Page images
PDF
EPUB

qualifier simplement du titre de continuateur de Galilée. Il fut le premier à signaler une erreur de son illustre Patron touchant le profil qu'il faut donner aux poutres d'égale résistance.

La notice de François Blondel se distingue par cette richesse de documentation, ce soin méticuleux du détail qui caractérisent tous les écrits sortis de la plume de Favaro. Je la recommande à l'attention du lecteur, car je crains qu'elle ne soit pour lui une occasion trop rare de pouvoir apprécier le prix des articles de mon si regretté Favaro. Il faut le constater avec regret, le plus grand nombre de ses notes et mémoires ont paru dans des recueils italiens peu accessibles au public belge.

François Blondel était né en Picardie, mais Michel Coignet qui attira à plusieurs reprises l'attention de l'Éditeur de Galilée, était anversois. Favaro s'occupa une première fois de lui dans un article intitulé A propos du Compas de Proportion (1). Le compas dont il s'agit dans le titre est celui de Galilée; mais Coignet en avait imaginé un autre dont Favaro donne la photographie d'après un manuscrit de la Bibliothèque Royale de Belgique (2). L'année suivante, l'auteur revint à Coignet en lui consacrant la vingt-deuxième monographie de ses Amici e Corrispondenti di Galileo Galilei (3). Il a été rendu compte en détail de ces deux articles dans la REVUE, lors de leur apparition (4).

En 1906, Favaro publiait dans la dix-septième série des Scampoli Galileiani (5) une lettre d'Erycius Puteanus à

(1) Per la storia del compasso di proporzione. ATTI DEL REALE ISTITUTO VENETO DI SCIENZE, LETTERE ED ARTI, t. LXVII. Venezia, Ferrari, 1908; 2o part., pp. 725-739.

(2) Ms. II, 79.

(3) Amici e Corrispondenti di Galileo Galilei,XXII.Michele Coignet. ATTI DEL REALE ISTITUTO VENETO DI SCIENZE, LETTERE ED ARTI, t. LXVIII, Venezia, Ferrari, 1909, 2o part., pp. 1-16.

(4) Dans mes Bulletins d'Histoire des Mathématiques, REVUE, t. LXIV, oct. 1908, pp. 653-657, et t. LXVI, oct. 1909, pp. 644-647. (5) Serie decimasettima dei Scampoli Galileiani raccolti da Antonio Favaro, ATTI E MEMORIE DELLA R. ACCADEMIA DI SCIENZE, LETTERE ED ARTI IN PADOVA. Nouv. sér., t. XXIII, Padova, Randi, 1907. No CXIV. Una lettera di Ericio Puteano a Michele van Langren ; pp. 17-21.

Michel Florent van Langren, dans laquelle le Professeur de Louvain s'occupait de Galilée. L'astronome belge était peu maître de la langue de Cicéron, et le brillant latiniste Puteanus lui écrivait en flamand. Le fragment de la lettre relatif à Galilée est publié à sa date dans l'Édition Nationale (1), mais la pièce est donnée en entier avec une traduction italienne dans les Scampoli.

Nommons, pour mémoire, la correspondance de Galilée avec les États-Généraux de Hollande, touchant sa méthode des longitudes, dont les États eussent désiré s'assurer la propriété (2). Terminons, enfin, par quelques notes sur l'application du pendule aux horloges.

A qui revient l'honneur de cette invention ? Est-ce à Galilée ? Est-ce plutôt à Huygens? La question paraît avoir préoccupé Favaro. Dans le tome XIX de l'Édition Nationale (3) il a publié une longue lettre de Viviani qui se rapporte à ce sujet, et suivant sa méthode habituelle il a discuté tous les documents dans un mémoire spécial (4). Favaro y plaide la cause de Galilée. On pouvait s'y attendre. Mais le problème a été mal posé et les éditeurs des Œuvres de Christiaan Huygens en portent la faute. « Jamais, disentils dans une note, Galilée n'a songé à adapter ou à appliquer le pendule aux horloges » (5). Affirmation inexacte, Favaro n'a pas de peine à le montrer.

