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fallait encore déterminer la figure qui convient à l'équilibre d'uti fluide répandu à leur surface; car on doit imaginer les planètes, recouvertes comme la terre, d'un fluide en équilibre; autrement, leur figure serait entièrement arbitraire. D'Alembert a donné pour cet objet, une méthode ingénieuse qui s'étend à un grand nombre de cas; mais elle manque de cette simplicité si desirable dans des recherches aussi compliquées, et qui en fait le principal mérite. Une équation remarquable aux différences partielles, et relative aux attractions des sphéroïdes, m'a conduit sans le secours des intégrations, et uniquement par des différentiations, aux expressions générales des rayons des sphéroïdes, de leurs attractions sur des points quelconques placés dans leur intérieur, à leur surface ou au-dehors, des conditions de l'équilibre des fluides qui les recouvrent, de la loi de la pesanteur et de la variation des degrés à la surface de ces fluides. Toutes ces quantités sont liées les unes aux autres, par des rapports très-simples; et il en résulte un moyen facile de vérifier les hypothèses que l'on peut faire pour représenter, soit les variations observées de la pesanteur, soit les mesures des degrés des méridiens. Ainsi Bouguer, dans la vue de représenter les degrés mesurés en Laponie, en France et à l'équateur, ayant supposé que la terre est un sphéroïde de révolution sur lequel l'accroissement des degrés du méridien, de l'équateur aux pôles, est proportionnel à la quatrième puissance du sinus de la latitude; on trouve que cette hypothèse ne peut pas satisfaire à l'accroissement de la pesanteur, de l'équateur à Pello, accroissement qui, suivant les observations, est égal à quarante-cinq dixmillièmes de la pesanteur totale, et qui n'en serait que vingt-sept dix-millièmes, dans cette hypothèse.

Les expressions dont je viens de parler, donnent une solution directe et générale du problème qui consiste à déterminer la figure d'une masse fluide en équilibre, en la supposant douée d'un mouvement de rotation, et composée d'une infinité de fluides de densités quelconques, dont toutes les molécules s'attirent en raison des masses, et réciproquement au carré des distances. Legendre avait déjà résolu ce problème par une analyse fort ingénieuse, en supposant la masse homogène. Dans le cas général, le fluide prend

nécessairement la figure d'un ellipsoïde de révolution dont toutes les couches sont elliptiques et diminuent de densité, tandis que leur ellipticité croît du centre à la surface. Les limites de l'aplatissement de l'ellipsoïde entier sont et du rapport de la force centrifuge à la pesanteur à l'équateur; la première limite étant relative à l'homogénéité de la masse, et la seconde se rapportant au cas où les couches infiniment voisines du centre étant infiniment denses, toute la masse du sphéroïde peut être considérée comme étant réunie à ce point. Dans ce dernier cas, la pesanteur serait dirigée vers un seul point, et réciproque au carré des distances; la figure de la terre serait donc celle que nous avons déterminée ci-dessus : mais dans le cas général, la ligne qui détermine la direction de la pesanteur, depuis le centre jusqu'à la surface du sphéroïde, est une courbe dont chaque élément est perpendiculaire à la couche qu'il traverse.

Il est très-remarquable que les variations observées des longueurs du pendule, suivent assez exactement la loi du carré du cosinus de la latitude, dont les variations des degrés mesurés des méridiens s'écartent d'une manière sensible. La théorie générale des attractions des sphéroïdes en équilibre, donne une explication fort simple de ce phénomène : elle nous montre que les termes qui, dans la valeur du rayon terrestre, s'éloignent de cette loi, deviennent plus sensibles dans l'expression de la pesanteur, et plus sensibles encore dans l'expression des degrés, où ils peuvent acquérir d'assez grandes valeurs, pour produire le phénomène dont il s'agit. Cette théorie nous apprend encore que les limites de l'accroissement total de la pesanteur prise pour unité à l'équateur, sont les produits de 2 et de 1⁄2, par le rapport de la force centrifuge à la pesanteur; la première limite étant relative au cas où les couches seraient infiniment denses au centre, et la seconde se rapportant à l'homogénéité de la terre. L'accroissement observé tombant entre ces limites, indique dans les couches du sphéroïde terrestre, une plus grande densité, à mesure qu'elles approchent du centre, ce qui est conforme aux lois de l'hydrostatique ; ainsi la théorie satisfait aux observations, aussi bien qu'on peut le desirer, vu l'ignorance où nous sommes, de la constitution intérieure de la terre.

Il résulte de cet accord, que dans le calcul des variations de la' pesanteur et des parallaxes, on peut supposer aux méridiens terrestres, une figure elliptique dont l'aplatissement est l'excès de sur l'accroissement total de la pesanteur, de

la fraction

1

115,2

l'équateur aux pôles.

