Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE V.

De la figure des orbes des Comètes, et des lois de leur mouvement autour du Soleil.

Le soleil étant au foyer des orbes planétaires, il est naturel de le supposer pareillement au foyer des orbes des comètes. Mais ces astres disparaissant après s'être montrés pendant quelques mois au plus; leurs orbes, au lieu d'être presque circulaires comme ceux des planètes, sont très-alongés, et le soleil est fort voisin de la partie dans laquelle ils sont visibles. L'ellipse, au moyen des nuances qu'elle présente depuis le cercle jusqu'à la parabole, peut représenter ces orbes divers; l'analogie nous porte donc à mettre les comètes en mouvement dans des ellipses dont le soleil occupe un des foyers, et à les y faire mouvoir suivant les mêmes lois que les planètes, ensorte que les aires tracées par leurs rayons vecteurs, soient proportionnelles aux temps.

Il est presque impossible de connaître la durée de la révolution d'une comète, et par conséquent le grand axe de son orbe, par les observations d'une seule de ses apparitions; on ne peut donc pas alors déterminer rigoureusement l'aire que trace son rayon vecteur dans un temps donné. Mais on doit considérer que la petite portion d'ellipse, décrite par la comète pendant son apparition, peut se confondre avec une parabole, et qu'ainsi l'on peut calculer son mouvement dans cet intervalle, comme s'il était parabolique.

Suivant les lois de Kepler, les secteurs tracés dans le même temps par les rayons vecteurs de deux planètes, sont entre eux comme les surfaces de leurs ellipses, divisées par les temps de leurs révolutions : et les carrés de ces temps sont comme les cubes des

le

demi-grands axes. Il est facile d'en conclure que si l'on imagine une planète mue dans un orbe circulaire dont le rayon soit égal à la distance périhélie d'une comète; le secteur décrit par le rayon vecteur de la comète, sera au secteur correspondant décrit par rayon vecteur de la planète, dans le rapport de la racine carrée de la distance aphélie de la comète, à la racine carrée du demigrand axe de son orbe, rapport qui, lorsque l'ellipse se change en parabole, devient celui de la racine carrée de deux, à l'unité. On a ainsi le rapport du secteur de la comète, à celui de la planète fictive; et il est aisé par ce qui précède, d'avoir le rapport de ce secteur, à celui que trace dans le même temps, le rayon vecteur de la terre. On peut donc déterminer pour un instant quelconque, à partir de l'instant du passage de la comète par le périhélie, l'aire tracée par son rayon vecteur, et fixer sa position sur la parabole qu'elle est censée décrire.

Il ne s'agit que de tirer des observations, les élémens du mou→ vement parabolique, c'est-à-dire, la distance périhélie de la comète, en parties de la moyenne distance du soleil à la terre, la position du périhélie, l'instant du passage par le périhélie, l'inclinaison de l'orbe à l'écliptique et la position de ses noeuds. La recherche de ces cinq élémens présente de plus grandes difficultés, que celle des élémens des planètes qui toujours visibles, peuvent être comparées dans les positions les plus favorables à la détermination de ces élémens; au lieu que les comètes ne paraissent que pendant fort peu de temps, et presque toujours dans des circonstances où leur mouvement apparent est très compliqué par le mouvement réel de la terre, que nous leur transportons en sens contraire. Malgré ces difficultés, on est parvenu par diverses méthodes, à déterminer les élémens des orbes des comètes. Trois observations complètes sont plus que suffisantes pour cet objet : toutes les autres servent à confirmer l'exactitude de ces élémens, et la vérité de la théorie que nous venons d'exposer. Plus de cent comètes dont les nombreuses observations sont exactement représentées par cette théorie, la mettent à l'abri de toute atteinte. Ainsi, les comètes que l'on a regardées pendant long-temps, comme des météores, sont des astres semblables aux planètes : leurs mouvemens et leurs

retours sont réglés suivant les mêmes lois que les mouvemens planétaires.

Observons ici comment le vrai système de la nature, en se développant, se confirme de plus en plus. La simplicité des phénomènes célestes dans la supposition du mouvement de la terre, comparée à leur extrême complication dans celle de son immobilité, rend la première de ces suppositions fort vraisemblable. Les lois du mouvement elliptique, communes- alors aux planètes et à la terre, augmentent beaucoup cette vraisemblance qui devient plus grande encore, par la considération du mouvement des comètes, assujéti aux mêmes lois.

Ces astres ne se meuvent pas tous dans le même sens, comme les planètes. Les uns ont un mouvement réel direct ; d'autres ont un mouvement rétrograde. Les inclinaisons de leurs orbes ne sont point renfermées dans une zone étroite,comme celles des orbes planétaires: elles offrent toutes les variétés d'inclinaison, depuis l'orbe couché sur le plan de l'écliptique, jusqu'à l'orbe perpendiculaire à ce plan. On reconnaît une comète, quand elle reparaît, par l'identité des élémens de son orbite, avec ceux de l'orbite d'une comète déjà observée. Si la distance périhélie, la position du périhélie et des nœuds, et l'inclinaison de l'orbite sont à fort peu près les mêmes; il est alors très-probable que la comète qui paraît, est celle que l'on avait observée précédemment, et qui, après s'être éloignée à une distance où elle était invisible, revient dans la partie de son orbite, voisine du soleil. Les durées des révolutions des comètes étant fort longues, et ces astres n'ayant été observés avec un peu de soin, que depuis deux siècles; on ne connaît encore avec certitude, què le temps de la révolution d'une seule comète, celle de 1759, que l'on avait déjà observée en 1682, 1607 et 1531. Cette comète emploie environ soixante-seize ans à revenir à son périhélie; ainsi en prenant pour unité, la moyenne distance du soleil à la terre, le grand axe de son orbite, est à peu près 35,9; et comme sa distance périhélie n'est que 0,58, elle s'éloigne du soleil, au moins trentecinq fois plus que la terre, en parcourant une ellipse fort excentrique. Son retour au périhélie a été de treize mois plus long de 1531 à 1607, que de 1607 à 1682; il a été de dix-huit mois plus court

