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CHAPITRE XV.

De la libration de la Lune.

IL nous reste enfin à expliquer la cause de la libration de la lune, et du mouvement des nœuds de son équateur. La lune, en vertu de son mouvement de rotation, est un peu aplatie à ses pôles; mais l'attraction de la terre a dû alonger son axe dirigé vers cette planète. Si la lune était homogène et fluide, elle prendrait pour être en équilibre, la forme d'un ellipsoïde dont le plus petit axe passerait par les pôles de rotation : le plus grand axe serait dirigé vers la terre, et dans le plan de l'équateur lunaire; et l'axe moyen situé dans le même plan, serait perpendiculaire aux deux autres. L'excès du plus petit sur le plus grand axe, serait quadruple de l'excès de l'axe moyen sur le petit axe, et environ, le petit axe étant pris pour unité.

On conçoit aisément que si le grand axe de la lune s'écarte un peu de la direction du rayon vecteur qui joint son centre à celui de la terre, l'attraction terrestre tend à le ramener sur ce rayon; de même que la pesanteur ramène un pendule, vers la verticale. Si le mouvement de rotation de ce satellite eût été primitivement assez rapide pour vaincre cette tendance, la durée de sa rotation n'aurait pas été parfaitement égale à la durée de sa révolution, et leur différence nous eût découvert successivement tous les points de sa surface. Mais dans l'origine, les mouvemens angulaires de rotation et de révolution de la lune ayant été peu différens; la force avec laquelle le grand axe de la lune s'éloignait de son rayon vecteur, n'a pas suffi pour surmonter la tendance du même axe vers ce rayon, due à la pesanteur terrestre qui de cette manière, a rendu ces mouvemens rigoureusement égaux; et de même qu'un

pendule écarté par une très-petite force, de la verticale, y revient sans cesse, en faisant de chaque côté, de petites oscillations; ainsi, le grand axe du sphéroïde lunaire doit osciller de chaque côté du rayon vecteur moyen de son orbite. De là résulte un mouvement de libration dont l'étendue dépend de la différence primitive des deux mouvemens angulaires de rotation et de révolution de la lune. Cette libration est très-petite, puisque les observations ne Pont point fait reconnaître.

On voit donc que la théorie de la pesanteur explique d'une manière satisfaisante, l'égalité rigoureuse des deux moyens mouvemens angulaires de rotation et de révolution de la lune. Il serait contre toute vraisemblance, de supposer qu'à l'origine, ces deux mouvemens ont été parfaitement égaux; mais pour l'explication de ce phénomène, il suffit que leur différence primitive ait été très-petite; et alors l'attraction de la terre a établi la parfaite égalité que l'on observe.

il

Le moyen mouvement de la lune étant assujéti à de grandes inégalités séculaires qui s'élèvent à plusieurs circonférences ; est clair que, si son moyen mouvement de rotation était parfaitement uniforme, ce satellite, en vertu de ces inégalités, découvrirait successivement à la terre, tous les points de sa surface; son disque apparent changerait par des nuances insensibles, à mesure que ces inégalités se développeraient : les mêmes observateurs le verraient toujours à très-peu près le même, et il ne paraîtrait sensiblement différer, qu'à des observateurs séparés par l'intervalle de plusieurs siècles. Mais la cause qui a établi une parfaite égalité entre les moyens mouvemens de rotation et de révolution de la lune, ôte pour jamais aux habitans de la terre, l'espoir de découvrir les parties de sa surface, opposées à l'hémisphère qu'elle nous présente. L'attraction terrestre, en ramenant sans cesse vers nous, le grand axe de la lune, fait participer son mouvement de rotation aux inégalités séculaires de son mouvement de révolution, et dirige constamment le même hémisphère vers la terre. La même théorie doit être étendue à tous les satellites dans lesquels on a observé l'égalité des mouvemens de rotation et de révolution autour de leur planète.

: Le phénomène singulier de la coïncidence des noeuds de l'équateurde la lune avec ceux de son orbite, est encore une suite de l'attrac tion terrestre. C'est ce que Lagrange a fait voir le premier, par une très-belle analyse qui l'a conduit à l'explication complète de tous les mouvemens observés dans le sphéroïde lunaire. Les plans de. l'équateur et de l'orbite de la lune, et le plan mené par son centre parallèlement à l'écliptique, ont toujours à fort peu près la même intersection: j'ai reconnu que les mouvemens séculaires de l'écliptique n'altèrent ni la coïncidence des noeuds de ces trois plans, ni leur inclinaison moyenne que l'attraction de la terre maintient constamment la même.

Observons ici que les phénomènes précédens ne peuvent pas subsister avec l'hypothèse dans laquelle la lune primitivement fluide et formée de couches de densités quelconques, aurait pris la figure qui convient à leur équilibre : ils indiquent entre les axes du sphéroïde lunaire, de plus grandes différences que celles qui ont lieu dans cette hypothèse. Les hautes montagnes que l'on observe à la surface de la lune, ont sans doute, sur ces phénomènes, une influence très-sensible et d'autant plus grande, que son aplatissement est fort petit, et sa masse, peu considérable.

