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vement reculées avec les bornes de nos connaissances, et disparaissent entièrement devant la saine philosophie qui ne voit en elles, que l'expression de l'ignorance où nous sommes, des véritables causes.

Aux frayeurs qu'inspirait alors l'apparition des cométes, a succédé la crainte que dans le grand nombre de celles qui traversent dans tous les sens, le système planétaire, l'une d'elles ne bouleverse la terre. Elles passent si rapidement près de nous, que les effets de leur attraction ne sont point à redouter : ce n'est qu'en choquant la terre, qu'elles peuvent y produire de funestes ravages. Mais ce choc, quoique possible, est si peu vraisemblable dans le cours d'un siècle; il faudrait un hasard si extraordinaire, pour la rencontre de deux corps aussi petits relativement à l'immensité de l'espace dans lequel ils se meuvent; que l'on ne peut concevoir à cet égard, aucune crainte raisonnable. Cependant, la petite probabilité d'une pareille rencontre, peut en s'accumulant pendant une longue suite de siècles, devenir très-grande. Il est facile de se représenter les effets de ce choc sur la terre. L'axe et le mouvement de rotation changés les mers abandonnant leur ancienne position pour se précipiter vers le nouvel équateur: une grande partie des hommes et des animaux, noyée dans ce déluge universel, ou détruite par la violente secousse imprimée au globe terrestre des espèces entières anéanties: tous les monumens de l'industrie humaine, renversés: tels sont les désastres que le choc d'une comète a dû produire, si sa masse a été comparable à celle de la terre. On voit alors, pourquoi l'Océan a recouvert de hautes montagnes, sur lesquelles il a laissé des marques incontestables de son séjour; on voit comment les animaux et les plantes du midi, ont pu exister dans les climats du nord où l'on retrouve leurs dépouilles et leurs empreintes; enfin on explique la nouveauté du monde moral dont les monumens certains ne remontent pas au-delà de cinq mille ans. L'espèce humaine réduite à un petit nombre d'individus et à l'état le plus déplorable, uniquement occupée pendant très-long temps, du soin de se conserver, a dû perdre entièrement le souvenir des sciences et des arts; et quand les progrès de la civilisation en ont fait sentir

de nouveau, les besoins; il a fallu tout recommencer, comme si les hommes eussent été placés nouvellement sur la terre. Quoi qu'il en soit de cette cause assignée par quelques philosophes, à ces phénomènes; je le répète, on doit être pleinement rassuré sur un aussi terrible événement, pendant le court intervalle de la vie; d'autant plus qu'il paraît que les masses des comètes sont d'une petitesse extrême, et qu'ainsi leur choc ne produirait que des révolutions locales. Mais l'homme est tellement disposé à recevoir l'impression de la crainte, que l'on a vu en 1773, la plus vive frayeur se répandre dans Paris, et de là se communiquer à toute la France, sur la simple annonce d'un mémoire dans lequel Lalande déterminait celles des comètes observées, qui peuvent le plus approcher de la terre : tant il est vrai que les erreurs, les superstitions, les vaines terreurs et tous les maux qu'entraîne l'ignorance, se reproduiraient promptement, si la lumière des sciences venait à s'éteindre.

Les observations de la comète aperçue la première, en 1770, ont conduit les Astronomes à un résultat très-singulier. Après avoir inutilement tenté d'assujétir ces observations, aux lois du mouvement parabolique qui jusqu'alors avait représenté à fort peu près, celui des cométes; ils ont enfin reconnu qu'elle a décrit pendant son apparition, une ellipse dans laquelle la durée de sa révolution n'a pas surpassé six années. Lexel qui, le premier, fit cette curieuse remarque, satisfit de cette manière, à l'ensemble des observations de la comète. Mais une aussi courte durée ne pouvait être admise que d'après des preuves incontestables, fondées sur une discussion nouvelle et approfondie des observations de la comète, et des positions des étoiles auxquelles on l'a comparée. L'Institut proposa donc cette discussion, pour sujet d'un prix que Burckhardt a remporté; et ses recherches l'ont conduit à fort peu près au résultat de Lexel, sur lequel il ne doit maintenant rester aucun doute. Une comète dont la révolution est aussi prompte, devrait souvent reparaître ; cependant elle n'avait point été observée avant 1770, et depuis on ne l'a point revue. Pour expliquer ce double phénomène, Lexel a remarqué qu'en 1767 et 1779, cette comète a fort approché de Jupiter dont l'attraction puissante a diminué en 1767, la distance périhélie de son orbite, de manière à rendre cet astre visible en

1770, d'invisible qu'il était auparavant; et ensuite a augmenté en 1779, cette même distance, au point de rendre la comète pour toujours invisible. Mais il fallait démontrer la possibilité de ces deux effets de l'attraction de Jupiter, en faisant voir que les élémens de

l'ellipse décrite par la comète, pouvaient y satisfaire. C'est ce que j'ai fait, en soumettant cet objet à l'analyse ; et par ce moyen, l'explication précédente est devenue vraisemblable.

