ploitée sans interruption depuis plus de cinq siècles; cet échantillon de sel gemme est extrait des mines de Wieliczka, qui offrent un village souterrain. Il y a plus, ce diamant cristallisé, qui m'a coûté cinq francs, est beaucoup plus précieux pour l'étude que le Régent ou le diamant du roi de Maroc; cette poignée de rubis que je n'ai eu que la peine de ramasser dans les sables d'un ruisseau du Dauphiné, m'en apprendra davantage que ce rubis de même nature et qui est le plus riche ornement d'une parure avec laquelle on pourrait acheter une maison de campagne. Ce n'est donc pas le volume, mais le choix des échantillons bien caractérisés, bien variés d'aspects, qui offre un véritable avantage pour l'étude. D'ailleurs une foule de minéraux, et ce sont les plus rares, les plus précieux, ne s'offrent que sous des volumes très-bornés. Les gemmes sont de ce nombre, et je ne connais guère que le grenat, l'aigue-marine, et quelques topases que l'on puisse se procurer, sans de très-grands sacrifices, d'un volume un peu considérable; car tout le monde sait qu'un fragment de gemme orientale, sans défauts, et qui a seulement la grosseur du pouce, réclame une place dans le diadème des Souverains. Quelques efforts, quelques sacrifices que fasse l'homme le plus opulent, il ne peut donc assortir, quant au volume, la plupart des morceaux de sa collection. A cet égard tous les cabinets offrent des disparates énormes et inévitables, et le Minéralogiste sait que parmi les pierres sans utilité dans les arts, et par cela même inconnues des gens du monde, il en est qui ne se sont trouvées qu'en très-petits fragmens; ainsi, le plus fort échantillon d'euclase, qui existe en France, n'a pas la grosseur du petit doigt. "Que l'amateur peu fortuné se console donc, en pensant que la nature elle-même a mis un terme au désir inconsidéré de celui qui n'admire un minéral qu'en raison du prix qu'il lui a coûté. Une collection modeste d'échantillons de moyenne grosseur lui sera aussi utile que le muséum d'un Souverain; et le plaisir qu'il aura trouvé à faire cette collection ajoutera à sa possession ce plaisir sera plus vif, s'il a occasion de faire quelques voyages dans des parties de la France ou de l'Europe, riches en minéraux. On attache sur-tout du prix au morceau de métal qu'on a détaché soi-même de la mine, ou à l'agate qui s'est présentée sous nos pas, et qu'on a devinée sous la grossière apparence d'un caillou informe dédaigné du vulgaire. Chaque échantillon qu'on a ainsi recueilli, devient l'objet ou l'occasion d'une historiette sur les localités, sur les mœurs des mineurs, sur les circonstances qui ont accompagné cette petite récolte. Les personnes qui se trouvent à même d'augmenter leurs richesses minéralogiques par quelque voyage, font très - bien de faire une petite collection de chaque espèce de minéral qu'elles peuvent se procurer à peu de frais; les doubles, dans ce cas, sont utiles pour faire des échanges avec d'autres amateurs ou même avec les marchands; et je connais des minéralogistes qui se sont fait ainsi de très-belles collections avec cinq ou six espèces minérales recueillies dans des voyages: à leur retour ils échangeaient cent fragmens détachés d'une même mine, avec cent échantillons de différentes substances; c'est sur-tout quand on recueille pour échanger, qu'il faut choisir les morceaux les plus beaux, les plus volumineux, puisqu'il n'en coûte pas davantage, ou que du moins il n'y a que la différence du port. il Une autre attention que l'amateur qui voyage doit avoir, c'est de s'informer, avant son départ, des substances particulières au pays qu'il va visiter et de celles qui y manquent, parce que, si les minéraux qui se trouvent aux environs de Paris, par exemple, sont rares dans le lieu où il doit aller, peut s'en munir pour y faire des échanges avantageux. Telle substance fort abondante à Montmartre, à Mesnil-Montant et aux environs de Fontainebleau, a été transportée en Russie pour y être échangée contre des minéraux de Sibérie auxquels nous mettons beaucoup de prix. Quelques marchands voyageurs qui avaient une connaissance approfondie des localités où se trouvait chaque substance minérale, et du prix qu'on y attachait dans divers pays, se sont enrichis non pas à acheter et revendre, mais à ramasser des minéraux pour les transporter dans les lieux où chaque espèce avait le plus de prix. Ainsi nous verrons, en traitant des quartz, que les Hollandais échangeaient en Chine des agates achetées à bas prix en Allemagne (ce sont celles des montagnes des environs d'Oberstein, département de la Sarre), contre d'autres que nous regardons comme fort précieuses, et dont ils retiraient en Europe un prix très-élevé. C'est ainsi que dans le règne végétal beaucoup de plantes reçoivent un prix particulier, soit par leur ra, reté, soit en raison du goût de chaque peuple. La sauge officinale, si commune dans les départemens méridionaux de la France, se paye à la Chine et au Japon plus cher que le bon thé; aussi en transporte-t-on dans ces pays pour y faire des échanges qui tournent au profit de notre commerce. On voit que l'objet de cette petite dissertation, qui n'est point étranger aux études qui nous occupent, est de prouver que les collections minéralogiques, si utiles pour l'étude, l'étude, peuvent toujours se faire à peu de frais quand de frais quand on n'a en vue que l'utilité, et que l'on n'est point dirigé par un sentiment étranger à l'amour de la science. Loin donc de courir après les morceaux volumineux, j'ai su me borner, et quand je n'ai pu faire autrement, j'ai divisé les gros échantillons, afin d'en choisir un fragment assorti, pour la grosseur, aux autres morceaux de ma collection (1). Sans cette précaution, que l'on ne saurait prendre de trop bonne heure si l'on veut borner sa dépense,on risque : (1) Souvent, en effet, on ne trouve chez les marchands que dé gros échantillons: alors, si l'on a absolument besoin d'une substance pour se compléter, on se résout à acheter un de ces échantillons, sauf à le diviser. Un peu d'habitude apprend à donner le coup de marteau de manière à ne pas briser un gros morceau en top petits fragmens: c'est l'habitude qui apprend aussi à diriger le coup de façon à ne pas endommager les cristaux, s'il y en a, et qu'on veuille les avoir intacts. En général, on posé le morceau que l'on veut diviser par la percussion, sur un linge, et on le soutient de la main gauche. Les fragmens de diverses grosseurs que l'on ne veut pas placer dans la collection, servent à des échanges, ou se donnent à des amateurs. J'ai remarqué que le goût de l'histoire naturelle établissait un commerce de politesses et de prévenances plus d'une fois des amateurs fixés dans les départemens éloignés de Paris, et qui n'étaient venus qu'en passant visiter mes collections, m'ont adressé des productions qu'ils pouvaient se procurer dans leur voisi nage et qu'ils croyaient m'être agréables. Cette bienveillance est assez générale entre gens qui cultivent la Minéralogie : celui qui à recueilli dans ses voyages beaucoup d'échantillons d'une même substance, se fait un plaisir, et met une espèce d'amour-propre à distribuer le fruit de sa récolte parmi les amateurs; il s'empresse sur-tout à leur faire parvenir les nouvelles variétés qu'il a découvertes, parce qu'il sait que ces cadeaux sont très-précieux pour les collections; d'un autre côté, ceux qui reçoivent, saisissent avec plaisir les occasions de s'acquitter, et voilà comment certaines personnes se sont formées à peu de frais des collections précieuses, dont la plupart des morceaux avaient un double prix, celui qu'il tenait du rang qu'il occupe dans la série des minéraux, et celui qu'il devait à de touchans souvenirs. |