance, les pièces sont imprimées en trois caractères différents. Le plus grand est utilisé pour les documents qui proviennent de la main de Galilée luimême et pour ses dépositions devant les tribunaux. Il fut adopté, dans les précédents volumes, pour les écrits et les lettres de l'auteur. Le caractère moyen est employé pour les documents qui ne sont pas l'œuvre de Galilée, mais le concernent directement. Telles étaient dans la Correspondance les lettres qui lui étaient adressées. Enfin le petit

(1) Avvertimento, p. 7.

(2) Elles ont été données dans le vingtième volume.

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