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A quel port est venu le vaisseau radieux,

Mis à flot dans l'orage, à la merci des cieux,
Il me faudrait la voix d'une cloche sonore,

Un luth d'or, et chanter de l'une à l'autre aurore!

Un poète viendra sur ces tombes, un jour,
Dire les chants de guerre et les doux lais d'amour.

A ce peuple de morts il soufflera la vie;
Les siècles renaîtront dans son ame ravie;

Les hommes, aux concerts du barde harmonieux,
Croiront ressusciter au siècle des aïeux,

Et le pécheur du lac, en repliant ses voiles,
Redira chaque soir son poème aux étoiles,

Et, comme un doux parfum de nos riants déserts,
L'antique souvenir montera dans les airs.

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Aux tombeaux des aïeux inclinons nos genoux,
Frère, et prions pour eux !

Ils ont agi pour nous!

Ici, Messieurs, finit le poème. Si, en le parcourant, nous avions hésité à juger son auteur, si la balance était restée indécise entre nos mains, le poids de ce remarquable fragment que je viens de lire, l'aurait fait monter jusqu'à la couronne à laquelle le poète a acquis d'incontestables droits. Sans doute, il existe des lacunes dans l'ouvrage; l'auteur nous le dit lui-même dans une note où il annonce qu'il complétera son œuvre. Qu'il se hâte donc, et en célé

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RAPPORT SUR LE PRIX DE POÉSIE.

brant un des monuments qui honorent notre pays, il verra son nom, gravé sur le frontispice, passer à la postérité.

Nota. L'auteur du Poème couronné est M. J.-P. VEYRAT.

MATÉRIAUX HISTORIQUES

ET

DOCUMENTS INÉDITS

EXTRAITS

DES ARCHIVES DE LA VILLE DE CHAMBÉRY.

Par M. le Marquis Gosta de Beauregard.

Ter MÉMOIRE.

Avant l'époque où les princes fondateurs de la monarchie de Savoie prirent un ascendant décidé sur les petites puissances environnantes, le pays qui depuis a formé leur domaine, était partagé entre un grand nombre de seigneurs, de comtes, de barons, tous, dans l'origine, simples officiers des empereurs ou des rois de Bourgogne, puis devenus héréditaires, quelques-uns même vassaux perpétuels et immédiats

de l'empire germanique. Fiers de leur force, jaloux à l'excès de leur indépendance, ces puissants feudataires visaient sans cesse à la consolider aux dépens de l'autorité souveraine, et sentirent l'importance de s'assurer des retraites qui pussent les protéger contre la vengeance du suzerain, ou les mettre à l'abri des entreprises belliqueuses de leurs ambitieux rivaux. Ce fut alors que, sur les rochers escarpés qui bordent nos vallées, on vit s'élever ces sombres forteresses dont les ruines parlent aujourd'hui si éloquemment à notre imagination. Souvent les anciennes chroniques nous représentent ces châtelains guerriers s'élançant de leurs donjons comme l'aigle de son aire, pour dépouiller le voyageur et semer autour d'eux l'épouvante et la ruine. Mais ces murs furent aussi les muets témoins de nobles actions; l'honneur, l'hospitalité, la gloire, ont habité leur enceinte, et des faits d'un grand intérêt pour l'histoire s'y sont accomplis. S'il nous était donné de faire parler ces nobles débris que le temps et le vandalisme des spéculations font chaque jour disparaî– tre, quel charme nous offriraient leurs intéressantes révélations! Peu de tâches seraient plus belles, plus véritablement patriotiques que de rechercher dans les documents contemporains les souvenirs historiques de ces antiques manoirs, et ceux des familles illustres qui les habitèrent; mais malheureusement fort peu de ces titres précieux nous ont été conservés; beau

coup périrent dans les invasions qui suivirent la Réforme. Les Valaisans et les Bernois dévastèrent alors nos plus belles vallées, portèrent le fer et la flamme dans les monastères et les châteaux du Chablais, du Faucigny, des bailliages de Gaillard, de Gex et de Ternier, et anéantirent des documents dont la perte est irréparable pour l'histoire de ces provinces. Toutefois, un grand nombre avait échappé à la barbarie de ces sauvages novateurs; car, en 1650, époque où Charles-Auguste de Sales écrivait son Pourpris historique, il fut à même de compulser les archives des principales familles de Savoie, et plus de cinquante mille titres lui furent alors communiqués (1). Il était réservé aux philosophes, à ces protecteurs éclairés des sciences et des lettres, d'anéantir les sources les plus précieuses de l'histoire dans les stupides fureurs de la révolution qui fut leur ouvrage. Que l'on ne m'accuse point ici d'exagération : qui ne sait que, le 19 juin 1792, Condorcet, à la tribune de la Convention nationale, fit décréter d'urgence la destruction de tous les titres qui existaient dans les dépôts des départements: « C'est aujourd'hui (dit-il ) que dans la capi<< tale la raison brûle, aux pieds de la statue de << Louis XIV, ces immenses volumes qui attestent la << vanité de la noblesse ; d'autres vestiges en subsistent

(1) Pourpris historique, page 26.

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