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LA RÉSOLUTION DES ÉQUATIONS DU 3 DEGRÉ

D'APRÈS SIMON STEVIN, (')

par M. H. BOSMANS, S.-J.

Dans un article antérieur publié ici même (1), j'ai fait connaître la belle méthode imaginée par STEVIN pour résoudre, par approximations successives, les équations numériques d'un degré quelconque, notamment celles du 3° degré. Cette méthode fait l'objet de l'Appendice algebraique du Brugeois, publié à Leyde en 1594. Elle constitue le plus grand progrès apporté par notre compatriote à la théorie des équations. Je n'y reviendrai pas.

Mais, l'auteur de l'Appendice nous apprend lui-même, que, lorsqu'en 1585, il publia son Arithmétique, l'idée de son ingénieux procédé ne lui était pas encore venue. Cette Arithmétique renferme néanmoins la théorie des équations des 3 et 4° degrés la plus parfaite qui ait été publiée avant les travaux de VIÈTE. Ceux-ci vinrent, on le sait, transformer les vieilles règles de solution. Je me propose de résumer aujourd'hui ce que STEVIN nous a dit de l'équation du 3o degré.

Pour bien apprécier le Géomètre brugeois, il est souvent bon de l'écouter lui-même. Peut-être ne sera-t-il donc pas hors de propos de rappeler au lecteur la signification de ses notations, et le sens de l'une ou l'autre de ses expressions.

Chez STEVIN, on le sait, l'inconnue se représente par son exposant écrit au centre d'une petite circonférence. Je remplacerai celle-ci par une double parenthèse, comme je l'ai fait antérieurement. Mais, il faut signaler quelques particularités nouvelles. Quand l'inconnue a pour coefficient l'unité, celle-ci est mise explicitement en évidence. Si le petit cercle n'est précédé d'aucun chiffre, le coefficient est supposé quelconque. Enfin, le terme tout connu est souvent multiplié par l'inconnue affectée de l'exposant 0. D'après cela, l'expression que nous rencontrons plus loin

mais, 1(1): =x.

(2) (1) (0)= na22 + px + 9,

Quand la proposée renferme un terme du second degré et que la transformée en est débarrassée, STEVIN a parfois une notation très ingé

(1) 1922-275 à 281. Remarques sur l'Arithmetique de SIMON STEVIN.

nieuse pour distinguer les inconnues des deux équations. Il les affecte de véritables indices. Mais il est quelque peu embarrassé pour faire comprendre une idée aussi neuve à ses lecteurs. Il croit pour cela devoir se servir d'une droite. Supposons, dit-il, qu'un des nombres algébraiques quelconques (l'inconnue) soit la droite AB. Divisons la en deux parties au point C. Supposons de plus que BC soit un nombre donné, 2 par exemple, et AC le nouveau « nombre algébraique quelconque », nous aurons

1 (1) AB égale 1 (1) AC + BC égale 1 (1) AC + 2,

CAB ACBC

AC + 2.

Nous l'entendrons tantôt nous donner lui-même cette explication avec plus de détails.

Soit a la valeur de l'inconnue. Il est indispensable de rappeler que STEVIN parle souvent comme si l'équation était écrite sous la forme d'une proportion

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mais, bien entendu, avec la condition implicite que dans les deux rapports l'antécédent est égal au conséquent. D'après cela, les quatre expressions x3, nx2 + px +q, x et a prennent respectivement les noms des premier, second, troisième et quatrième termes proportionnels.

Dans l'emploi des formules dites de CARDAN, on rencontre des expres

3

sions de la forme Va±√. STEVIN les écrit : √ (3) bino a ± √ b en mettant l'indice de la racine dans un petit cercle après le signe V du radical. L'abréviation bino, toujours en italique, indique que le premier radical doit porter sur deux termes, car STEVIN ne fait jamais suivre √ du radical par une barre horizontale couvrant les termes que le signe affecte.

Ces préambules achevés, abordons, la théorie de l'équation du 3o degré. Elle se compose d'un théorème et de trois problèmes numérotés 69-71 (1).

(1) Pour ne pas multiplier des références sans grande utilité je dirai ici, une fois pour toutes, où se trouve la théorie de l'équation du 3 degré dans les différentes éditions de l'Arithmétique.

L'Arithmétique de SIMON STEVIN de Bruges... A Leyde. De l'Imprimerie de Christophle Plantin. M. D. LXXXV. Pp. 302-348.

L'Arithmétique de SIMON STEVIN de Bruges, reveuë, corrigée et augmentée de plusieurs traictez et annotations par ALBERT GIRARD Samielois, Mathematicien. A Leyde de l'Imprimerie des Elzeviers. M.DC.XXV. Pp. 281-324.

THÉORÈME.