Quand la nature assujétit les moyens mouvemens célestes, à des conditions déterminées ; ils sont toujours accompagnés d'oscillations dont l'étendue est arbitraire ainsi, l'égalité des moyens mouvemens de rotation et de révolution de la lune, est accompagnée d'une libration réelle de ce satellite. Pareillement, la coïncidence des nœuds moyens de l'équateur et de l'orbite lunaire, est accompagnée d'une libration des nœuds de cet équateur, autour de ceux de l'orbite; libration très-petite, puisqu'elle a échappé jusqu'ici aux observations. On a vu que la libration réelle du grand axe de la lune est insensible, et nous avons observé dans le chapitre VI, que la libration des trois premiers satellites de Jupiter, est pareillement insensible. Il est très-remarquable que ces librations dont l'étendue est arbitraire et pourrait être considérable, soient cependant fort petites; ce que l'on peut attribuer aux mêmes causes qui, dans l'origine, ont établi les conditions dont elles dépendent. Mais relatiyement aux arbitraires qui tiennent au mouvement initial de rotation

des corps célestes, il est naturel de penser que sans les attractions étrangères, toutes leurs parties en vertu des frottemens et des résistances qu'elles opposent à leurs mouvemens réciproques, auraient pris à la longue, un état constant d'équilibre, qui ne peut exister qu'avec un mouvement de rotation uniforme, autour d'un axe invariable; ensorte que les observations ne doivent plus offrir dans ce mouvement, que les inégalités dues à ces attractions. C'est ce qui a lieu pour la terre, comme on s'en est assuré par les observations les plus précises : le même résultat s'étend à la lune et probablement à tous les corps célestes.

Si la lune a été rencontrée par quelque comète (ce qui suivant la théorie des chances, a dû arriver dans l'immensité des temps), leurs masses ont dû être d'une petitesse extrême; car le choc d'une comète qui ne serait qu'un cent-millième de la terre, eût suffi pour rendre sensible, la libration réelle de ce satellite, qui cependant n'a' pu être aperçue par les observations. Cette considération jointe à celles que nous avons présentées dans le chapitre IV, doit rassurer les Astronomes qui peuvent craindre que les élémens de leurs tables ne soient changés par l'action de ces corps.

L'égalité des mouvemens de rotation et de révolution de la lune, fournit à l'Astronome qui veut en décrire la surface, un méridien universel donné par la nature, et facile à retrouver dans tous les temps; avantage que n'a point la géographie dans la description de la terre. Ce méridien est celui qui passe par les pôles de la lune, et par l'extrémité de son grand axe toujours à fort peu près dirigé vers nous. Quoique cette extrémité ne soit distinguée par aucune tache, cependant on peut en fixer la position à chaque instant, en considérant qu'elle coïncide avec la ligne des noeuds moyens de l'orbite lunaire, quand cette ligne coïncide elle-même avec le lieu moyen de la lune. La situation des principales taches de sa surface, a ainsi été déterminée aussi exactement que celle de beaucoup de lieux remarquables de la terre.

CHAPITRE XVI.

Des mouvemens propres des étoiles.

APRÈS avoir considéré les mouvemens des corps du système solaire, il nous reste à examiner ceux des étoiles qui toutes, en vertu de la pesanteur universelle, doivent graviter les unes vers les autres et décrire des orbes immenses. Déjà les observations ont fait reconnaître ces grands mouvemens qui probablement sont en partie, des apparences dues au mouvement de translation du système solaire, mouvement que d'après les lois de l'optique, nous transportons en sens contraire aux étoiles. Lorsque l'on en considère un grand nombre, leurs mouvemens réels ayant lieu dans tous les sens, ils doivent disparaître dans l'expression du mouvement du soleil, conclu de l'ensemble de leurs mouvemens propres observés. C'est ainsi que l'on a reconnu que le système du soleil et de tout ce qui l'environne, est emporté vers la constellation d'Hercule, avec une vitesse au moins égale à celle de la terre dans son orbite. Mais des observations très-précises et très-multipliées, faites à un ou deux siècles d'intervalle, détermineront exactement ce point important et délicat du système du monde.

Outre ces grands mouvemens du soleil et des étoiles, on en observe de particuliers dans plusieurs étoiles doubles; on nomme ainsi deux étoiles extrêmement rapprochées qui paraissent n'en former qu'une, dans les lunettes dont le grossissement est peu considérable. Leur proximité apparente peut tenir à ce qu'elles sont à fort peu près sur le même rayon visuel. Mais une disposition semblable est déjà un indice de leur proximité réelle ; et si de plus, elles ont des mouvemens propres considérables et fort peu différens en ascension droite et en déclinaison; il devient alors extrêmement

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