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CHAPITRE VI.

Considérations sur le Système du Monde, et sur les progrès futurs de l'Astronomie.

ARRÊTONS présentement nos regards sur la disposition du système solaire, et sur ses rapports avec les étoiles. Le globe immense du soleil, foyer principal de ses mouvemens divers, tourne en vingtcinq jours et demi sur lui-même sa surface est recouverte d'un océan de matière lumineuse dont les vives effervescences forment des taches variables, souvent très-nombreuses, et quelquefois plus larges que la terre. Au-dessus de cet océan, s'élève une vaste atmosphère ; c'est au-delà que les planètes avec leurs satellites, se meuvent dans des orbes presque circulaires, et sur des plans peu inclinés à l'équateur solaire. D'innombrables comètes, après s'être approchées du soleil, s'en éloignent à des distances qui prouvent que son empire s'étend beaucoup plus loin que les limites connues du système planétaire. Non-seulement cet astre agit par son attraction sur tous ces globes, en les forçant à se mouvoir autour de lui; mais il répand sur eux, sa lumière et sa chaleur. Son action bienfaisante fait éclore les animaux et les plantes qui couvrent la terre, et l'analogie nous porte à croire qu'elle produit de semblables effets sur les planètes; car il n'est pas naturel de penser que la matière dont nous voyons la fécondité se développer en tant de façons, est stérile sur une aussi grosse planète que Jupiter qui, comme le globe terrestre, a ses jours, ses nuits et ses années, et sur lequel les observations indiquent des changemens qui supposent des forces très-actives. L'homme fait pour la température dont il jouit sur la terre, ne pourrait pas, selon toute apparence, vivre sur les autres planètes: mais ne doit-il pas y avoir une infinité

d'organisations relatives aux diverses températures des globes de cet univers? Si la seule différence des élémens et des climats, met tant de variété dans les productions terrestres; combien plus doivent différer celles des diverses planètes et de leurs satellites ? L'imagination la plus active ne peut s'en former aucune idée; mais leur existence est, au moins, fort vraisemblable.

Quoique les élémens du système des planètes, soient arbitraires; cependant, ils ont entre eux, des rapports qui peuvent nous éclairer sur son origine. En le considérant avec attention, on est étonné de voir toutes les planètes se mouvoir autour du soleil, d'occident en orient, et presque dans le même plan; les satellites en mouvement autour de leurs planètes, dans le même sens et à peu près dans le même plan que les planètes; enfin, le soleil, les planètes et les satellites dont on a observé les mouvemens de rotation, tournant sur eux-mêmes, dans le sens et à peu près dans le plan de leurs mouvemens de projection.nbja

Un phénomène aussi extraordinaire n'est point l'effet du hasard: il indique une cause générale qui a déterminé tous ces mouvemens. Pour avoir par approximation, la probabilité avec laquelle cette cause est indiquée; nous remarquerons que le système planétaire, 'tel que nous le connaissons aujourd'hui, est composé d'onze planètes et de dix-huit satellites. On a observé les mouvemens de rotation du soleil, de six planètes, de la lune, des satellites de Jupiter, de l'anneau de Saturne et d'un de ses satellites: Ces mouvemens, avec ceux de révolution, forment un ensemble de quarante-trois mouvemens dirigés dans le même sens, du moins, lorsqu'on les rapporte au plan de l'équateur solaire, auquel il paraît naturel de les comparer. Si l'on conçoit le plan d'un mouvement quelconque direct, couché d'abord sur celui de cet équateur, s'inclinant ensuite à ce dernier plan, et parcourant tous les degrés d'inclinaison, depuis zéro jusqu'à la demi-circonférence, il est clair que le mouvement sera direct dans toutes les inclinaisons inférieures à cent degrés, et qu'il sera rétrograde dans les inclinaisons au-dessus; ensorte que par le changement seul d'inclinaison, on peut représenter les mouvemens directs et rétrogradés. Le système planétaire envisagé sous ce point de vue, nous offre donc quarante-deux

mouvemens dont les plans sont inclinés à celui de l'équateur solaire, tout au plus, d'un angle droit. Il y a plus de quatre mille milliards à parier contre un, que cette disposition n'est point l'effet du hasard; ce qui forme une probabilité bien supérieure à celle des événemens les plus certains de l'histoire, sur lesquels nous ne nous permettons aucun doute. Nous devons donc croire, au moins avec la même confiance, qu'une cause primitive a dirigé les mouvemens planétaires; surtout si nous considérons que l'inclinaison du plus grand nombre de ces mouvemens à l'équateur solaire, est peu considérable et fort au-dessous du quart de la circonférence.

Un autre phénomène également remarquable du système solaire, est le peu d'excentricité des orbes des planètes et des satellites, tandis que ceux des comètes sont fort alongés; les orbes de ce système n'offrant point de nuances intermédiaires entre une grande et une petite excentricité. Nous sommes encore forcés de reconnaître ici l'effet d'une cause régulière : le hasard n'eût point donné une forme presque circulaire aux orbes de toutes les planètes; il est donc nécessaire que la cause qui a déterminé les mouvemens de ces corps, les ait rendus presque circulaires. Il faut encore que la grande excentricité des orbes des comètes, et la direction de leur mouvement dans tous les sens, soient des résultats nécessaires de l'existence de cette cause; car en regardant les orbes des cométes rétrogrades, comme étant inclinés de plus de cent degrés, à l'écliptique; on trouve que l'inclinaison moyenne des orbes de toutes les comètes observées, approche de cent degrés, comme cela doit être, si ces corps ont été lancés au hasard.