« Si on coupe une ligne droicte en lieu quelconque, le cube de toute la ligne sera egal aux deux cubes des parties, et trois fois le solide rectangle contenu sous les deux parties et toute la ligne. »

C'est la formule du cube d'un binome, mais écrite comme suit :

(a + b)3 = a3 + b3 + 3ab (a + b).

La démonstration est géométrique et se divine sans explication à l'inspection de la figure.

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La figure du theoreme devant le 69 probleme ». (1)

Il est bon de remarquer que STEVIN écrit souvent le terme 3ab(a + b) comme suit 3 LH, NF, GC, expression dans laquelle les trois parallélipipèdes rectangles sont désignés par leurs diagonales LH, NF, GC. D'après cela il faut lire

3 LH, NF, GC · paralp LH + paralp NF + paralp GC.

Les Euvres Mathématiques de SIMON STEVIN de Bruges où sont insérées les Mémoires Mathématiques.... le tout reveu, corrigé et augmenté Par ALBERT GIRARD, Samielois, Mathématicien. A Leyde, Chez Bonaventure et Abraham Elzevier.... M.DC.XXXV. T. I, pp. 70-81.

A part quelques détails d'orthographe, les citations sont communes aux trois éditions.

(1) Expression, on le verra, employée systématiquement par STEVIN. La lettre G est supposée placée au sommet du cube qui est caché par le reste de la figure.

Dans l'algèbre géométrique, cette notation avait parfois l'avantage d'abréger la démonstration en dispensant de prouver, ou tout au moins de faire remarquer, l'égalité des trois parallélipipèdes rectangles.

Le théorème est suivi de cinq corollaires, dont voici les deux premiers :

COROL. I. I appert que le quarré AB est égal au quarré de AC avec le gnomon POBA. »

Étant donné un parallélogramme, si on le divise en quatre autres, en menant par un point intérieur des parallèles aux côtés ; les anciens appelaient gnomon la figure angulaire formée par trois de ces parallélogrammes, quand on supprimait le quatrième.

COROL. II.

66

Il est notoire que le gnomon POBA est égal au quarré de CB et le double du produict de AC et CB. "

PROBLEME LXIX,

Estant donnez trois termes, desquels le premier (3), le second (1) (0), le troisiesme nombre algebraique quelconque

proportionnel.

trouver leur quatriesme

C'est à dire, résoudre l'équation

ka3px +9.
2.

« Nota. Le binomie du second terme donné de ce probleme se peut rencontrer en trois differences»: les deux termes sont positifs, le premier est négatif et le second positif, le premier est positif et le second négatif.

« Premiere difference de second terme (1) + (0)

(px+9).

« Explication du donné. Soyent donnez trois termes selon le probleme tels : le premier 1 (33), (3), le second 6 (1) + 40, (6x +40), le troisiesme 11), (c).

66

Explication du requis: Il faut trouver leur quatriesme terme proportionnel, » c'est à dire la valeur de l'inconnue.

En appliquant la formule de CARDAN (1), STEVIN trouve

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La formule de CARDAN fut, semble-t-il, trouvée plutôt par tâtonnements que par une méthode vraiment analytique. Cela parait résulter des démonstrations par lesquelles les algébristes de la seconde moitié du seizième siècle l'établissent. Voici, en résumé et sous une forme algébrique la démonstration de STEVIN.

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(1) En me servant de cette expression, formule de CARDAN. je n'entends pas prendre parti pour lui contre son rival TARTAGLIA ni contre SCIPION DEL Fero. Mais c'est le nom que la formule continue à porter de nos jours. Ensuite, quand il s'agit de STEVIN, il y a une raison particulière de lui conserver le nom; c'est que le géomètre flamand l'a certainement empruntée à l'Ars magna du géomètre italien.

J'aurai à parler encore plusieurs fois de cet ouvrage célèbre. Sa première dition parut à Nuremberg, en 1545, sous le titre de HIERONYMI CARDANI Artis Magnae sive de Regulis algebraicis lib. unus..... Norimbergae, per J. Petreium, 1545. Elle est rare et je n'en connais pas d'exemplaire dans les bibliothèques publiques belges. Mais l'Ars magna a été réédité dans les HIERONYMI CARDANI Medionalensis philosophi ac medici celeberrimi Operum Tomus quartus... Lugdumi, Sumptibus Joannis Antonii Haguetan et Marci Antonii Ravaud. M DC.LXIII, pp. 221-302. C'est l'édition dont je me sers.

L'équation du troisième degré d'après CARDAN a été étudiée dans un bon article de GRAVELAAR, CARDANO's Transmutatie methoden, publié dans le Nieuw Archief voor Wiskunde, 2° série, t. VIII. Je n'ai sous la main qu'un tiré à part, qui n'a pas d'autre indication.

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