Le rayon mené du centre de gravité du sphéroïde terrestre, à sa surface sur le parallèle dont le carré du sinus de latitude est, détermine la sphère de même masse que la terre, et d'une densité égale à sa densité moyenne; ce rayon est de 6369809 mètres, et la gravité sur ce parallèle, est la même qu'à la surface de cette sphère,

Mais quel est le rapport de la moyenne densité de la terre, à celle d'une substance connue de sa surface? L'effet de l'attraction des montagnes sur les oscillations du pendule, et sur la direction du fil à-plomb, peut nous conduire à la solution de ce problème intéressant. A la vérité, les plus hautes montagnes sont toujours fort petites par rapport à la terre; mais nous pouvons approcher fort près, du centre de leur action, et cela joint à la précision des observations modernes, doit rendre leurs effets sensibles. Les montagnes très-élevées du Pérou, semblaient propres à cet objet : Bouguer ne négligea point une observation aussi importante, dans son voyage entrepris pour la mesure des degrés du méridien à l'équateur. Mais ces grands corps étant volcaniques et creux dans leur intérieur, l'effet de leur attraction s'est trouvé beaucoup moindre que celui auquel on devait s'attendre à raison de leur grosseur, Cependant, il a été sensible; la diminution de la pesanteur, au sommet du Pichincha, aurait été 0,00149, sans l'attrac tion de la montagne, et elle n'a été observée que de 0,00118: l'effet de la déviation du fil à - plomb, par l'action d'une autre montagne, a surpassé 20". Maskeline a mesuré depuis, avec un soin extrême, un effet semblable produit par l'action d'une montagne d'Ecosse ; il en résulte que la moyenne densité de la terre est environ double de celle de la montagne, et quatre ou cinq fois plus grande que celle de l'eau commune. Cette curieuse observation mérite d'être répétée sur différentes montagnes dont la

constitution intérieure soit bien connue. Cavendish a déterminé cette densité, par l'attraction de deux globes métalliques d'un grand diamètre, et qu'il est parvenu à rendre sensible, au moyen d'un procédé fort ingénieux. Il résulte de ses expériences, que la densité moyenne de la terre, est à celle de l'eau, à fort peu près dans le rapport de onze à deux; ce qui s'accorde avec le rapport précédent, aussi bien qu'on doit l'attendre d'observations et d'expériences aussi délicates.

Appliquons la théorie précédente, à Jupiter. La force centrifuge due au mouvement de rotation de cette planète, est à fort peu près de la pesanteur à son équateur; du moins, si l'on adopte la distance du quatrième satellite, à son centre, donnée dans le second livre. Si Jupiter était homogène, on aurait le diamètre de son équateur, en ajoutant à son petit axe pris pour unité, cinq quarts de la fraction précédente; ces deux axes seraient donc dans le rapport de 10 à 9,06. Suivant les observations, leur rapport est celui de 10 à 9,43;. Jupiter n'est donc pas homogène. En le supposant formé de couches dont les densités diminuent du centre, à la surface; son ellipticité doit être comprise entreet. L'ellipticité observée tombant dans ces limites, nous prouve l'hétérogénéité de ses couches, et par analogie, celle des couches du sphéroïde terrestre, déjà reconnue par les mesures du pendule, et qui a été confirmée par les inégalités de la lune, dépendantes de l'aplatissement de la terre.

CHAPITRE IX.

De la figure de l'anneau de Saturne.

L'ANNEAU de Saturne est, comme on l'a vu dans le premier livre, formé de deux anneaux concentriques, d'une très-mince épaisseur. Par quel mécanisme, ces anneaux se soutiennent-ils autour de cette planète ? Il n'est pas probable que ce soit par la simple adhérence de leurs molécules; car alors, leurs parties voisines de Saturne, sollicitées par l'action toujours renaissante de la pesanteur, se seraient à la longue, détachées des anneaux qui, par une dégradation insensible, auraient fini par se détruire, ainsi que tous les ouvrages de la nature, qui n'ont point eu les forces suffisantes pour résister à l'action des causes étrangères. Ces anneaux se maintiennent donc sans effort, et par les seules lois de l'équilibre : mais il faut pour cela, leur supposer un mouvement de rotation autour d'un axe perpendiculaire à leur plan, et passant par le centre de Saturne; afin que leur pesanteur vers la planète, soit balancée par leur force centrifuge due à ce mouvement.

Imaginons un fluide homogène, répandu en forme d'anneau, autour de Saturne; et voyons quelle doit être sa figure, pour qu'il soit en équilibre, en vertu de l'attraction mutuelle de ses molécules, de leur pesanteur vers Saturne, et de leur force centrifuge. Si par le centre de la planète, on fait passer un plan perpendiculaire à la surface de l'anneau; la section de l'anneau, par ce plan, est ce que je nomme courbe génératrice. L'analyse fait voir que si la largeur de l'anneau est peu considérable par rapport à sa distance au centre de Saturne; l'équilibre du fluide est possible, quand la courbe génératrice est une ellipse dont le grand axe est dirigé vers le centre de la planète. La durée de la rotation de

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