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que nous avons indiquées agissent sous nos yeux; remplaçons la matière inerte par la matière productive, la substance passive par l'être actif, le corps seulement organisé par le corps en mouvement; que le poisson reçoive le souffle de la vie; qu'il respire.

En quoi consiste cependant cet acte si important, si involontaire, si fréquemment renouvelé, auquel on a donné le nom de respiration?

Dans les poissons, dans les animaux à branchies, de même que dans ceux qui ont reçu des poumons, il n'est, cet acte, que l'absorption d'une quantité plus ou moins grande de ce gaz oxygène qui fait partie de l'air atmosphérique, et qui se retrouve jusques dans les plus grandes profondeurs de la mer. C'est ce gaz oxygène qui, en se combinant dans les branchies avec le sang des poissons, le colore par son union avec les principes que ce fluide lui présente, et lui donne, par la chaleur qui se dégage; le dégré de température qui doit appartenir à ce liquide et comme, ainsi que tout le monde le sait, les corps ne brûlent que par l'absorption de ce même oxygène, la respiration des poissons, semblable à celle des animaux à poumons, n'est donc qu'une com

bastion plus ou moins lente; et, même au milieu des eaux, nous voyons se réaliser cette belle et philosophique fiction de la poésie ancienne, et qui, du souffle vital qui anime les êtres, faisoit une sorte de flamme secrette plus ou moins fugitive.

L'oxygène, amené par l'eau sur les surfaces si multipliées, et par conséquent si agissantes, que présentent les branchies peut aisément parvenir jusqu'au sang contenu dans les nombreuses ramifications artérielles et veineuses que nous avons déjà fait connoître. Cet élément de la vie peut, en effet, pénétrer facilement au travers des membranes qui composent ou recouvrent ces petits vaisseaux sanguins; il peut passer au travers de pores trop petits pour les globules du sang. On ne peut plus en douter depuis que l'on connoît l'expérience par laquelle Priestley a prouvé que du sang renfermé dans une vessie couverte, même avec de la graisse, n'en étoit pas moins altéré dans sa couleur par l'air de l'atmosphère, dont l'oxygène fait partie; et l'on a su de plus, par Monro, que lorsqu'on injecte, avec une force modérée, de l'huile de térébenthine colorée par du vermillon, dans l'artère branchiale de plusieurs poissons, et parti

culièrement d'une raie récemment morte, une portion de l'huile rougie transsude au travers des membranes qui composent les branchies, et ne les déchire pas.

Mais cet oxygène qui s'introduit jusques dans les petits vaisseaux des branchies, dans quel fluide les poissons peuvent-ils le puiser? Est-ce une quantité plus ou moins considérable d'air atmosphérique disséminé dans l'eau, et répandu jusques dans les abîmes les plus profonds de l'Océan, qui contient tout l'oxygène qu'exige le sang des poissons pour être revivifié ? ou pourroit-on croire que l'eau, parmi les élémens de laquelle on compte l'oxygène, est décomposée par la grande force d'affinité que doit exercer sur les principes de ce fluide un sang très-divisé et répandu sur les surfaces multipliées de branchies? Cette question est importante; elle est liée avec les progrès de la physique animale: nous ne terminerons pas ce discours sans chercher à jeter quelque jour sur ce sujet dont nous nous sommes occupés les premiers, et que nous avons discuté dans nos cours publics, dès l'an 3; continuons cependant, quelle que soit la source d'où découle cet oxygène, d'exposer les phénomènes relatifs à la respiration des poissons.

Pendant l'opération que nous examinons, le sang de ces animaux non seulement se combine avec le gaz qui lui donne la couleur et la vie, mais encore se dégage, par une double décomposition, des principes qui l'altèrent. Ces deux effets paroissant, au premier coup d'œil, pouvoir être produits au milieu de l'atmosphère aussi bien que dans le sein des eaux, on ne voit pas tout d'un coup pourquoi, en général, les poissons ne vivent dans l'air que pendant un tems assez court, quoique ce dernier fluide puisse arriver plus facilement jusques sur leurs branchies, et leur fournir bien plus d'oxygène qu'ils n'ont besoin d'en recevoir. On peut cependant donner plusieurs raisons de ce fait remarquable. Premièrement, on peut dire que l'atmosphère, en leur abandonnant de l'oxygène avec plus de promptitude ou en plus grande quantité que l'eau, est pour leurs branchies ce que l'oxygène très-pur est pour les poumons de l'homme, des quadrupèdes, des oiseaux et des reptiles; l'action vitale est trop augmentée au milieu de l'air, la combustion trop précipitée, l'animal, pour ainsi dire, consumé. Secondement, les vaisseaux artériels et veineux, disséminés sur les surfaces branchiales, n'étant pas contenus

dans l'atmosphère par la pression d'un fluide aussi pesant que l'eau, cèdent à l'action du sang devenue beaucoup plus vive, se déchirent, produisent la destruction d'un des organes essentiels des poissons, causent bientôt leur mort; et voilà pourquoi, lorsque ces animaux périssent pour avoir été pendant long-tems hors de l'eau des mers ou des rivières, on voit leurs branchies ensanglantées. Troisièmement enfin, l'air, en desséchant tout le corps des poissons, et particulièrement le principal siège de leur respiration, diminue et même anéantit cette humidité, cette onctuosité, cette souplesse dont ils jouissent dans l'eau, arrête le jeu de plusieurs ressorts, hâte la rupture de plusieurs vaisseaux et particulièrement de ceux qui appartiennent aux branchies. Aussi verrons-nous, dans le cours de cet ouvrage, que la plupart des procédés, employés pour conserver dans l'air des poissons en vie, se réduisent à les pénétrer d'une humidité abondante, et à préserver sur-tout de toute dessication l'intérieur de la bouche, et par conséquent les branchies; et, d'un autre côté, nous remarquerons que l'on parvient à faire vivre plus long-tems hors de l'eau ceux de ces animaux dont les organes respiratoires

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