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VIII. Regarde au travers de l'air, sur la terre,

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tière près d'éclore, s'agiter, crever, et produire. Quelle progression d'êtres s'élève en haut, s'étend sur la surface, se cache dans la profondeur? Quelle chaîne qui commence depuis Dieu! Natures éthérées et terrestres, ange, homme, bête, oiseau, poisson, insecte; étendue que l'œil ne peut voir, que l'optique ne peut atteindre, depuis l'infini jusqu'à toi, depuis toi jusqu'au néant! si nous pouvions empiéter sur les puissances supérieures, les inférieures le pourraient sur nous; autrement il y aurait un vide dans la création, où un dégré étant ôté, toutes les proportions sont détruites; où un chaînon étant rompu, toute la grande chaîne est brisée, et l'est également, que ce chaînon soit le dixième ou le dix-millième.

Si chaque monde se meut dans un ordre graduel qui n'est pas moins de son essence que de celle de l'univers, ce tout merveilleux, la moindre confusion dans un seul entraînerait non-seulement la ruine de ce monde particulier, mais encore celle du grand tout. La terre perdant son équilibre s'écarterait de son orbite; les planètes et le soleil courraient sans règles au travers des cieux, les anges présidant à chaque sphère en seraient précipités, un être s'abîmerait sur un autre être, un monde sur un autre monde; toute la fondation des cieux s'ébranlerait jusque dans son centre; la nature frémirait jusques au trône de Dieu; tout cet ordre admirable serait rompu. Pour qui? pour toi, ver méprisable! O folie, orgueil, impiété!

IX. Que si le pied destiné à fouler la poussière, ou la main destinée au travail, aspirait d'être la tête ; si la tête, l'œil ou l'oreille se fâchaient de n'être que les purs instrumens de l'esprit qui les gouverne; quelle absurdité! et ce n'en est pas une moindre si, dans cette machine générale, une partie prétend être une autre partie, et se révolter contre la tâche ou la peine que le grand esprit ordonnateur de tout a marquée.

All are but parts of one stupendous whole,
Whose body Nature is, and God the soul;
That, chang'd thro' all, and yet in all the same;
Great in the earth, as in th' æthereal frame;
Warms in the sun, refreshes in the breeze,
Glows in the stars, and blossoms in the trees,
Lives thro' all life, extends thro' all extent,
Spreads undivided, operates unspent ;
Breathes in our soul, informs our mortal part,
As full, as perfect, in a hair as heart;
As full, as perfect, in vile Man that mourns,
As the rapt Seraph that adores and burns :
To him no high, no low, no great, no small;
He fills, he bounds, connects, and equals all.

X. Cease then, nor ORDER Imperfection name :
Our proper bliss depends on what we blame.
Know thy own point: This kind, this due degree
Of blindness, weakness, Heav'n bestows on thee.
Submit. In this, or any other sphere,

Secure to be as blest as thou canst bear
Safe in the hand of one disposing Pow'r
Or in the natal, or the mortal hour.
All Nature is but Art, unknown to thee;

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All Chance, Direction, which thou canst not see;

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All Discord, Harmony not understood;

All partial Evil, universal Good:

And, spite of Pride, in erring Reason's spite,

One truth is clear, WHATEVER IS, IS RIGHT.

Tout ce qui existe n'est que partie d'un tout surprenant dont la nature est le corps, et dont Dieu est l'ame; il se diversifie dans chaque être, et cependant il est toujours le même. Il est aussi grand dans l'économie de la terre que dans celle de la machine éthérée. Il échauffe dans le soleil, rafraîchit dans le zéphir, brille dans les étoiles et fleurit sur les arbres. Il vit dans chaque vie, s'étend dans toute étendue, se répand sans se partager, donne sans rien perdre, respire dans notre ame, anime notre partie mortelle, également parfait dans la formation d'un cheveu et dans celle du cœur, dans l'homme vil qui se plaint, et dans le séraphin transporté qui n'est qu'amour et que louange; pour lui rien de haut, de bas, de grand, de petit ; il remplit, il limite, il enchaîne, il égale tout.

