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pour se moquer des fainéans et des hommes ineptes. Il était aussi passé en proverbe de dire, pour taxer quelqu'un d'ignorance ou de stupidité : Il ne connait pas même Ésope.

158. Le Spartiate et l'amour n'ont rien de sale. Cela se disait proverbialement à Sparte. Si l'amant ou l'aimé commettait ou permettait rien d'impudique, ils étaient tous deux bannis de la ville, quelquefois même privés de la vie. (Voyez Élien, liv. III, variétés historiques.)

159. La faveur de Mercure. C'est ainsi que s'exprimait un proverbe grec très-ancien, pour annoncer un gain, un profit inespéré. Il était tiré de l'usage d'offrir à Mercure les prémices des fruits au pied des statues de ce dieu ou Hermès, qui étaient placées le long des chemins, et dont les passans se nourrissaient; ou il se tirait encore des colonnes de pierre placées dans des chemins de traverse, et qui servaient à indiquer la route aux voyageurs égarés que cette heureuse rencontre faisait sortir d'embarras. C'est dans ce sens qu'Horace emploie ce proverbe dans les vers suivans :

An magis excors

Rejectâ præda, quam præsens Mercurius fert?
(SATIR. III, liv. 2.)

Seriez-vous plus avisé de refuser le gain que Mercure favorable vous offrirait? A Rome on appelait ces statues de Mercure millesima Mercurii, parce qu'elles étaient placées sur les grands chemins de mille pas en mille pas. De là on disait en proverbe εquo et mercuriale, pour désigner toute

sorte de gain qui se présentait sans être attendu et sans savoir d'où il venait, comme des épaves, un trésor découvert et tout autre profit qu'on trouve sans le chercher.

160. Par la langue trotte le bœuf. Expression proverbiale usitée chez les Grecs. Les Athéniens portaient un bœuf sur leur monnaie. La figure de cet animal était empreinte sur le didrachme, pièce de monnaie valant à peu près huit sous tournois; l'expression proverbiale s'appliquait spécialement aux avocats prévaricateurs qui, ayant reçu de l'argent de la partie contre laquelle ils plaidaient, abandonnaient vilement la cause de ceux dont ils avaient d'abord embrassé la défense. Démosthène fut accusé de ce fait et on lui reproche de s'être vanté d'avoir reçu plus d'argent pour se taire, que son adversaire pour un long plaidoyer. Combien d'avocats dont il serait plus avantageux d'acheter le silence que le long verbiage!

161. Plus sain que la courge. A cause de la fraîcheur de ce fruit. Athénée comparait les écrits d'Épicharme, disciple de Pythagore, philosophe et poète comique, à qui l'on attribue l'invention de la comédie, à la fraîcheur de la courge.

162. Serò sapiunt Phryges. Bayle prétend que ce proverbe n'est pas plus particulier aux Phrygiens, qu'à tout autre nation, tandis que le reproche qu'on faisait aux Abdéritains les regardait spécialement, de la manière, dit-il, que les reproches qu'on fait aux Normands et aux Gascons, regardent ceux à qui on les fait. Il est certain que les proverbes qui attaquent la Normandie et la Gasgogne sont fon

dés sur des défauts permanens et d'habitude, qui passent de génération en génération.

163. Le scorpion est toujours aux aguets sous la pierre. Apulée, par le scorpion, veut désigner un homme aigre et d'humeur malfaisante. Les nécromanciens prétendent que ceux qui naissent sous le signe du scorpion, sont querelleurs et adroits à surprendre leurs ennemis.

164. La jambe est plus loin que le genou. Propos d'égoïste. C'est-à-dire qu'il faut penser aux plus près, penser à soi avant que de penser aux autres. Les Latins disent, tunica pallio propior est; les Français, la chemise est plus proche que le pourpoint.

