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Amours, dans son Art d'aimer, dans ses Héroïdes : un goût plus sévère aurait fait de cette science séduisante un usage plus discret. Ovide paraît trop chercher à étaler non seulement son esprit, mais son savoir; il ne maîtrise ni son imagination ni sa mémoire; il ne veut rien perdre ou de ce qu'il invente, ou de ce qu'il sait. Properce est tombé dans le même abus de la mythologie, et c'est le défaut d'un assez grand nombre de poètes latins, particulièrement de ceux qui ont écrit dans les tems de la décadence. Je ne sais même si l'idée première du poème des Métamorphoses, si le projet de réunir dans un même cadre tant de tableaux divers, n'est pas un abus : car ces tableaux heureux ne sont liés entre eux que par la ressemblance et la conformité des aventures qu'ils représentent; mais si le dessein de l'ouvrage est un excès, c'est du moins un des excès les plus agréables, un des abus les plus brillans que le génie d'un poète se soit jamais permis. Avec quel art, avec quel esprit, et par combien de transitions finement ménagées, Ovide n'a-t-il pas su enchaîner entre elles les parties naturellement incohérentes de son sujet! Ce sujet avait en lui-même deux vices essentiels, deux vices auxquels il était impossible de remédier, et qu'il fallait dissimuler et couvrir par un prodige d'adresse : le défaut absolu d'unité, résultant de la diversité naturelle des matières; la monotonie, nécessairement attachée à l'identité des aventures et à la ressemblance des catastrophes, qui sont toujours des métamorphoses; ainsi le fond du poème réunissait en quelque sorte les contraires : une variété très-difficile à soumettre au joug étroit de l'unité, et en même tems une monotonie qui semblait exclure toute variété. Il n'y avait qu'un poète tel qu'Ovide, qu'un esprit aussi agile, aussi flexible, aussi souple que le sien, qui pût espérer de fran

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chir de tels obstacles, ou plutôt qui pût se jouer ainsi des plus grandes difficultés. Le bonheur de l'exécution excuse la témérité du projet il n'est guère possible d'être plus hardi et plus heureux; les Métamorphoses sont un tour de force, mais un tour de force fait avec tant de grâce, avec tant d'aisance, avec un succès qui écarte si bien toute idée de violence, d'effort et de peine, qu'on est tenté de croire que l'extrême difficulté du sujet, loin d'être une barrière pour la verve et l'imagination du poète, a servi de véhicule à son génie dangereux exemple qui perdrait quiconque vondrait le suivre, sans avoir les mêmes ressources dans le talent, et la même mobilité dans l'esprit : en littérature, comme dans tout le reste, les exceptions ne sauraient faire loi; et les invoquer, ce n'est point demander justice, mais exiger un privilége.

FINIS TESTIMONIORUM ET JUDICIORUM DE P. OVIDIO NASONE.

NOTITIA LITERARIA

DE

P. OVIDIO NASONE.

Si Ovide n'est pas un écrivain aussi parfait que Virgile et Horace, les sujets qu'il a traités avec tous les talens de l'esprit et toutes les ressources de la plus brillante imagination, l'ont rendu aussi cher aux lecteurs : l'imprimerie a donc reproduit ses ouvrages presque aussi souvent que ceux de ses illustres rivaux. Faire de ces éditions une énumération complète et fidèle, était un travail aussi long que pénible. J. Albert Fabricius l'avait ébauché dès les premières années du 18. siècle. Les éditeurs de l'OVIDE de Deux-Ponts l'ont continué avec succès en 1783; mais ceux de l'OVIDE de Strasbourg, en 1807, l'ont bien perfectionné. Je m'honorerai de suivre les traces de ces savans hommes; heureux si, à l'aide de quelques corrections et de nombreuses additions, je réussis à présenter sur Ovide une notice littéraire et bibliographique qui ne laisse presque rien à désirer!

B.

NOTITIA LITERARIA

DE

P. OVIDIO NASONE,

EX JO. ALB. FABRICII BIBLIOTHECA LATINA A JO. AUG. ERNESTI AUCTIUS EDITA, TOM. 1, CAP. 15.

OVIDII ATAS ET VITA.

PUBLIUS OVIDIUS NASO, ex ordine equestri, natus Sulmone in Pelignis, a. U. C. 711, Hirtio et Pansa coss., XIII kal. April. Vitam suam ipse describit IV, 10 Tristium. Propter ingenium miramque versus suavissimos, elegiacos præsertim, effundendi facilitatem; de qua vid. D. Heinsium de tragœd. Const. c. 13, universis gratus et ac

1 Ex hujus Nasonis posteris fuit Nasonius Ambrosius, qui sepulchrum Nasonum in via Flaminia Romæ exstrui curavit, si credimus Jo. Petro Bellorio, in descriptione ejus sepulchri, a Petro Sancto Bartholo delineati tom. XII Thesauri Antiq. Roman. pag. 1041. M. Actorii Nasonis mentio apud Sueton. Cæsare, cap. 9; Axii Nasonis apud Grolum Patinum in numo, pag. 44 famil. Rom. Alius Q. Ovidius, ad quem Martialis, X, 44. At in versione veteri Josephi initio lib. XII Antiq. et apud Freculphum pro Ovidio Sabatareide legendum Cnidius Agatharchides, ut Meursio in Bibl. Græc. pag, 1200, observatum. Ovidii vita scripta a Bono Accursio fuit in Bibl. Is. Vossii. Apud Capellam, lib. VIII, p. 273, Pelignus juvenis, intelligitur Ovidius.

2 Ovidius de se lib. I de Remedio Amoris extrem. « Tantum se nobis elegi debere fatentur, Quantum Virgilio nobile debet opus. » Poemata illius ipso etiamnum superstite decantari solita observat Salmasius ad Solin. pag. 601. Versus unus Ovidii omnium durissimus, et judice Franc. Vavassore, pag. 38 libri de Epigrammate, vix excusandus, hic est: Vix excusari posse mihi videor.

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