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S'il avait voulu plaire, il eût manqué son but;
Il était sûr au moins d'opérer son salut.

Il ennuya; d'accord: tout rimailleur apôtre

Use amplement du droit d'ennuyer plus qu'un autre. Béni par les croyans quand ses vers sont maudits, S'il ne monte au Parnasse, il monte en Paradis.

Pour vous, auteur profane, en un sujet fertile
Fuyez des longs discours l'étalage inutile.
L'éloquent écrivain n'est jamais babillard :
Qui sait beaucoup dit peu, mais choisit avec art;
Qui ne sait rien dit tout, hors ce qu'il fallait dire.
Et ne rirait-on pas du poète en délire
Qui, chantant le bel art par l'amour inventé,
Et qu'au point le plus haut Raphaël a porté,
Au lieu de peindre aussi nous déduirait par liste
L'école, les travaux, le nom de chaque artiste,
Et, poursuivant au Louvre, une plume à la main,
Titien, Michel-Ange, et Rubens, et Poussin,
Épuisant Gérard-Dow, Miéris et Van-Ostade,
N'osant nous épargner la moindre bambochade,
Copiste sans génie, et même sans pinceaux,
Du Muséum entier rimerait les tableaux?

Que le Pinde français laisse à la Germanie
Du genre descriptif l'insipide manie.

Thompson, chez les Anglais, l'a sans doute illustré;

Et son vers, toujours noble, est souvent inspiré.

Un peu froid, mais facile, harmonieux et sage,
Saint-Lambert peignit moins, et pensa davantage;

Et Delille, égalant ces heureux écrivains,
Sur le ton didactique a chanté les jardins.
On retrouvait encor l'élève de Virgile;
Si même il a depuis, plus recherché qu'habile,
Étalé dans ses vers le prestige éclatant

D'un feu qui, sans chaleur, s'évapore à l'instant,
Jaillissant quelquefois, après mainte bluette,
Un beau trait nous enflamme, et révèle un poète.
Quant aux plats écoliers qui, dans leurs plats essais,
Vont décrivant toujours et ne peignant jamais,
Nisas peut les guinder au-dessus des archanges;
Mais, trébuchant bientôt sous le poids des louanges,
Ils iront dans l'oubli rejoindre sans retour
Les romans de Fiévée, et les vers de Baour.

Amans, dignes amans des filles de mémoire,
Qui dédaignez la vogue, et chérissez la gloire,
Préservez vos écrits de ce goût insensé
Produit par l'ignorance, et par elle encensé.
Ce n'était pas ainsi que l'élégant Virgile
Chantait l'art d'obtenir une moisson fertile,
Sous quel astre à la vigne il faut unir l'ormeau,
Par quels soins le pasteur conserve son troupeau,
Et comment se maintient, dans sa ruche agitée,
Le peuple industrieux, délice d'Aristée.

Ce n'était

pas ainsi que l'Horace français,

Du Pinde à ses rivaux facilitant l'accès,
Respectant à la fois le sens et l'harmonie,
Frappait ces vers heureux, proverbes du génie,
Et qui, de bouche en bouche en naissant répétés,
Lus, relus mille fois, sont encor médités.

VARIANTES.

Au lieu de ces deux vers,

L'un, en moitiés de vers distribuant sa prose,
Comptant chaque pistil dans l'œillet ou la rose,

on lit dans les éditions précédentes:

L'un, poète ignorant, mais botaniste habile,
Dans la rose ou l'œillet comptant chaque pistile, etc.

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