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avait été forcée par son attraction, de l'accompagner. Mais en remontant par l'analyse, aux temps les plus reculés; on voit toujours la lune se mouvoir dans un orbe presque circulaire, comme les planètes autour du soleil. Ainsi, ni la lune, ni aucun satellite n'a été originairement une comète.

La pesanteur à la surface de la lune, étant beaucoup plus petite qu'à la surface de la terre, et cet astre n'ayant point d'atmosphère qui puisse opposer une résistance sensible au mouvement des projectiles; on conçoit qu'un corps lancé avec une grande force, par l'explosion d'un volcan lunaire, peut atteindre et dépasser la limite où l'attraction de la terre commence à l'emporter sur l'attraction de la lune. Il suffit pour cela, que sa vîtesse initiale suivant la verticale, soit de 2500 mètres par seconde. Alors au lieu de retomber sur la lune, il devient un satellite de la terre, et décrit autour d'elle, une orbite plus ou moins alongée. Son impulsion primitive peut être tellement dirigée, qu'il aille rencontrer directement l'atmosphère terrestre il peut aussi ne l'atteindre qu'après plusieurs et même un très-grand nombre de révolutions; car il est visible que l'action du soleil qui change d'une manière très-sensible les distances de la lune à la terre, doit produire dans le rayon vecteur d'un satellite mu dans un orbe fort excentrique, des variations beaucoup plus considérables, et peut diminuer à la longue la distance périgée du satellite, ensorte qu'il pénètre dans notre atmosphère. Ce corps, en la traversant avec une grande vitesse, éprouverait une très-forte résistance, et finirait bientôt par se précipiter sur la terre: le frottement de l'air, contre sa surface, suffirait pour l'enflammer et le faire détoner, s'il renfermait des matières propres à ces effets; et alors il nous offrirait tous les phénomènes que présentent les aérolithes. S'il était bien prouvé qu'ils ne sont point des produits des volcans ou de l'atmosphère, et qu'il faut en chercher la cause au-delà, dans l'espace céleste; l'hypothèse précédente qui d'ailleurs, explique l'identité de composition, observée dans les aérolithes, par celle de leur origine, ne serait point destituée de vraisemblance.

E

CHAPITRE VI.

Des perturbations des satellites de Jupiter.

De tous les satellites, les plus intéressans après celui de la terre, sont les satellites de Jupiter. Les observations de ces astres, les premiers que le télescope a fait découvrir dans les cieux, ne remontent pas à deux siècles: on ne doit même compter qu'un siècle et demi d'observations de leurs éclipses. Mais dans ce court intervalle, ils nous ont offert par la promptitude de leurs révolutions, tous les grands changemens que le temps ne développe qu'avec une extrême lenteur, dans le système planétaire dont celui des satellites est l'image. Les inégalités produites par leur attraction mutuelle, sont peu différentes de celles des planètes et de la lune : cependant les rapports qu'ont entre eux, les moyens mouvemens des trois premiers satellites, donnent à quelques-unes de ces inégalités, des valeurs considérables qui ont une grande influence sur toute leur théorie. On a vu dans le second livre, que ces mouvemens sont à peu près en progression soudouble, et qu'ils sont assujétis à des inégalités très-sensibles dont les périodes différentes entre elles, se transforment dans les éclipses, en une seule de 4371,659. Ces inégalités se présentent les premières, dans la théorie des satellites, comme elles se sont les premières, offertes aux observateurs. Non-seulement la théorie détermine ces inégalités; elle nous montre de plus, ce que les observations indiquaient avec beaucoup de vraisemblance, savoir, que l'inégalité du second satellite, est le résultat de deux inégalités dont l'une ayant pour cause l'action du premier satellite, varie comme le sinus de l'excès

de la longitude du premier satellite sur celle du second, et dont l'autre produite par l'action du troisième satellite, varie comme le sinus du double de l'excès de la longitude du second satellite, sur celle du troisième. Ainsi le second satellite éprouve de la part du premier, une perturbation semblable à celle qu'il fait éprouver au troisième; et il éprouve de la part du troisième, une perturbation semblable à celle qu'il fait éprouver au premier. Ces deux inégalités se confondent dans une seule, en vertu des rapports qui existent entre les moyens mouvemens et les longitudes moyennes des trois premiers satellites, et suivant lesquels le moyen mouvement du premier, plus deux fois celui du troisième, est égal à trois fois celui du second; et la longitude moyenne du premier satellite, moins trois fois celle du second, plus deux fois celle du troisième, est constamment égale à la demi-circonférence. Mais ces rapports subsisteront-ils toujours, ou ne sont-ils qu'approchés; et les deux inégalités du second satellite, aujourd'hui confondues, se sépareront-elles dans la suite des temps? C'est ce que la théorie va nous apprendre.