Mais Huygens lui-même est beaucoup moins affirmatif que ses éditeurs. « Si Galilée a eu l'idée d'appliquer le pendule aux horloges, ce qu'il ne conteste pas, dit-il, en tout cas lui, Huygens, l'ignorait » (6). On doit le croire sur parole, et

(1) T. XVI, Firenze, Barbèra, 1906; p. 121. Lettre no 2974. (2) Voir en outre le dossier des pièces relatives à cette affaire, dans le tome XIX, pp. 538-459. No XLII. Galilei e gli Stati Generali delle Provincie Unite dei Paesi Bassi.

(3) Pp. 647-659. Lettera di Vincenzio Viviani al principe Leopoldo de Medici intorno all' applicazione del pendolo all' orologio.

(4) Galileo Galilei e Christiano Huygens. Nuovi documenti sull'applicazione del pendolo all' orologio, RIVISTA DI FISICA, MATEMATICA E SCIENZE NATURALI, t. XXVI. Firenze, Stabilimento tipografico S. Giuseppe, 1912, pp. 3-20.

(5) Euvres complètes de Christiaan Huygens publiées par la Société Hollandaise des Sciences, t. VII. La Haye, Martinus Nijhoff, 1897, p. 281, n. 2.

(6) De nombreuses pièces des tomes II et III des Œuvres complètes

on n'a pas de raison de douter de sa sincérité. Mais il importe de remarquer que le génial Hollandais n'attacha d'importance à cette invention qu'à partir du jour où, ayant découvert les propriétés de la cycloïde, il trouva le moyen théorique de rendre les oscillations du pendule rigoureusement sochrones. Voilà, comme le remarque excellemment l'historien de l'horlogerie Berthoud (1), l'incomparable titre de gloire de Huygens. Ce dernier peut bien sans déchoir laisser à Galilée l'honneur d'avoir vu le premier que le pendule pourrait servir un jour à régulariser les mouvements d'horlogerie, et d'en avoir essayé une application grossière. Jadis j'écrivis un article en ce sens dans la REVUE (2) et j'eus la satisfaction de voir peu après M. Favaro appuyer de son autorité cette solution du problème (3).

Arrêtons-nous.

En résumé, pendant toute sa carrière, Favaro s'est montré chercheur perspicace, érudit peu ordinaire et consciencieux, travailleur infatigable. Il aimait passionnément Galilée. Peut-on lui en faire un crime? Sans doute, sa susceptibilité s'effarouchait un peu vite quand on semblait vouloir ternir si peu que ce soit, ne fût-ce qu'indirectement et de loin, l'éclat de son idole. Jamais cependant, son admiration pour le Pisan ne l'aveugla. Jamais, elle ne l'empêcha de convenir de la réalité d'une parole ou d'un fait défavorable à Galilée quand la chose était démontrée. La publication des pièces du Procès de Galilée, par exemple, est un modèle d'impartialité. Mais, qui donc soutiendrait aujourd'hui que les adversaires du système de Copernic furent toujours modérés et sans passion? Peut-on en vouloir à Favaro, de le leur

de Christiaan Huygens sont relatives à cette affaire. Voir, par exemple, la lettre du 22 janvier 1660 écrite par Huygens à Ismaël Boulliau, t. III, pp. 12-13.

(1) Histoire de la mesure du temps par les Horloges, par Ferdinand Berthoud, t. I. Paris, De l'Imprimerie de la République, An X, pp.

102-103.