De toutes les comètes observées, celle-ci a le plus approché de la terre qui, par conséquent, aurait dû en éprouver une action sensible, si la masse de cet astre était comparable à celle du globe terrestre. En supposant ces deux masses égales, l'action de la comète aurait accru de 11612", la durée de l'année sidérale. Nous sommes certains par les nombreuses comparaisons des observations, que Delambre vient de faire pour construire ses Tables du Soleil, que depuis 1770, l'année sidérale n'a pas augmenté de 3"; la masse de la comète n'est donc pas de celle de la terre, et si l'on considère que cet astre en 1767 et 1779, a traversé le système des satellites de Jupiter, sans y causer le plus léger trouble; on verra qu'il est moindre encore. La petitesse des masses des comètes est généralement indiquée par leur influence insensible sur les mouvemens du système planétaire. Ces mouvemens sont représentés par la seule action des corps de ce système, avec une précision telle que l'on peut attribuer aux seules erreurs des approximations et des observations, les petits écarts de nos meilleures Tables. Mais des observations très-exactes continuées pendant plusieurs siècles, et comparées à la théorie, peuvent seules éclairer ce point impor tant du système du monde.

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CHAPITRE V.

Des perturbations du mouvement de la Lune.

A lune est à-la-fois attirée par le soleil et par la terre; mais son mouvement autour de la terre, n'est troublé que par la différence des actions du soleil, sur ces deux corps. Si le soleil était à une distance infinie, il agirait sur eux également et suivant des droites parallèles; leur mouvement relatif ne serait donc point troublé par cette action qui leur serait commune. Mais sa distance, quoique très-grande par rapport à celle de la lune, ne peut pas être supposée infinie : la lune est alternativement plus près et plus loin du soleil que la terre, et la droite qui joint son centre à celui du soleil, forme des angles plus ou moins aigus avec le rayon vecteur terrestre. Ainsi, le soleil agit inégalement et suivant des directions différentes, sur la terre et sur la lune; et de cette diversité d'actions, il doit résulter dans le mouvement lunaire, des inégalités dépendantes des positions respectives du soleil et de la lune. C'est dans leur recherche, que consiste le fameux problème des trois corps, dont la solution rigoureuse surpasse les forces de l'analyse, mais que la proximité de la lune eu égard à sa distance au soleil, et la petitesse de sa masse par rapport à celle de la terre, permettent de résoudre par approximation. Cependant, l'analyse la plus délicate est nécessaire pour démêler tous les termes dont l'influence est sensible. Leur discussion est le point le plus important de cette analyse, lorsqu'on se propose d'en rapprocher les résultats, des observations, et de la faire concourir à la perfection des tables lunaires; ce qui doit être son but principal. On peut facilement imaginer un grand nombre de moyens différens, de mettre en équation le problème des trois

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corps; mais sa vraie difficulté consiste à distinguer dans les équations différentielles, et à déterminer exactement les termes qui, quoique très-petits en eux-mêmes, acquièrent une valeur sensible par les intégrations successives; ce qui exige un choix avantageux de coordonnées, des considérations délicates sur la nature des intégrales, des approximations bien conduites, et des calculs faits avec soin, et vérifiés plusieurs fois. Je me suis attaché à remplir ces conditions, dans la théorie de la lune que j'ai donnée dans ma Mécanique Céleste; et j'ai eu la satisfaction de voir mes résultats coïncider avec ceux que Mason et Burg ont trouvés par la comparaison de près de cinq mille observations de Bradley et de Maskeline, et qui ont donné aux tables lunaires une précision qu'il sera difficile de surpasser, et à laquelle la géographie et l'astronomie nautique sont principalement redevables de leurs progrès. On doit à Mayer, l'un des plus grands astronomes qui aient existé, la justice d'observer qu'il a le premier, porté ces tables, au degré d'exactitude nécessaire pour cet important objet. Mason et Burg ont adopté la forme qu'il leur avait donnée : ils ont rectifié les coefficiens de ses inégalités, et ils en ont ajouté quelques autres indiquées par sa théorie. Mayer a de plus, par de plus, par l'invention du cercle répétiteur perfectionné considérablement par Borda donné aux observations sur mer, la même précision qu'il avait apportée dans les tables lunaires. Enfin Burckhardt vient de perfectionner les tables lunaires, en donnant à leurs argumens, une forme plus simple et plus commode, et en déterminant leurs coefficiens par l'ensemble de toutes les observations modernes. L'objet de ma théorie, a été de montrer dans la seule loi de la pesanteur universelle, la source de toutes les inégalités du mouvement lunaire; et de me servir ensuite de cette loi, pour en perfectionner les tables, et pour en conclure plusieurs élémens importans du système du monde, tels que les équations séculaires de la lune, sa parallaxe, celle du soleil et l'aplatissement de la terre. Heureusement, lorsque je m'occupais de ces recherches, Burg, de son côté, travaillait à perfectionner les tables lunaires. Mon analyse lui a fourni plusieurs équations nouvelles, trèssensibles; et la comparaison qu'il en a faite avec un grand nombre

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