X. Cesse donc, et ne taxe point cet ordre d'imperfection. Notre bonheur dépend de ce que nous blâmons. Connais ton être, ton point. Le ciel t'a donné un juste, un heureux degré d'aveuglement et de faiblesse. Soumets-toi, sûr d'être aussi heureux que tu peux l'être dans cette sphère ou dans quelqu'autre sphère que ce soit; et certain, ou à l'heure de ta naissance, ou à celle de ta mort, de trouver ton salut entre les mains de qui dispose de tout. La nature entière est un art, et un art qui t'est inconnu; le hasard est une direction que tu ne saurais voir; la discorde est une harmonie que tu ne comprends point; le mal particulier est un bien général ; et en dépit de l'orgueil, en dépit d'une raison qui s'égare, cette vérité est évidente: :: QUE TOUT CE QUI EST, EST BIEN.

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EPISTLE II.

I. Know then thyself, presume not God to scan; The proper study of Mankind is man.

Plac'd on this Isthmus of a middle state,

A being darkly wise, and rudely great :

With too much knowledge for the sceptic side,
With too much weakness for the stoic's pride,
He hangs between; in doubt to act, or rest;
In doubt to deem himself a God; or Beast;
In doubt, his Mind or Body to prefer;
Born but to die, and reas'ning but to err;
Alike in ignorance, his reason such,

Whether he thinks too little, or too much:
Chaos of Thought and Passion, all confus'd;
Still by himself abus'd, or disabus'd;
Created half to rise, and half to fall;

Great lord of all things, yet a prey to all;

Sole judge of Truth, in endless Error hurl'd :

The glory, jest, and riddle of the world!

Go, wond'rous creature! mount where Science guides,

Go, measure earth, weigh air, and state the tides;
Instruct the planets in what orbs to run,

Correct old time, and regulate the Sun;
Go, soar with Plato to th' empyreal sphere,
To the first good, first perfect, and first fair;
Or tread the mazy round his follow'rs trod,
And quitting sense call imitating God;
As eastern priests in giddy circles run,
And turn their heads to imitate the Sun.

EPITRE II.

I. Apprends donc à te connaître toi-même, et ne prétends point scruter la divinité. L'étude propre de l'homme est l'homme. Placé dans une espèce d'isthme, d'un état mixte, être obscurement habile, grossièrement grand, avec trop de connaissance pour le doute sceptique, et trop de faiblesse pour la fierté stoïque, il est comme en suspens et dans l'incertitude d'agir ou de rien faire, de se croire un Dieu ou une brute, de donner la préférence ou au corps ou à l'esprit. Seulement né pour mourir, il ne raisonne presque que pour s'égarer ; et telle est cette raison, qu'elle s'égare également pour penser trop et pour penser trop peu. Chaos de raisonnement et de passions, tout est confus; continuellement abusé ou désabusé par lui-même; créé en partie pour s'élever et en partie pour tomber; maître de toutes choses, et lui-même la proie de toutes; seul juge de la vérité, et, se précipitant sans fin dans l'erreur, la gloire, le jouet, l'énigme du monde.

Va, créature surprenante, monte où les sciences te portent; mesure la terre, pèse l'air, règle les marées, instruis les planètes du cours qu'elles doivent observer; corrige le vieux temps et guide le soleil. Elève-toi avec Platon jusques à l'empirée, jusques au premier bien, au premier parfait, au premier beau, ou entre dans les labyrinthes qu'ont frayé ses successeurs, et prétends qu'en abandonnant le bon sens tu imites Dieu : semblable à ces prêtres de l'Orient, qui, par leurs agitations orbiculaires, tombent dans des vertiges, et croient par leurs tournoiements de tête imiter le soleil. Va, et apprends à la sagesse éternelle comment elle doit gouverner; ensuite rentre en toi-même, qu'y retrouveras-tu? l'imbécillité.

Lorsque dans ces derniers temps les êtres supérieurs virent un homme mortel développer les lois de la nature, ils admirèrent une

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