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APOLLONIUS DE PERGE.

A PROPOS DE LA PREMIÈRE TRADUCTION EN LANGUE FRANÇAISE DE SON TRAITÉ DES « CONIQUES » ('),

par M. H. BOSMANS, S. J.

APOLLONIUS naquit à Perge en Pamphylie et vécut au déclin du troisième et au début du second siècle avant Jésus-Christ. EUCLIDE le précède donc d'environ 75 ans, et ARCHIMEDE est presque son contemporain, ne lui étant qu'un peu antérieur. Il nous importe surtout de remarquer que les travaux d'ARCHIMEDE sur les Coniques ont certainement été écrits avant ceux d'APOLLONIUS.

Peu de noms sont restés aussi fameux parmi ceux des savants de 'Hellade que celui du géomètre de Perge. Il doit surtout cette célébrité à son traité des Coniques, et il la mérite pleinement. Mais, par un phénomène qui n'est pas isolé dans l'histoire des mathématiques, il faut reconnaitre que son grand ouvrage est en réalité aussi peu lu qu'il est réputé. Si on l'admire, c'est de confiance et sur l'autorité d'autrui. La cause en est dans la difficulté qu'on avait de s'en procurer une version satisfaisante. Elle faisait jusqu'ici complètement défaut en langue moderne. On avait, il est vrai, de bonnes analyses des Coniques, parmi lesquelles il faut signaler surtout celle qu'HoUSEL donna en 1858 dans le Journal de Liouville. (2) Mais une traduction proprement dite nous manquait, car la version allemande de BALSAM (3) et surtout la version anglaise de HEATH (4), œuvres très savantes d'ailleurs et très méritoires, sont plutôt des adaptations en notations modernes que des traductions dans la rigueur du mot. Ce genre de transposition défigure les géomètres grecs au point de leur enlever leur caractère. Un exemple fera comprendre ma pensée.

(1) Les Coniques d'APOLLONIUS de Perge. Œuvres traduites pour la première fois du grec en français. Avec une Introduction et des Notes, Par PAUL VER LECKE, Ingénieur des mines. (A. I Lg), Inspecteur général du travail. Ouvrage publié sous les auspices de la Fondation Universitairo de Belgique Bruges, Desclée de Brouwer, 1924. Volume grand in-8°, d'une exécution magnifique, avec plusieurs centaines de figures et un frontispice hors texte.

(2) 2o sér. t. III, pp. 153-192.

(3) APOLLONIUS von Perga sieben Bücher über Kegelschnitte. Berlin Georg Reiner, 1861.

(4) APOLLONIUS of Perga treatise on conic section. Cambridge, University press, 1890.

Quand, au premier livre de sa Géométrie, DESCARTES se propose de résoudre l'équation du second degré

x2 + px = q2,

dans laquelle p est essentiellement positif, il suppose tacitement qu'elle est écrite comme suit,

x (x + y) = q2,

puis, fidèle aux méthodes anciennes, il fait le raisonnement que voici :

1 2

Décrivons une circonférence de rayon p; par un point pris sur la

circonférence, menons une tangente d'une longueur égale à q ; joignons le point de contact et l'extrémité de la tangente au centre du cercle, puis, prolongeons l'hypoténuse du triangle rectangle ainsi formé jusqu'à sa deuxième intersection avec la circonférence. Si nous nommons a le segment extérieur de la sécante, le sécante entière pourra se représenter par xp. Or, d'une part, un théorème de géométrie élémentaire nous donne la relation

x (x+p) q2;

d'autre part, un coup d'oeil jeté sur la figure montre que l'inconnue est égale à l'hypoténuse du triangle rectangle moins le rayon. DESCARTES en déduit que

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Quant à l'application de cette solution aux mises en nombres, elle est toute différente des anciens aux modernes. Un géomètre grec voyait les calculs à effectuer en jetant les yeux sur la figure ou en se la rappelant. Un géomètre moderne les lit dans les lettres de la formule et les signes algébriques qui les affectent.

Les deux méthodes conduisent à la même série d'opérations arithmétiques, mais qui ne voit que les suggestions qu'elles éveillent sont très différentes; que ce qui parait complication et détour dans l'une, est au contraire la voie commode et naturelle dans l'autre. Prêci. sons. Quand on résout l'équation du second degré géométriquement, comme DESCARTES, rien ne décèle la racine négative donnée par le second signe du radical; aussi, DESCARTES n'en parle-t-il pas. Mais,

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