Ainsi, l'on a pour remonter à la cause des mouvemens primitifs du système planétaire, les cinq phénomènes suivans: les mouvemens des planètes dans le même sens, et à peu près dans un même plan; les mouvemens des satellites dans le même sens que ceux des planètes; les mouvemens de rotation de ces différens corps et du soleil, dans le même sens que leurs mouvemens de projection et dans des plans peu différens; le peu d'excentricité des orbes des. planètes et des satellites: enfin, la grande excentricité des orbes. des cométes, quoique leurs inclinaisons aient été abandonnées au hasard.

Buffon est le seul que je connaisse, qui depuis la découverte du vrai système du monde, ait essayé de remonter à l'origine des planètes et des satellites. Il suppose qu'une comète, en tombant sur le soleil, en a chassé un torrent de matière qui s'est réunie au loin, en divers globes plus ou moins grands, et plus ou moins éloignés de cet astre: ces globes devenus par leur refroidissement opaques et solides, sont les planètes et leurs satellites.

Cette hypothèse satisfait au premier des cinq phénomènes précédens; car il est clair que tous les corps ainsi formés doivent se mouvoir à peu près dans le plan qui passait par le centre du soleil, et par la direction du torrent de matière qui les a produits : les quatre autres phénomènes me paraissent inexplicables par son moyen. A la vérité, le mouvement absolu des molécules d'une planète, doit être alors dirigé dans le sens du mouvement de son centre de gravité; mais il ne s'ensuit point que le mouvement de rotation de la planète soit dirigé dans le même sens : ainsi, la terre pourrait tourner d'orient en occident, et cependant le mouvement absolu de chacune de ses molécules serait dirigé d'occident en orient; ce qui doit s'appliquer au mouvement de révolution des satellites, dont la direction, dans l'hypothèse dont il s'agit, n'est pas nécessairement la même que celle du mouvement de projection des planètes.

Un phénomène, non-seulement très-difficile à expliquer dans cette hypothèse, mais qui lui est contraire, est le peu d'excentricité des orbes planétaires. On sait par la théorie des forces centrales que si un corps mu dans un orbe rentrant autour du soleil, rase la surface de cet astre, il y reviendra constamment à chacune de ses révolutions; d'où il suit que si les planètes avaient été primitivement détachées du soleil, elles le toucheraient à chaque retour vers cet astre, et leurs orbes loin d'être circulaires, seraient fort excentriques. Il est vrai qu'un torrent de matière, chassé du soleil, ne peut pas être exactement comparé à un globe qui rase sa surface: l'impulsion que les parties de ce torrent, reçoivent les unes des autres, et l'attraction réciproque qu'elles exercent entre elles, peut, en changeant la direction de leurs mouvemens, éloigner leurs périhélies, du soleil. Mais leurs orbes devraient toujours être fort excentriques, ou du moins, ils n'auraient pu avoir tous, de petites

excentricités, que par le hasard le plus extraordinaire. Enfin, on ne voit point dans l'hypothèse de Buffon, pourquoi les orbes de près de cent comètes déjà observées, sont tous fort alongés ; cette hypothèse est donc très-éloignée de satisfaire aux phénomènes précédens. Voyons s'il est possible de s'élever à leur véritable

cause.

Quelle que soit sa nature, puisqu'elle a produit ou dirigé les mouvemens des planètes, il faut qu'elle ait embrassé tous ces corps; et vu la distance prodigieuse qui les sépare, elle ne peut avoir été qu'un fluide d'une immense étendue. Pour leur avoir donné dans le même sens, un mouvement presque circulaire autour du soleil; il faut que ce fluide ait environné cet astre, comme une atmosphère. La considération des mouvemens planétaires nous conduit donc à penser qu'en vertu d'une chaleur excessive, l'atmosphère du soleil s'est primitivement étendue au-delà des orbes de toutes les planètes, et qu'elle s'est resserrée successivement, jusqu'à ses limites actuelles. Dans l'état primitif où nous supposons le soleil, il ressemblait aux nébuleuses que le télescope nous montre composées d'un noyau plus ou moins brillant, entouré d'une nébulosité qui, en se condensant à la surface du noyau, le transforme en étoile. Si l'on conçoit, par analogie, toutes les étoiles formées de cette manière; on peut imaginer leur état antérieur de nébulosité, précédé lui-même par d'autres états dans lesquels la matière nébuleuse était de plus en plus diffuse, le noyau étant de moins en moins lumineux. On arrive ainsi, en remontant aussi loin qu'il est possible, à une nébulosité tellement diffuse, que l'on pourrait à peine, en soupçonner l'existence.

'Tel est, en effet, le premier état des nébuleuses qu'Herschell a observées avec un soin particulier, au moyen de ses puissans télescopes, et dans lesquelles il a suivi les progrès de la condensation, non sur une seule, ces progrès ne pouvant devenir sensibles pour nous, qu'après des siècles; mais sur leur ensemble; à peu près, comme on peut dans une vaste forêt, suivre l'accroissement des arbres, sur les individus de divers âges, qu'elle renferme. Il a d'abord observé la matière nébuleuse répandue en amas divers, dans les différentes parties du ciel dont elle occupe une grande étendue. II a vu dans quelques-uns de ces amas, cette matière faiblement

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