L'approximation avec laquelle les Tables donnaient les rapports précédens, me fit soupçonner qu'ils sont rigoureux, et que les petites quantités dont elles s'en éloignaient encore, dépendaient des erreurs dont elles étaient susceptibles. Il était contre toute vraisemblance, de supposer que le hasard a placé originairement les trois premiers satellites, aux distances et dans les positions convenables à ces rapports, et il était extrêmement probable qu'ils sont dus à une cause particulière; je cherchai donc cette cause dans l'action mutuelle des satellites. L'examen approfondi de cette action, me fit voir qu'elle a rendu ces rapports, rigoureux; d'où je conclus qu'en déterminant de nouveau, par la discussion d'un très-grand nombre d'observations éloignées entre elles, les moyens mouvemens et les longitudes moyennes des trois premiers satellites, on trouverait qu'ils approchent encore plus de ces rapports auxquels les Tables doivent être rigoureusement assujéties. J'ai eu la satisfaction de voir cette conséquence de la théorie, confirmée avec une précision remarquable, par les recherches que Delambre a faites sur les satellites de Jupiter. Il n'est pas nécessaire que ces rapports aient

eu lieu exactement à l'origine; il faut seulement que les mouvemens et les longitudes des trois premiers satellites s'en soient peu écartés, et alors l'action mutuelle de ces satellites, a suffi pour les établir et pour les maintenir en rigueur. Mais la petite différence entre eux et les rapports primitifs, a donné lieu à une inégalité d'une étendue arbitraire, qui se partage entre les trois satellites, et que j'ai désignée sous le nom de libration. Les deux constantes arbitraires de cette inégalité, remplacent ce que les deux rapports précédens font disparaître d'arbitraire, dans les moyens mouvemens et dans les époques des longitudes moyennes des trois premiers satellites; car le nombre des arbitraires que renferme la théorie d'un système de corps, est nécessairement sextuple du nombre de ces corps. La discussion des observations n'ayant point fait reconnaître cette inégalité; elle doit être fort petite et même insensible.

Les rapports précédéns subsisteront toujours, quoique les moyens mouvemens des satellites soient assujétis à des équations séculaires analogues à celle du mouvement de la lune. Ils subsisteraient encore dans le cas même où ces mouvemens seraient altérés par la résistance d'un milieu éthéré, ou par d'autres causes dont les effets ne seraient sensibles qu'à la longue. Dans tous ces cas, les équations séculaires de ces mouvemens se coordonnent entre elles par l'action réciproque des satellites, de manière que l'équation séculaire du premier, plus deux fois celle du troisième, est égale à trois fois celle du second: leurs inégalités mêmes qui croissent avec une extrême lenteur, approchent d'autant plus de se coordonner ainsi, que leurs périodes sont plus longues. Cette libration par laquelle les mouvemens des trois premiers satellites se balancent dans l'espace, suivant les lois que nous venons d'énoncer, s'étend à leurs mouvemens de rotation, si, comme les observations l'indiquent, ces mouvemens sont égaux à ceux de révolution. L'attraction de Jupiter maintient alors cette égalité, en donnant aux mouvemens de rotation, les mêmes équations séculaires qui affectent les mouvemens de révolution. Ainsi, les trois premiers satellites de Jupiter forment un système de corps liés entre eux par les inégalités et par les rapports précédens que leur action mutuelle maintiendra sans cesse,

à moins qu'une cause étrangère ne vienne déranger brusquement leurs mouvemens et leurs positions respectives. Telle serait une comète qui traversant ce système, comme la première comète de 1770 paraît l'avoir fait, choquerait l'un de ces corps. Il est vraisemblable que de pareilles rencontres ont eu lieu dans l'immensité des siècles écoulés depuis l'origine du système planétaire : le choc d'une comète dont la masse eût été seulement la cent millième partie de celle de la terre, aurait suffi pour rendre sensible, la libration des satellites. Cette inégalité n'ayant point été reconnue, malgré tous les soins que Delambre a pris pour la démêler dans les observations; on doit en conclure que les masses des cométes qui peuvent avoir rencontré l'un des trois satellites de Jupiter, sont extrêmement petites; ce qui confirme ce que nous avons déjà observé sur la petitesse des masses des comètes.

Les orbes des satellites éprouvent des changemens analogues aux grandes variations des orbes planétaires : leurs mouvemens sont pareillement assujétis à des équations séculaires semblables à celle de la lune. Le développement de toutes ces inégalités par la suite des temps, fournira les données les plus avantageuses pour la détermination des masses des satellites et de l'aplatissement de Jupiter. L'influence considérable de ce dernier élément, sur les mouvemens des noeuds, fixe sa valeur avec plus de précision que les mesures directes. On trouve par ce moyen, le rapport du petit axe de Jupiter au diamètre de son équateur, égal à 0,9368; ce qui diffère très-peu du du rapport de seize à dix-sept, que donnent par un milieu, les mesures les plus précises de l'aplatissement de cette planète. Cet accord est une nouvelle preuve que la pesanteur des satellites vers la planète principale, se compose des attractions de toutes ses molécules.!.

L'un des plus curieux résultats de la théorie des satellites de Jupiter, est la connaissance de leurs masses, connaissance que leur petitesse extrême et l'impossibilité de mesurer leurs diamètres semblaient nous interdire. J'ai choisi pour cet objet, les données qui dans l'état actuel de l'Astronomie, m'ont paru les plus avantageuses; et j'ai lieu de penser que les valeurs suivantes que j'en ai conclues, sont fort approchées.

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