165. C'est un chien sur de l'orge (ou dans une crèche). Lucien cite souvent ce proverbe qui correspond au proverbe italien, fare come il can dell'ortolano, faire comme le chien du jardinier, c'est-àdire, ne pouvoir ou ne vouloir point user d'une chose, et empêcher que les autres en usent. C'est le caractère de l'envieux. Un poète grec s'est moqué de ce vice dans l'épigramme suivante, traduite ainsi :

Sur de l'orge entassé remarquez bien ce dogue,
Son instinct, envieux et rogue,

Défend, sans en manger, l'approche du cheval;
Ainsi, jaloux, l'avare enrage

Que du trésor dont il jouit si mal,

Un autre fasse un meilleur usage.

C'est le faible de bien des gens, de soustraire aux yeux ce qu'ils croient être un objet unique ou curieux pour en ôter l'usage aux autres et s'en faire une propriété exclusive.

166. Vous me racontez mon propre songe. Vous me dites ce que je sais déjà.

167. Le rat a goûté de la poix. Il a pris plaisir à une chose, il y retourne sans cesse. Celui qui aime le danger y périra.

168. Il a des yeux de Lyncée. On dit communément des yeux de lynx, à cause de la vue perçante attribuée à cet animal. Mais beaucoup de commentateurs s'attachent à la première acception, et c'est le sentiment d'Aristophane. En effet, Lyncée, fils d'Apharée, et qui fut un des argonautes, savait fort habilement découvrir les terres qui recelaient de riches métaux. C'est pourquoi on disait de lui, que les rayons de ses yeux pénétraient jusque dans les entrailles de la terre. Varron parle d'un autre Lyncée qui était doué d'une vue aussi perçante que le fils d'Apharée.

169. Tenir l'anguille avec une feuille de figuier. Pour exprimer l'attente d'une chose douteuse. Les anciens représentaient allégoriquement, dans ce sens moral, l'anguille enveloppée d'une feuille de figuier qui, étant rude à la main, aide à tenir ce poisson tellement glissant, qu'on n'est point encore assuré de le posséder par ce moyen.

170.

Vérité s'endurcit au marteau. Elle résiste aux efforts que l'on fait pour la détruire.

171. Le loup a l'œil au bois. En parlant d'un homme circonspect. Le loup est fort ingénieux à se tirer du péril; il s'éloigne peu des bois qu'il considère comme son asile, et lorsqu'il est poursuivi il se hâte de s'y réfugier.

172. Larmes de Mégariens. Larmes de crocodile.

Larmes simulées, telles que celles d'héritier. Les soupirs d'un héritier, dit un ancien adage, sont des risées effectives. Le territoire de Mégare était très-fertile en ail. On sait que l'âcreté de l'ail, lorsqu'on en épluche des gousses, tire les larmes des yeux. Aristophane faisant le portrait d'un homme qui feint de pleurer, dit ironiquement qu'il a flairé de l'ail.

173. Un âne chez les Cumans. Les Grecs employaient proverbialement cette expression pour désigner un homme qui fascinait, par un extérieur brillant, les yeux des gens simples et crédules, mais qui était réduit à sa véritable valeur par des hommes éclairés.

174. Dicunt amicum igni quoque et aquá magis necessarium. C'était le sentiment des Grecs, dont le proverbe est traduit, AɛɛTα, etc., etc. (Voyez Plutarque, au traité Comme il faut discerner l'ami du flatteur.) En effet, comme la vie de l'homme ne peut s'écouler sans l'usage du feu et de l'eau, elle ne peut se passer aussi de la conversation et de l'assistance d'un véritable ami.

175. Regarder en taureau. Expression proverbiale employée dans le Phædon pour exprimer une œillade amoureuse empreinte cependant de quelque modestie. Aristophane en fait l'application à Eschyle. Mais dans cette dernière acception, il ne faut considérer le sens que le poète lui donne, que comme un regard d'indignation. Ainsi cette expression emporte deux sens bien distincts.

176. Un éléphant aurait plus tôt enfanté. Quand on voulait désigner la lenteur avec laquelle se con

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