Page images
PDF
EPUB

leur extrême lenteur, n'auraient pu être déterminés par l'observation seule, qu'après un grand nombre de siècles. Par son moyen, l'empirisme a été banni entièrement de l'astronomie qui, maintenant, est un grand problème de mécanique, dont les élémens du mouvement des astres, leurs figures et leurs masses sont les arbitraires, seules données indispensables que cette science doive tirer des observations. La plus profonde géométrie a été nécessaire pour la solution de ce problème, et pour en déduire les théories des divers phénomènes que les cieux nous présentent. Je les ai rassemblées dans mon Traité de Mécanique Céleste je me bornerai ici à exposer les principaux résultats de cet ouvrage, en indiquant la route que les géomètres ont suivie pour y parvenir, et en essayant d'en faire sentir les raisons, autant que cela se peut, sans le secours de l'analyse.

CHAPITRE PREMIER.

Du principe de la pesanteur universelle.

PARMI les phénomènes du système solaire, le mouvement elliptique

des planètes et des comètes, semble le plus propre à nous conduire à la loi générale des forces dont il est animé. L'observation a fait connaître que les aires tracées autour du soleil, par les rayons vecteurs des planètes et des comètes, sont proportionnelles aux temps; or on a vu dans le livre précédent, qu'il faut pour cela, que la force qui détourne sans cesse chacun de ces corps, de la ligne droite, soit dirigée constamment vers l'origine des rayons vecteurs; la tendance des planètes et des comètes vers le soleil, est donc une suite nécessaire de la proportionnalité des aires décrites par les rayons vecteurs, aux temps employés à les décrire.

Pour déterminer la loi de cette tendance, supposons les planètes mues dans des orbes circulaires; ce qui s'éloigne peu de la vérité. Les carrés de leurs vitesses réelles sont alors proportionnels aux carrés des rayons de ces orbes, divisés par les carrés des temps de leurs révolutions; mais par les lois de Kepler, les carrés de ces temps sont entre eux comme les cubes des mêmes rayons; les carrés des vitesses sont donc réciproques à ces rayons. On a vu précédemment, que les forces centrales de plusieurs corps mus circulairement, sont comme les carrés des vîtesses, divisés par les rayons des circonférences décrites; les tendances des planètes vers le soleil, sont donc réciproques aux carrés des rayons de leurs orbes supposés circulaires. Cette hypothèse, il est vrai, n'est pas rigoureuse; mais le rapport constant des carrés des temps des révolutions des planètes, aux cubes des grands axes de leurs orbes, étant indépendant des excentricités; il est naturel de penser qu'il subsisterait

encore dans le cas où ces orbes seraient circulaires. Ainsi, la loi de la pesanteur vers le soleil, réciproque au carré des distances, est clairement indiquée par ce rapport.

L'analogie nous porte à penser que cette loi qui s'étend d'une planète à l'autre, a également lieu pour la même planète, dans ses diverses distances au soleil : son mouvement elliptique ne laisse aucun doute à cet égard. Pour le faire voir, suivons ce mouvement, en faisant partir la planète, du périhélie. Sa vitesse est alors à son maximum, et sa tendance à s'éloigner du soleil, l'emportant sur sa pesanteur vers cet astre, son rayon vecteur augmente et forme des angles obtus avec la direction de son mouvement; la pesanteur vers le soleil, décomposée suivant cette direction, diminue donc de plus en plus la vitesse, jusqu'à ce que la planète ait atteint son aphélie. A ce point, le rayon vecteur redevient perpendiculaire à la courbe: la vitesse est à son minimum, et la tendance à s'éloigner du soleil, étant moindre que la pesanteur solaire, la planète s'en rapproche en décrivant la seconde partie de son ellipse. Dans cette partie, sa pesanteur vers le soleil, accroît sa vitesse, comme auparavant, elle l'avait diminuée : la planète se retrouve au périhélie, avec sa vitesse primitive, et recommence une nouvelle révolution semblable à la précédente. Maintenant, la courbure de l'ellipse. étant la même au périhélie et à l'aphélie; les rayons osculateurs y sont les mêmes, et par conséquent, les forces centrifuges dans ces deux points, sont comme les carrés des vitesses. Les secteurs décrits pendant le même élément du temps, étant égaux; les vitesses périhélie et aphélie sont réciproquement comme les distances correspondantes de la planète au soleil ; les carrés de ces vitesses sont donc réciproques aux carrés des mêmes distances; or au périhélie et à l'aphélie, les forces centrifuges dans les circonférences osculatrices sont évidemment égales aux pesanteurs de la planète vers le soleil; ces pesanteurs sont donc en raison inverse du carré des distances à cet astre.