(2) Galilée ou Huygens? A propos d'un épisode de la première application du pendule aux horloges. REVUE, t. LXXII, 1912, pp. 573-685. (3) Serie ventesimaterza di Scampoli Galileiani raccoltei da Antonio Favaro. ATTI E MEMORIE DELLA R. ACCADEMIA DI SCIENZE, LETTERE ED ARTI IN PADOVA, t. XXX, Padova, Bardi, 1914, pp. 61-66. No CXLVII. Galilei oppure Huygens?

reprocher, dans ses Oppositori di Galileo, et d'y mettre le ton d'une juste sévérité ? (1)

En un mot, après Paul Tannery, après Pierre Duhem, le monde a perdu dans Antonio Favaro, l'un des derniers grands historiens de la science. On me pardonnera d'ajouter que j'ai toujours rencontré en lui un correspondant dévoué, un critique judicieux, un ami loyal et fidèle. Une dernière fois, que Dieu lui accorde l'éternelle récompense méritée par une longue vie de travail employée tout entière à la recherche de la vérité !

(1) Dans la série des Oppositori di Galileo, Favaro n'a pas eu le temps d'écrire la notice du cardinal Robert Bellarmin. Ce grand homme, que Pie XI vient de placer sur les autels, n'aimait pas le système de Copernic, loin de là, la chose est connue. Mais, on sait aussi combien il fut toujours modéré et bienveillant dans les remarques qu'il fit sur ce sujet à Galilée. L'illustre astronome eut tort, croyons-nous, de ne tenir aucun compte des observations que le cardinal lui faisait sur la valeur des hypothèses dans les sciences physiques quelles qu'elles soient; car, comme Duhem le dit, à notre avis, fort bien au point de vue philosophique, c'est le cardinal qui voyait juste. (Sur la notion de Théorie physique de Platon à Galilée, par Pierre Duhem, correspondant de l'Institut, Paris, Hermann, 1908, p. 140.) Galilée se serait épargné bien des déboires, s'il avait défendu le système de Copernic avec la modalité que Bellarmin l'engageait à y apporter et qui est au fond celle qui tend de plus en plus à prévaloir de nos jours dans toute théorie physique, il faut choisir l'hypoth se la plus commode et celle qui représente le mieux le phénomène.

Louvain.

<< Établissements F. Ceuterick », rue Vital Decoster, 60.

Extrait de la Revue des Questions scientifiques, octobre 1923.

PAUL TANNERY. MÉMOIRES SCIENTIFIQUES publiés par J. L. HEIBERG. Tome V. Sciences exactes au Moyen Age (1887-1921). Toulouse, Édouard Privat; Paris, GauthierVillars, 1922. Un volume petit in-4° de XXVII-383 pages et 4 planches hors texte.

Madame Paul Tannery nous donne aujourd'hui le cinquième volume des Mémoires scientifiques de son mari, dont l'éminent helléniste J. L. Heiberg a bien voulu diriger la publication. M. Émile Picard, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, qualifie « d'œuvre magistrale »> l'entreprise du Professeur de Copenhague. Une appréciation · aussi élogieuse sous la plume d'un pareil maître me dispense d'y rien ajouter.

Le présent volume renferme les travaux de Tannery relatifs aux Sciences exactes pendant le Moyen Age. Leur simple énumération en indique suffisamment l'importance. J'ai cru utile d'y ajouter le titre du recueil où ils parurent pour la première fois. La diversité de ceux-ci fera apprécier l'avantage de les trouver réunis dans un même volume.

1o L'extraction des racines carrées d'après Nicolas Chuquet. BIBLIOTHECA MATHEMATICA, 1887, 2e série, t. I, pp. 17-21. 2o Les prétendues notations pythagoriciennes sur l'origine de nos chiffres. REVUE ARCHÉOLOGIQUE, 1892, 3o sér., t. XX, pp. 54-65. 3° Sur l'étymologie du mot « chiffre ». ID., 1894, 3e sér., t. XXIII, pp. 48-53. 4° Un nouveau texte des Traités d'arpentage et de géométrie d'Epaphroditus et de Vitruvius Rufus. NOTICES ET EXTRAITS DES MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE ET D'AUTRES BIBLIOTHÈQUES, 1896, t. XXXV, 2o part., pp. 511-550. Cet article est accompagné de deux fac-similés hors texte tirés du Ms. lat. 13084 de la Bibliothèque de Munich.

.

« PreviousContinue »