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deux inférieures. Une modification aussi simple et aussi naturelle du système de Ptolémée, a échappé à tous les Astronomes jusqu'à Copernic: aucun d'eux ne paraît avoir été assez frappé des rapports du mouvement géocentrique des planètes avec celui du soleil, pour en rechercher la cause: aucun n'a été curieux de connaître leurs distances respectives au soleil et à la terre: on s'est contenté de rectifier par de nouvelles observations, les élémens déterminés par Ptolémée, sans rien changer à ses hypothèses.

Si l'on peut, au moyen des épicycles, satisfaire aux inégalités du mouvement apparent des astres; il est impossible de représenter en même temps, les variations de leurs distances. Ptolémée ne pouvait connaître que très-imparfaitement ces variations, relativement aux planètes dont il était impossible alors de mesurer les diamètres apparens. Mais les observations de la lune suffisaient pour lui montrer l'erreur de ses hypothèses suivant lesquelles le diamètre de la lune périgée dans les quadratures, serait double à très-peu près de son diamètre apogée dans les sysigies. D'ailleurs, chaque inégalité nouvelle que l'art d'observer, en se perfectionnant, faisait découvrir, surchargeait son système, d'un nouvel épicycle; ainsi loin d'avoir été confirmé par les progrès ultérieurs de l'Astronomie, il n'a fait que se compliquer de plus en plus ; et cela seul doit nous convaincre que ce système n'est point celui de la nature. Mais en le considérant comme un moyen de représenter les mouvemens célestes, et de les soumettre au calcul; cette première tentative sur un objet aussi vaste, fait honneur à la sagacité de son auteur. Telle est la faiblesse de l'esprit humain, qu'il a souvent besoin de s'aider d'hypothèses, pour lier entre eux les phénomènes, et pour en déterminer les lois : en bornant les hypothèses à cet usage, en évitant de leur attribuer de la réalité, et en les rectifiant sans cesse par de nouvelles observations; on parvient enfin aux véritables causes, ou du moins, on peut les suppléer et conclure des phénomènes observés, ceux que des circonstances données doivent développer. L'histoire de la philosophie nous offre plus d'un exemple des avantages que les hypothèses peuvent procurer sous ce point de vue, et des erreurs auxquelles on s'expose en les réalisant.

par

Ptolémée confirma le mouvement des équinoxes, découvert Hipparque. En comparant ses observations à celles de ses prédécesseurs; il établit l'immobilité respective des étoiles, leur latitude à très-peu près constante au-dessus de l'écliptique, et leur mouvement en longitude, qu'il trouva d'un degré dans quatre-vingt-dix ans, comme Hipparque l'avait soupçonné. Nous savons aujourd'hui que ce mouvement était beaucoup plus considérable; ce qui, vu l'intervalle qui sépare ces deux Astronomes, semble supposer une erreur de plus d'un degré dans leurs observations. Malgré la difficulté que la détermination de la longitude des étoiles, présentait à des observateurs qui n'avaient point de mesures exactes du temps; on est surpris qu'ils aient commis d'aussi grandes erreurs, surtout quand on considère l'accord des observations que Ptolémée cite à l'appui de son résultat. On lui a reproché de les avoir altérées; mais ce reproche n'est point fondé. Son erreur sur le mouvement annuel des équinoxes, me paraît venir de sa trop grande confiance dans la durée qu'Hipparque assigne à l'année tropique. En effet, Ptolémée a déterminé la longitude des étoiles, en les comparant au soleil par le moyen de la lune, ou à la lune elle-même, ce qui revenait à les comparer au soleil, puisque le mouvement synodique de la lune était bien connu par les éclipses; or Hipparque ayant supposé l'année trop longue, et par conséquent le mouvement du soleil par rapport aux équinoxes, plus petit que le véritable; il est clair que cette erreur a diminué les longitudes du soleil, dont Ptolémée a fait usage. Le mouvement annuel en longitude, qu'il attribuait aux étoiles, doit donc être augmenté de l'arc décrit par le soleil, dans un temps égal à l'erreur d'Hipparque sur la longueur de l'année; et alors il devient à fort peu près ce qu'il doit être. L'année sidérale étant l'année tropique augmentée du temps nécessaire au soleil, pour décrire un arc égal au mouvement annuel des équinoxes; il est visible que l'année sidérale d'Hipparque et de Ptolémée, doit peu différer de la véritable: en effet, la différence n'est qu'un dixième de celle qui existe entre leur année tropique et la nôtre.