de 1607 à 1682, que de 1682 à 1759. Il paraît donc que des causes semblables à celles qui altèrent le mouvement elliptique des planètes, troublent celui des comètes d'une manière encore plus sensible.

On a soupçonné le retour de quelques autres comètes le plus probable de ces retours etait celui de la comète de 1532, que l'on a cru être la même que la comète de 1661, et dont on avait fixé la révolution à cent vingt-neuf ans. Mais cette comète n'ayant point reparu en 1790; il y a tout lieu de croire que ces deux comètes ne sont pas la même ; et l'on n'en sera point surpris, si l'on considère l'imperfection des observations d'Appien et de Fracastor, d'après lesquelles ses élémens en 1552, ont été déterminés. Ces observations sont si grossières, qu'elles laissent suivant Méchain qui les a bien discutées, une incertitude de 41° sur la position du noeud, de 10° sur l'inclinaison, de 22° sur la position du périhélie, et de 0,255 sur la distance périhélie.

La nébulosité dont les comètes sont presque toujours environnées, paraît être formée des vapeurs que la chaleur solaire élève de leur surface. On conçoit, en effet, que la grande chaleur qu'elles éprouvent vers leur périhélie, doit raréfier les matières congelées par le froid qu'elles éprouvaient à leurs aphélies. Cette chaleur est excessive pour les comètes dont la distance périhélie est très-petite. La comète de 1680 fut dans son périhélie, cent soixante et six fois plus près du soleil que la terre, et par conséquent, elle dut en éprouver une chaleur vingt-sept mille cinq cents fois plus grande que celle qu'il communique à la terre, si, comme tout porte à le penser, sa chaleur est proportionnelle à l'intensité de sa lumière. Cette grande chaleur fort supérieure à celle que nous pouvons produire, volatiliserait selon toute apparence, la plupart des subs

tances terrestres.

Quelle que soit la nature de la chaleur, nous savons certainement qu'elle dilate tous les corps, et qu'elle en réduit un grand nombre, de solides en fluides, et de fluides en vapeurs. Ces changemens sont marqués par de singuliers phénomènes que nous allons suivre sur Ja glace. Considérons un volume de neige ou de glace pilée, dans un vase ouvert et soumis à l'action d'une grande chaleur. Si la température de cette glace est au-dessous de celle de la glace

fondante, elle augmentera successivement, jusqu'à la température de zéro degrés. Parvenue à ce point, la glace se fondra par de nouvelles additions de chaleur; mais si l'on a soin de l'agiter jusqu'à ce qu'elle soit fondue, l'eau produite restera toujours à zéro de température: la chaleur communiquée par le vase, ne sera point sensible sur le thermomètre que l'on y plonge; elle sera toute entière, employée à rendre la glace, fluide. Ensuite, la chaleur ajoutée élevera la température de ce fluide et le thermomètre, jusqu'au moment de l'ébullition; alors le thermomètre redeviendra stationnaire, et la chaleur communiquée par le vase, sera toute employée à réduire l'eau en vapeurs qui seront à la même température que l'eau bouillante. L'eau produite par la fonte de la glace, et les vapeurs dans lesquelles se réduit l'eau bouillante, absorbent donc au moment de leur formation, une grande quantité de chaleur qui reparaît dans le retour des vapeurs aqueuses à l'état d'eau, et de l'eau à l'état de glace; car les vapeurs en se condensant sur un corps froid, lui communiquent beaucoup plus de chaleur qu'il n'en recevrait d'un poids égal d'eau bouillante; d'ailleurs, on sait que l'eau peut se conserver fluide à plusieurs degrés au-dessous de zéro, et que dans cet état, il suffit de l'agiter un peu, pour la transformer en glaçons'; alors le thermomètre que l'on y tient plongé, s'élève et monte à zéro, par la chaleur que ce changement développe. Tous les corps que nous pouvons faire passer de l'état solide à l'état liquide, offrent de semblables phénomènes; mais les températures auxquelles leur fusion et leur ébullition commencent, sont très-différentes pour chacun d'eux.

Le phénomène que nous venons d'exposer, quoique très-étendu, n'est qu'un cas particulier de cette loi générale dans tous les changemens d'état que la chaleur fait prendre à un système de corps, une partie de la chaleur est employée à les produire, et devient latente, c'est-à-dire, insensible au thermomètre'; mais elle reparaît, lorsque le système revient à son premier état.

Ainsi lorsqu'un gaz contenu dans une enveloppe flexible, se dilate par un accroissement de température; le thermomètre n'est point affecté par la partie de la chaleur, qui produit cet effet; mais cette

« PreviousContinue »