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rissable et une perfection vraiment divine.

La décadence des lettres, qui suit communément l'application générale à l'étude des sciences exactes et utiles, sembloit favoriser cette guerre, déclarée

par

la plupart des naturalistes modernes aux mânes de Buffon; guerre scandaleuse de la médiocrité, jalouse d'une gloire qu'elle désespéroit de partager; irruption impétueuse du mauvais goût, et que l'on pourroit considérer avec toute raison comme un vrai vandalisme scientifique. Et au milieu de ce débordement d'attentats contre la mémoire d'un auteur qui fut une des plus brillantes conquêtes de l'immortalité, l'on vit des hommes se faire un nom, par des critiques aussi indécentes qu'envenimées; des écoliers se croire des maîtres, parce qu'à l'exemple de certains précepteurs ils prodiguoient les outrages contre le génie ; et les uns comme les autres insultant à l'image de

Buffon, consacrée sous ses yeux mêmes par un grand monarque, dans l'édifice public destiné aux productions de la Nature, monter avec effort sur cette belle statue, monument honorable pour le gouvernement qui l'éleva, vouloir la transformer, tout en la déchirant, en marche-pied de leur réputation, et se croire de grands hommes, parce qu'ils se guindoient et se tenoient avec adresse sur la tête d'un grand homme; mais l'illusion n'étoit que pour eux et pour quelques partisans obscurs; les bons esprits n'en devenoient pas la dupe; et il n'étoit pas difficile de s'apercevoir qu'une pareille exaltation n'étoit que factice et, pour ainsi dire, d'emprunt et qu'au pied du colosse ces êtres si exhaussés ne paroîtroient, dès qu'ils seroient livrés à eux-mêmes, que dé chétifs pygmées.

Et que l'on ne s'imagine pas que l'exagération ait quelque part à cette peinture d'une criminelle ingratitude

envers un écrivain que ses contempo rains vénérèrent, que les siècles à venir ne se lasseront pas d'admirer. Isolé, travaillant dans le silence et la retraite, ne tenant à d'autre parti qu'à celui de la vérité, dédaignant toute coterie où l'on doit faire profession d'être soumis à l'opinion impérieusement énoncée de quelques dominateurs, croyant de bien bonne foi que d'autres que mes amis peuvent avoir de l'esprit, convenant même qu'il en est quelques-uns parmi eux qui n'en ont guère, quoique commandant la plus haute estime, je me suis contenté de présenter le résultat de faits qui sont, pour ainsi dire, de notoriété publique, de ceux dont j'ai été le témoin, de ceux enfin que je tiens de personnes dignes de toute confiance. A' ces témoignages accumulés, je joindrai celui d'un naturaliste estimable, que la mort vient d'enlever, d'Audebert, auteur, d'une magnifique Histoire des Singes et des Makis, et du nombre de ceux qui

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ne se sont pas laissés entraîner par un torrent éphémère. « Il a fallu, dit – il dans son Discours préliminaire, page 7, toute la sagacité de Buffon pour dé-brouiller le cahos de l'Histoire des Singes, toute la vivacité de son génie,' pour percer les nuages qui voiloient la vérité, et malgré quelques erreurs dans lesquelles il est tombé, malgré les ridicules clameurs de ses nombreux ennemis (1), c'est encore à son bel, ouvrage qu'il faut avoir recours pour connoître la nature des Singes; car depuis cet

(1)« Qui croiroit que, Buffon, le créateur du museum français, l'un des plus beaux génies que la France ait produits, soit l'objet des dédains de quelques nomenclateurs; à les entendre, Buffon n'est pas naturaliste ; il n'est qu'un romancier, qu'un fabuliste, qui s'est permis de donner une ame aux animaux, qu'un littérateur élégant. Et ce n'est pas ainsi, disentils, que nous traitons l'histoire naturelle. Cela est vrai». Il est néanmoins juste d'observer que l'assertion d'Audebert ne doit pas être entendue trop généralement; il existe parmi les naturalistes, même au museum français, quelques exceptions, d'autant plus honorables qu'elles sont plus rares.

immortel auteur on n'a rien fait, ni rien découvert de bien important, relativement à l'histoire et à la nature de ces animaux. Je ne pense pas que' l'on veuille donner le nom de découvertes à ce grand nombre de méthodes de classifications nouvelles que chacun imagine ».

C'étoit donc une entreprise tout à la fois utile à la renommée de Buffon et aux amateurs éclairés de la littérature et des sciences; c'étoit une sorte d'amende honorable pour les blasphêmes lancés contre la mémoire de ce grand écrivain; c'étoit aussi un des meilleurs moyens d'imposer silence à ses détracteurs, que de mettre ses (Euvres au niveau des découvertes et des connoissances: actuelles; et par ces expressions, je n'entends pas plus qu'Audebert les; classifications nouvelles qui se succèdent avéc une rapidité effrayante pour quiconque voudra se livrer dans la suite à l'étude de l'Histoire naturelle; de rectifier quel

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