Ainsi les théorèmes d'Huyghens sur la force centrifuge, suffisaient pour reconnaître la loi de la tendance des planètes vers le soleil; car il est très-vraisemblable qu'une loi qui a lieu d'une planète l'autre, et qui se vérifie pour chaque planète, au périhélie et à l'aphélie, s'étend à tous les points des orbes planétaires, et géné

ralement à toutes les distances du soleil. Mais pour l'établir d'une manière incontestable, il fallait avoir l'expression de la force qui, dirigée vers le foyer d'une ellipse, fait décrire cette courbe à un projectile Newton trouva qu'en effet, cette force est réciproque au carré du rayon vecteur. Il fallait encore démontrer rigoureusement que la pesanteur vers le soleil, ne varie d'une planète à l'autre, qu'à raison de la distance à cet astre. Ce grand Géomètre fit voir que cela suit de la loi des carrés des temps des révolutions, proportionnels aux cubes des grands axes des orbites. En supposant donc toutes les planètes en repos à la même distance du soleil, et abandonnées à leur pesanteur vers son centre, elles descendraient de la même hauteur en temps égal; résultat que l'on doit étendre aux comètes, quoique les grands axes de leurs orbes soient inconnus; car on a vu dans le second livre, que la grandeur des aires décrites par leurs rayons vecteurs, suppose la loi des carrés des temps de leurs révolutions, proportionnels aux cubes de ces axes.

L'analyse qui dans ses généralités, embrasse tout ce qui peut résulter d'une loi donnée, nous montre que non-seulement l'ellipse, mais toute section conique peut être décrite en vertu de la force qui retient les planètes dans leurs orbes; une comète peut donc se mouvoir dans une hyperbole; mais alors elle ne serait qu'une fois visible, et après son apparition, elle s'éloignerait au-delà des limites du système solaire, et s'approcherait de nouveaux soleils pour s'en éloigner encore, en parcourant ainsi les divers systèmes répandus dans l'immensité des cieux. Il est probable, vu l'infinie variété de la nature, qu'il existe des astres semblables: leurs apparitions doivent être fort rares, et nous ne devons observer le plus souvent, que des comètes qui, mues dans des orbes rentrans, reviennent à des intervalles plus ou moins longs, dans les régions de l'espace, voisines du soleil.

Les satellites éprouvent la même tendance que les planètes, vers ce grand corps. Si la lune n'était pas soumise à son action; au lieu de décrire un orbe presque circulaire autour de la terre, elle finirait bientôt par l'abandonner; et si ce satellite et ceux de Jupiter n'étaient pas sollicités vers le soleil, suivant la même loi que les planètes; il en résulterait dans leurs mouvemens, des inégalités sensibles

que l'observation ne fait point apercevoir.Les comètes, les planètes et les satellites sont donc assujétis à la même loi de pesanteur vers cet astre. En même temps que les satellites se meuvent autour de leur planète, le système entier de la planète et de ses satellites, est emporté d'un mouvement commun, dans l'espace, et retenu par la même force autour du soleil. Ainsi le mouvement relatif de la planète et de ses satellites, est à peu près le même que si la planète était en repos et n'éprouvait aucune action étrangère.

Nous voilà donc conduits sans aucune hypothèse et par une suite nécessaire des lois des mouvemens célestes, à regarder le centre du soleil, comme le foyer d'une force qui s'étend indéfiniment dans l'espace, en diminuant en raison du carré des distances, et qui attire semblablement tous les corps. Chacune des lois de Kepler nous découvre une propriété de cette force attractive : la loi des aires proportionnelles aux temps, nous montre qu'elle est constamment dirigée vers le centre du soleil la figure elliptique des orbes planétaires nous prouve que cette force diminue comme le carré de la distance augmente: enfin, la loi des carrés des temps des révolutions, proportionnels aux cubes des grands axes des orbites, nous apprend que la pesanteur de tous les corps vers le soleil, est la même à distances égales. Nous nommerons cette pesanteur, attraction solaire; car sans en connaître la cause, nous pouvons par un de ces concepts dont les géomètres font souvent usage, supposer cette force produite par un pouvoir attractif qui réside dans le soleil.

Les erreurs dont les observations sont susceptibles, et les petites altérations du mouvement elliptique des planètes, laissant un peu d'incertitude sur les résultats que nous venons de tirer des lois de ce mouvement; on peut douter que la pesanteur solaire diminue exactement en raison inverse du carré des distances. Mais pour peu qu'elle s'écartât de cette loi, la différence serait très-sensible dans les mouvemens des périhélies des orbes planétaires. Le périhélie de l'orbe terrestre aurait un mouvement annuel de 200", si l'on augmentait seulement d'un dix-millième, la puissance de la distance à laquelle la pesanteur solaire est réciproquement proportionnelle : ce mouvement n'est que de 36",4 suivant les observations, et nous

« PreviousContinue »