Ces remarques nous conduisent à examiner si, comme on le pense généralement, le catalogue de Ptolémée est celui d'Hipparque,

réduit à son temps, au moyen d'une précession d'un degré dans quatre-vingt-dix ans. On se fonde sur ce que l'erreur constante des longitudes des étoiles de ce catalogue, disparaît quand on le rapporte au temps d'Hipparque; mais l'explication que nous venons de donner de cette erreur, justifie Ptolémée du reproche de s'être approprié l'ouvrage d'Hipparque; et il paraît juste de l'en croire, lorsqu'il dit positivement qu'il a observé les étoiles de ce catalogue, celles même de sixième grandeur. Il remarque en même temps, qu'il a retrouvé à très-peu près les positions des étoiles, qu'Hipparque avait déterminées par rapport à l'écliptique ; et l'on est d'autant plus porté à le penser, que Ptolémée tend sans cesse à se rapprocher des résultats de ce grand Astronome qui fut, en effet, bien plus exact observateur.

Ptolémée inscrivit dans le temple de Sérapis à Canope, les principaux élémens de son système astronomique. Ce système a subsisté pendant quatorze siècles: aujourd'hui même qu'il est entièrement détruit, l'Almageste considéré comme le dépôt des anciennes observations, est un des plus précieux monumens de l'antiquité. Malheureusement, il ne renferme qu'un petit nombre des observations faites jusqu'alors. Son auteur n'a rapporté que celles qui lui étaient nécessaires pour expliquer ses théories. Les Tables astronomiques une fois formées, il a jugé inutile de transmettre avec elles, à la postérité, les observations qu'Hipparque et lui avaient employées pour cet objet; et son exemple a été suivi par les Arabes et les Perses. Les grands recueils d'observations précises rassemblées uniquement pour elles-mêmes, et sans aucune application aux théories, appartiennent à l'Astronomie moderne, et sont l'un des moyens les plus propres à la perfectionner.

Ptolémée a rendu de grands services à la géographie, en rassemblant toutes les déterminations de longitude et de latitude des lieux connus, et en jetant les fondemens de la méthode des projections, pour la construction des cartes géographiques. Il a fait un Traité d'Optique dans lequel il expose avec étendue le phénomène des réfractions astronomiques : il est encore auteur de divers ouvrages sur la musique, la chronologie, la gnomonique et la mécanique, Tant de travaux sur un si grand nombre d'objets, supposent

un esprit vaste, et lui assurent un rang distingué dans l'histoire des -sciences. Quand son système eut fait place à celui de la nature; on se vengea sur son auteur, du despotisme avec lequel il avait régné trop long-temps: on accusa Ptolémée de s'être approprié les découvertes de ses prédécesseurs. Mais la manière honorable dont il cite très-souvent Hipparque à l'appui de ses théories, le justifie pleinement de cette inculpation. A la renaissance des lettres parmi les Arabes et en Europe, ses hypothèses réunissant à l'attrait de la nouveauté, l'autorité de ce qui est ancien, furent généralement adoptées par les esprits avides de connaissances, et qui se virent tout-à-coup en possession de celles que l'antiquité n'avait acquises que par de longs travaux. Leur reconnaissance éleva trop haut Ptolémée qu'ensuite on a trop rabaissé. Sa réputation a éprouvé le même sort que celle d'Aristote et de Descartes: leurs erreurs n'ont pas été plutôt reconnues, que l'on a passé d'une admiration aveugle, à un injuste mépris; car dans les sciences mêmes, les révolutions les plus utiles n'ont point été exemptes de passion et d'injustice.'

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CHAPITRE III.

De l'Astronomie depuis Ptolémée, jusqu'à son renouvellement en Europe.

Aux travaux de Ptolémée, se terminent les progrès de l'Astronomie dans l'école d'Alexandrie. Cette école subsista pendant cinq siècles encore; mais les successeurs d'Hipparque et de Ptolémée, se bornèrent à commenter leurs ouvrages, sans ajouter à leurs découvertes; et les phénomènes que le ciel offrit dans un intervalle de plus de six cents ans, manquèrent presque tous, d'observateurs. Rome pendant long-tems le séjour des vertus, de la gloire et des lettres, ne fit rien d'utile aux sciences. La considération attachée dans cette république, à l'éloquence et aux talens militaires, entraîna tous les esprits : les sciences qui n'y présentaient aucun avantage, dûrent être négligées au milieu des conquêtes que son ambition lui fit entreprendre, et des troubles intérieurs qui l'agitèrent, et qui toujours croissant, produisirent enfin les guerres civiles dans lesquelles son inquiète liberté expira pour faire place au despotisme souvent orageux de ses Empereurs. Le déchirement de l'empire, suite inévitable de sa trop vaste étendue, amena sa décadence; et le flambeau des sciences éteint par les irruptions des barbares, ne se ralluma que chez les Arabes.

Ce peuple exalté par le fanatisme, après avoir étendu sa religion et ses armes sur une grande partie de la terre, se fut à peine reposé dans la paix; qu'il se livra aux sciences et aux lettres avec ardeur. Peu de temps auparavant, il en avait détruit le plus beau monument, en réduisant en cendres, la fameuse bibliothèque d'Alexandrie. En vain le philosophe Philoponus demanda avec instance, qu'elle fût conservée : Si ces livres, répondit Omar, sont

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